jeudi 6 mars 2014 - par Jacques-Robert SIMON

La sobriété ou la mort !

 A-t-on déjà oublié que des gens éminents, dont un Président de la République, nous avaient annoncé que nos modes de consommation et de vie nous conduisaient tout droit à l’abîme : pas assez de tout, pas assez de pétrole, de charbon, de minéraux ... pas même assez d’énergie solaire. Pourtant les conséquences sont vitales. Dans le meilleur des cas, une poignée d’invisibles puissants s’arrangerait pour faire disparaître ceux qui les gênent. Il n’est même pas certain qu’ils y parviennent. Il est difficile de survivre encerclé de haine. Une « guerre des civilisations » semble en effet sournoisement s’installer. Mais quelle civilisation défendrait-on ?

 Pour tenter d’éviter des polémiques, j’ai tenté de déterminer rationnellement les « ressorts » intimes du mode de fonctionnement des sociétés dites démocratiques et occidentales. Les journaux, les projets de lois, les conversations … tout porte à croire que notre « civilisation » est basée sur le sexe et l’argent, du moins c’est ce qui est offert pour alimenter une consommation de masse pour des masses acculturées.

 Au-delà de ce constat qui glace d’effroi, existe-t-il une alternative ? L’historiette qui suit tente de donner une réponse.

 En 1998, j’ai proposé d’installer des cellules solaires dans l’extrême sud de la Tunisie pour convertir l’électricité produite en hydrogène et oxygène par électrolyse de l’eau [1]. Comparé au Sahara algérien ou à ceux de la Libye, de l'Egypte ou des pays du Sahel, le Sahara tunisien, avec ses 60.000 km2 a une superficie relativement modeste. Cependant, les structures universitaires locales permettaient d’être optimiste quant aux chances de succès de cette aventure. Un dossier fut constitué et présenté aux principales instances de décision des deux pays. Rien ne se concrétisa. Le souhait de l’époque n’était pas de se substituer aux acteurs locaux qui devaient, s’ils en manifestaient l’intérêt, s’emparer du problème. Ce ne fut manifestement pas le cas. En 2012, mes travaux personnels s’achevant par l’écriture d’un livre, il me restait trois années à combler : je décidais de revoir ce problème qui me semblait toujours d’actualité. Après quelques semaines de travail, je lus le travail de M. David JC MacKay [2] qui examinait (avec brio, sérieux et précision) les diverses possibilités offertes par les énergies renouvelables. Ceci me permit d’être certain que cette approche pouvait être utile, mais comment faire ?

 Dans ce qui suit, l’approche marchande sera complètement occultée. Aucun coût, aucun prix, aucune éventuelle rentabilité ne seront évoqués. Seuls les aspects purement techniques seront brièvement décrits.

 Nous nous limiterons à l’examen des besoins énergétiques de l’Union Européenne (27 pays, 500,5 millions d’habitants en 2011) et de l’Union du Maghreb (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie) peuplée de 89,2 millions de personnes, soit au total environ 600 millions d’habitants. La consommation d’énergie des 27 pays européens en 2008 était de 40 820 kWh/(personne.an), soit de l’ordre de 110 kWh/(personne.jour), Il est considéré que l’on veut satisfaire des besoins de consommation énergétique pour tous à cette hauteur.

  Les capteurs solaires seront disposés à plat au Sahara, ils collecteront environ 6 kWh/(m2.jour) d’énergie solaire. La surface de capteur solaire nécessaire est donc de 110/6 = 18,3 20 m2/personne ; soit pour les 600 millions d’habitants 12 109 m2 ou encore 12 000 km2 (un carré de 110 km de côté). La capacité du capteur à transformer les photons solaires en énergie électrique et/ou en hydrogène et en oxygène doit maintenant être prise en compte. Le carré nécessaire sera alors 10 ou 100 fois plus grand. Il est d’ores et déjà possible de constater que la surface « empruntée » au désert n’est pas si faible qu’on pourrait le penser. Pour rendre possible cette réalisation, il faut encore qu’une autre logique que la logique mercantile soit adoptée. Ce n’est pas une proposition idéologique, c’est une constatation technologique.

 Avant que de rassembler les éléments du puzzle industriel nécessaires à l’essor d’une production massive de cellules photovoltaïques, j’ai tenté de comprendre comment les pouvoirs publics influaient sur le cours des événements. Des souvenirs anciens m’indiquaient que la politique industrielle pouvait être « orientée » grâce à une politique de rachat subventionné de l’électricité dite verte au consommateur. Cette même politique était continuée de nos jours puisqu’un décret du 4 Mars 2011 indiquait :

6. Type de technologie utilisée parmi la liste suivante pour les projets dont la demande de raccordement au réseau est envoyée après le 1er juillet 2011 : silicium poly-cristallin ; silicium monocristallin ; silicium amorphe ; couche mince à base de tellure de cadmium ; couche mince à base de cuivre, d’indium, sélénium ; couche mince à base de composés organiques ; autre.

Je fis part de mes doutes à certains de mes collègues. Il n’était guère sérieux de mettre sur un même plan un matériau fermement ancré dans le monde industriel comme le silicium monocristallin et les couches minces de composés organiques dont les performances étaient testées en laboratoire. Un second aspect m’intriguait, tous les raisonnements étaient basés sur le prix de revient du kWh fourni par une cellule photovoltaïque donnée. Etait-ce la bonne variable à considérer ?

 Un examen attentif des propositions contenues dans le livre de M. MacKay indique clairement que tout développement « durable » (au-delà de l’emphase, presque constamment présente lorsqu’on utilise ce terme) passe impérativement par une sobriété énergétique quelles que soient les ressources utilisées, fossiles ou non. Les sociétés du futur seront sobres ou guerrières, totalitaires et impérialistes. Ceci a des conséquences considérables sur les choix technologiques qui peuvent être proposés, mais aussi sur les choix de société.

  Il est donc nécessaire de prendre son temps pour équiper de panneaux solaires une partie du Sahara. Il est également indispensable d’utiliser ce qu’il y a de mieux à chacune des étapes et non pas ce qu’il y a de moins cher. Les installations auront une plus grande durée de vie et les frais de maintenance seront moindres. Le désir frénétique d’exporter (donc de dominer) doit faire place à la sagesse et à une vision sur le long terme. Il semble donc acquis qu’il faille bannir le « mescht » de toute proposition, la frénésie également.

 mescht : terme alsacien signifiant compost, fumier et par extension quelque chose de qualité médiocre. Nous devons constamment poser la question : « est-ce du mescht ? ».

[1] Une version est disponible gratuitement sur demande à :

 [email protected]

[2] David JC MacKay, Sustainable Energy-without the hot air, UIT, Cambridge (2009),. Disponible à www.withouthotair.com.

 Version française : L’énergie durable-pas que du vent disponible à http://www.amides.fr/sewtha.html



24 réactions


  • chapoutier 6 mars 2014 10:27

    je m’élève contre la duplicité du titre de votre texte qui laisse penser qu’il va être question de consommation immodérée de Bourgogne ou de Bordeaux smiley


    • César Castique César Castique 6 mars 2014 11:27

      Aurais-je été censuré ? smiley


      « La dépendance ne sera pas plus importante que celle que l’on « subit » actuellement vis à vis du pétrole. »

      Elle viendra simplement s’y ajouter, alors que je pense, pour ma part, que notre salut dépend de notre capacité à nous libérer du boulet « tiers monde », et qu’hors cela, il n’y aura pas de salut.

      « De plus, puisque le chemin vers la sagesse est la condition sine qua non de notre survie « commune » (UE+Maghreb), je le postule. »

      Que vous postuliez la sagesse pour notre Vieux monde déclinant, fatigué, tolérant - « La tolérance est une coquetterie d’agonisant » (E.M. Cioran) - je le conçois, mais que vous ne compreniez pas qu’elle sera perçue comme une nouvelle entourloupe d’Occidentaux par des populations aspirant à notre mode de vie, me donne à penser que vous vous complaisez dans les illusions qui vous rassurent.

    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 6 mars 2014 12:31

      Je ne crains plus grand’chose et même la mort est, pour ce qui me concerne, plus un repos éternel qu’une déchirure. Mais l’alternative est claire : un néo-fascisme sous couleur de libéralisme ou faire appel à des technologies qui apaisent les gens et les peuples.


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 07:01

      Aucune menace ne plane sur les vins (surtout Français)


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 6 mars 2014 10:41

      Le projet implique effectivement une production d’électricité (mais aussi d’hydrogène et d’eau potable) au sein de l’Union du Maghreb. La dépendance ne sera pas plus importante que celle que l’on « subit » actuellement vis à vis du pétrole. De plus, puisque le chemin vers la sagesse est la condition sine qua non de notre survie « commune » (UE+Maghreb), je le postule. Je peux vous fournir le projet scientifique détaillé si vous le souhaitez.


  • wawa wawa 6 mars 2014 13:20

    Je suis toujours étonné de certains projets mégalomaniaques.


    Les tunisien et les marocains ont du soleil, soit. qu’ils commencent par produire leur propre consomation avec le soleil, soit en photovoltaique sur leur toit ou en thermique en plein desert (meilleur rendement) avant (et avec leur argent). On peut envisager qu’ils fassent leur ciment (decarbonataion du calcaire) avec le solaire a concentration. leurs besoins peuvent déja être immense si ils veulent dessaler de l’eau. 

    On jouera a « perrette et le pot au lait » plus tard.

    nb1) les algériens ont du gaz, bien plus pratique

    nb2) on considère qu’un panneau photovoltaique met 7 ans pour « rembourser » l’energie necessaire à sa fabrication. disons 4 ans en plein desert. Certains electrolyseurs ont des rendements de 60% mais ce sont des « danseuses » de labo, 30% plus realiste, disons 50% au max. Refaire de l’elec à partir de l’hydrogène, que ce soit en pile a combustible ou cycle thermique vous refait perdre la moitié de l’energie. Rajoutons le transport de l’hydrogène (perte en liquéfaction) ou les pertes en lignes durant le transport, et l’on va mettre plus de 16 ans pour avoir un retour investissement energétique (EREOI = 1) pour des panneaux ayant une durée de vie de 25 ans (EREOI = 1.5 encore plus mauvais que les gaz de schiste ou les biocarburant). Même sans tenir compte de l’economic c’est perdu d’avance.

    le projet desertec partait sur de meilleures bases ( solaire thermique et gaz+ transport THT) pour l’instant le projet est encore en veille : il y a mieux a faire.

    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 6 mars 2014 16:20

      Merci de vos commentaires. Mais j’avais (avec beaucoup d’autres) déjà fait les calculs que vous indiquez. La décarbonatation du calcaire n’était pas, et n’est toujours pas, prévue pour maintes raisons. Les processus proposés font que vos calculs de rendements ne sont pas corrects. Je répète que je tiens à votre disposition le document scientifique gratuitement afin que vous vous fassiez une idée.


    • wawa wawa 6 mars 2014 17:18

      et brievement, quels sont ces processus et quels sont leur rendement ?


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 05:04

      Les photons se convertissent soit en électricité grâce à l’effet photovoltaïque, soit en chaleur normalement perdue. Je récupère cette chaleur par exemple pour évaporer de l’eau de mer pour en faire de l’eau douce. L’ensemble du projet est basé sur ce processus de récupération. Séparer les rendements n’a donc pas de sens.


    • wawa wawa 7 mars 2014 05:24

      Effectivement, si la chaleur perdue par les panneaux PV est réutilisée pour distiller de l’eau, l’ereoi s’améliore considérablement.


      Il n’en demeure pas moins qu’il faudrait le commencer a petite echelle pour des besoin locaux. à la limite les occidentaux pourrai fournir une partie du financement sous forme d’aide internationale ( si l’on en a encore les moyens).

      Parfois un grain de sable fait foirer les grand projet ex l’envasement de la rance. ici cepourrai être le depot de poussière sur les panneaux qui fait chuter encore les rendement ou qui consomme trop d’eau.

    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 06:59

      Non ! Surtout pas d’argent mais des bonnes volontés, de l’humilité, du courage, de l’abnégation, le sens de la collectivité, le respect des autres ... les aspects scientifiques sont relativement simples et peu coûteux.


    • Croa Croa 7 mars 2014 08:19

      Moi aussi, d’autant que le titre donnait à penser à des propositions pour réduire les excès actuels et non pas à des « projets mégalomaniaques » !

      Sinon dans le désert les centrales solaires thermiques sont en effet bien mieux que les centrales solaires photovoltaïques. L’auteur a même pensé à des panneaux amorphes fait pour les régions sans soleil direct ! smiley 

      Ceci dit il ne faut pas « 7 ans pour « rembourser » l’energie necessaire à sa fabrication » mais 2 ans tout au plus. (Tu confonds avec le retour sur investissement qui est effectivement de cet ordre à condition d’y intégrer les aides.)


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 08:36

      Les aspects financiers sont volatils, instables et sujets à « manipulation ». C’est pourquoi, je préfère les ignorer. Sciences et technologies peuvent permettre de créer des richesses si elles sont conduites correctement ... pas l’inverse.


    • wawa wawa 7 mars 2014 10:02

      de mémoire, 2 ans rembourse du thermique, pas du photovoltaique


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 10:09

      Je peux vous fournir ce genre de chiffres assez facilement mais ils dépendent principalement du taux d’ensoleillement moyen.


  • baron 6 mars 2014 17:30

    L’idée est bonne, mais il conviendraitavant cela d’utiliser toutes les énergie renouvelables en france.

     La géothermie à un fort potentiel et pourrait nous permettre de produire autant d’électricité que trois réacteurs nucléaires, cumulé avec l’éolien, le solaire, l’hydraulique et l’énergie des courants marins, nous serions déjà quasi autonome.

    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 05:06

      Je pense qu’utiliser la masse énorme de jeunes gens qualifiés au Maghreb pour faire émerger une industrie à partir de peu de choses est plus aisé que de changer de vieilles structures.


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 05:07

      Je pense qu’utiliser la masse énorme de jeunes gens qualifiés au Maghreb pour faire émerger une industrie à partir de peu de choses est plus aisé que de changer de vieilles structures.


  • San-antonio San-antonio 7 mars 2014 10:13

    Bonjour a l’auteur. Ou pouvons nous trouver vos etudes detaillees SVP ?


  • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 7 mars 2014 12:16

    Mon adresse se trouve référence 1 du texte


  • baldis30 10 mars 2014 08:55

    je propose qu’on barre le détroit de Gilbraltar, qu’on laisse évaporer l’eau pendant cent ans et qu’on installe des turbines pour turbiner sous deux cent mètres de chute les eaux provenant de l’Atlantique .  smiley


    • baldis30 10 mars 2014 09:42

      En fait j’ai oublié .. coup double en barrant le canal de Suez ( il n’aura plus d’importance étant donné qu’il n’y aura plus de pétrole) donc l’approvisionnement en électricité du moyen-orient sera aussi satisfait .. smiley


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 10 mars 2014 10:43

      Essayez ! Je ne garantie pas le succès.


    • baldis30 10 mars 2014 12:35

      je préfère crever dans l’abondance , parce que les appels à caractère biblique déguisé me dégoûtent profondément, et je n’ai aucun respect pour ceux qui les véhiculent et n’ont aucun sens des réalités vécues au quotidien dans n’importe quelle ZUP, ni dans les écoles où les enfants viennent souvent pour se réchauffer et manger . 


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