vendredi 9 mars 2012 - par Adrien Faure

Le lac de Coase : le capitalisme vert en action !

Coase a imaginé comment régler la crise écologique en utilisant les logiques mêmes qui l'ont produites, à savoir les logiques du capitalisme.

Son idée était que en privatisant (en marchandisant) la nature, alors cette même nature serait préservée de toute nuisance. Dans le capitalisme en effet tous les individus font des choix rationnels (une hypothèse osée sur la nature humaine sur laquelle est basée notre économie contemporaine), et ainsi, tout propriétaire d'un bien privé le gérera de manière à en tirer le plus grand profit. Il est donc dans l'intérêt du propriétaire d'un bien privé que ce bien ne perde pas de sa valeur. De même, si il s'agit d'un moyen de production, il sera dans l'intérêt du propriétaire de ce moyen de production d'en assurer la pérennité afin que sa rente de propriétaire ne se tarisse point.

Prenons donc l'exemple d'un lac.

Plusieurs pêcheurs pêchent du poisson dans ce lac, et ils en tirent un revenu qui leur permet de vivre. Ce lac est un moyen de production naturel qui n'appartient à personne, donc dont la propriété est commune (c'est un bien collectif). Mais les pêcheurs ne sont pas assez rationnels pour se rendre compte que si ils pêchent trop de poissons il n'y en aura plus (que si ils exploitent Mère Nature au-delà de ses capacités régénératives alors Mère Nature dépérira).

Coase propose donc de privatiser ce lac pour le préserver.

Le lac devient la propriété d'un seul pêcheur. En tant que propriétaire (rationnel) de ce lac, il veut en assurer la pérennité, et donc il limite le nombre de pêcheurs qui en ont l'accès. Pour cela il instaure un droit de péage pour accéder à son bien. Les autres pêcheurs vont donc devoir lui payer une certaine somme pécuniaire qui correspond à une partie de la valeur marchande de leur production. On peut aussi dire que les pêcheurs doivent travailler plus longtemps pour obtenir le même revenu qu'ils pouvaient obtenir quand le lac n'était pas le propriété privée d'un seul pêcheur. On voit ici le principe de l'expropriation capitaliste : le possesseur des moyens de production (des capitaux) dérobe une partie de la valeur du travail du travailleur simplement parce qu'il possède les moyens de production.

Cette démonstration de la théorie de Coase amène le constat suivant : la privatisation de la nature peut certes amener à préserver dans une certaine mesure la nature (mais pas à régler la crise écologique puisque celle-ci découle d'une logique inhérente au capitalisme, à savoir le productivisme, le toujours plus), mais elle provoque en échange l’accroissement des inégalités et donc une précarisation croissante.

La crise écologique ne se résoudra pas à coup de baguette magique capitaliste à privatiser le monde.

Elle ne se réglera que par la refonte de nos sociétés contemporaines sur une logique d'auto-limitation, c'est à dire par un apprentissage collectif à distinguer l'essentiel du futile. Toute auto-limitation induit nécessairement le partage. Et c'est ce partage que redoute les classes dominantes et qui les enferme dans des délires à la Coase.



5 réactions


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 9 mars 2012 14:42

    Que se passe-t-il lorsque tous les pêcheurs sont collectivement propriétaires du lac ?


    • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 9 mars 2012 14:47

      16 janvier 10:57, par Jean-Pierre Llabrés
      À l’auteur :
      Pourriez-vous rédiger un article sur l’autosuffisance alimentaire à 100% ?


    • Spip Spip 9 mars 2012 19:47

      Ça s’appelle une SCOP (société coopérative Ouvrière de production). Celles que je connais ne se débrouillent pas mal.


  • foufouille foufouille 9 mars 2012 14:49

    il vend tous les poissons puis vend le lac


  • hs47 11 mars 2012 15:48

    Le capitalisme est le pire des systèmes... à l’exception de tous les autres...
    Ce n’est pas le partage que craignent les classes dominantes car il y a longtemps qu’elles ne partagent plus... qu’entre elles... grâce à l’opacité des paradis fiscaux (dont la Suisse...)...
    Ce que craignent les classes dominantes, c’est à dire les financiers propriétaires des multinationales en situations de monopoles captifs, c’est la concurrence.
    L’absence de concurrence en particulier sur l’énergie, leur permet d’augmenter en permanence leurs prix sans laisser d’autre choix aux clients de base que nous sommes (...) que d’accepter de se faire tondre tous les jours un peu plus, puisqu’il n’y a pas de concurrence, tout en recrachant les profits colossaux, à croissance exponentielle (...), uniquement dans les paradis fiscaux (Exemple avec TOTAL-ELF qui dégage 10 milliards de profits mais uniquement des pertes en France... pour ne pas payer d’impôts...). smiley
    L’opacité des paradis fiscaux permet, en plus, d’arroser tous azimuts les politiques, depuis l’extrême gauche jusqu’à l’extrême droite, mais surtout et en premier, les hauts fonctionnaires de Bercy, c’est à dire ceux qui sont chargés de veiller sur la préservation des pompes à frics, les monopoles captifs des multinationales, en bloquant toutes les innovations qui pourraient venir les concurrencer.
    Alors, comment créer cette concurrence ?
    En libérant les innovations majeures et de ruptures de l’absence de financement de leurs prototypes et démonstrateurs par l’association de différentes forces créatrices dans un modèle différent, proche de la coopérative, une mise en moyen de compétences pointues dans des domaines complémentaires.
    En France, l’état détient, depuis 1969, le monopole du financement des innovations au travers d’OSEO, ex ANVAR, qui ne finance que des multinationales richissimes et s’évertue à bloquer toutes les innovations majeures et de ruptures qui pourraient concurrencer les monopoles captifs des multinationales, en particulier EDF, dans lequel l’état détient 70 % du capital...
    Des innovations existent, permettant de valoriser, par cogénération, indifféremment plusieurs énergies thermiques de proximité quasiment gratuites ; l’absence de prototypage ne permet pas de commencer l’industrialisation de ces procédés et donc d’offrir une autre alternative de choix aux consommateurs en créant une véritable concurrence.
    La financiarisation de l’économie capitaliste est LE cancer du capitalisme qui a concentré tous les moyens financiers entre quelques mains pour priver les innovateurs des moyens financiers leur permettant de créer une véritable concurrence aux monopoles des multinationales détenus par les financiers.
    Le capitalisme a été dévoyé par le blocage du rôle positif, dans le vrai capitalisme, de l’entrepreneur innovant.

    L’innovation, la vraie, l’innovation majeure et de rupture qui créé une vraie concurrence, est sans aucun doute beaucoup plus révolutionnaire que tous les prétendus révolutionnaires, socialistes et autres bobos qui parlent, s’indignent, causent partout sans jamais agir sur le fond, c’est à dire sur les pompes à frics en les bloquant à la source grâce à la concurrence innovante.

    La concentration du capital tend à bureaucratiser l’innovation et à priver la fonction d’entreprise de sa justification la plus profonde, ce qui peut mettre en cause la survie du capitalisme. Joseph Allois SCHUMPETER (Capitalisme socialisme et démocratie 1944).


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