Les roseaux de nos rivages
Il fut une époque qui semble désormais lointaine durant laquelle, tout était mis en œuvre pour tirer de l'environnement immédiat, les ressources nécessaires. Les humains avaient alors cette ingéniosité de tirer parti de choses simples pour améliorer l'ordinaire, trouver des ressources et des usages à tout ce que dame nature leur offrait à porter de mains.
Depuis, il faut toujours aller chercher plus loin ce qui pourrait tout aussi bien se trouver à proximité sous une forme moins complexe. Mais les règles du profit et de la mondialisation ont un temps diabolisé l'économie circulaire de nos anciens. Retrouvons un peu de sagesse comme nous y invite ce cliché envoyé par Babelouest : un lecteur, accompagné de ce commentaire :
« Ce que tu vois là, c’est une matière première qui servait pas mal à l’époque, ce qu’on appelait « les rouchis », des plantes aquatiques qui servaient aussi bien à allumer le feu, qu’à faire des paniers ou des nasses à anguilles, des rideaux coupe-vent, bien entendu cette récolte faisait partie des tâches d’hiver. Je pense qu’alors l’autarcie était très importante. Pour les vêtements, c’étaient la laine ou le chanvre qui se filaient à la veillée. J’ai connu des draps qui auraient pu presque servir de râpes à fromage... »
Naturellement je me suis mis en chasse en quête de ce mot « Rouchis » si proche d'autres dont on avait usage en bord de Loire et d'étangs. Je ne pouvais passer à côté des Rauches évoquées par l'extraordinaire livre de Maurice Genevoix qu'il serait impardonnable de ne pas lire. C'est alors que d'autres m'évoquèrent dans leur région les termes de Rouche et même de Rouache, tant le langage local aime à jouer de certaines subtilités. Ailleurs, sortant un peu du cadre apparurent des Laiches qui étaient pourtant de même nature.
Tous ces mots pour désigner le roseau, cette plante qui ne l'oublions jamais fut à l'origine de l'écriture sur tablette d'argile avec le fameux Calame, cette tige de roseau biseautée qui donna l'écriture cunéiforme. Et d'ailleurs notre roseau n'a pas perdu sa capacité à faire écrire puisque demandant à la toile des détails, je reçus bien des commentaires.
Commençons par l’inénarrable Jean-Pierre Simon auteur prolifique et artiste aux mille facettes qui s'exprime à ce sujet : « En Touraine, nous les appelions des rouches. Ça désigne ces petits roseaux du bord de l'eau qui poussent en paquets parfois volumineux. Une autre piste, que j'ai pu explorer avec les naturalistes orléanais quand j'emmenais les écoliers à l'Île aux Cannes (qui prend justement deux N pour cette raison), les touradons de molinie, mais molinie est un terme plus que générique, qui désigne une flopée de roseaux des bords de l'eau. C'est la typha latifolia, cousine de la massette, amis qui n'obtient pas un développement aussi marqué que cette dernière. »
Précisons alors que les fameuses cannes font ici référence à l'osier issue des trognes de saule. Autre usage d'une ressource qui attache encore les vignes du côté de Marcillac dans l'Aveyron. L'osier comme le roseau permettant de fabriquer nasses et paniers. Mais revenons à nos Rauches avec un fin explorateur de la région : Gérard Dussoubs.
« La vallée de la Conie en Eure-et-Loir que je connais bien, était autrefois le lieu principal de récolte de ces roseaux appelés les rouches, qui étaient surtout disposés sur les toitures. On peut voir encore aujourd'hui ces fameux toits sur place, mais la production locale ne suffisant pas, les rouches proviennent désormais de Camargue ». Notons au passage que nous trouvons pareille utilisation en Brière, en Brenne et en Bresse. Les anciens savaient se couvrir.
Quant à vous expliquer ce qu'on peut en faire, confions à des spécialistes cette explication qui plus est en image. J'espère que vous serez convaincus qu'il y a là un formidable gisement qui échappe à la sagacité légendaire de nos si lucides dirigeants.