vendredi 1er juillet 2016 - par Didier Barthès

Notre Dame des Landes : Tristesse à tous les étages

Le choix par la population elle-même de donner la priorité à un projet d'aéroport sur la protection de la nature nous donne sans doute de vraies raisons d'être pessimistes sur la capacité de l'humanité à relever les défis écologiques.

Le « Oui » au référendum en faveur de la construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes est une des plus tristes nouvelles que nous puissions recevoir. Ainsi, la nature a perdu !

On peut bien entendu arguer que le périmètre de la consultation fut particulièrement bien choisi. Qu’un vote sur la seule commune de Notre Dame des Landes (où le « Non » a recueilli 73 % des suffrages) eut donné un autre résultat ; qu’un vote sur l’ensemble de la région ou même sur la France - après tout, cet aéroport revendique une vocation internationale - eut peut-être connu une autre issue. Il n’empêche que le score est franc, que cela ne s’est pas joué à deux voix près et que dans l’isoloir nul n’avait un pistolet sur la tempe.

On peut à l’infini condamner quelques boucs émissaires, les « Vinci » bétonneurs, les politiques peu soucieux du long terme, les arguments de mauvaise foi et les moyens financiers des partisans du oui mais cela serait trop facile, cela serait se rassurer à bon compte.

Il nous faut admettre que la cause écologique est loin de faire l’unanimité, que pour une part sensible de la population, les valeurs habituelles de notre société, la croissance et le progrès forcément salvateur, sont encore largement dominantes et que, dans la balance, la nature ne fait pas le poids.

Les lois de protection des plantes et des animaux sont tout simplement effaçables d’un trait de plume à l’approche de n’importe quel projet. Une règle qui peut être facilement détournée et qui l’est régulièrement, n’est tout simplement plus une règle, la conclusion est claire, il n’existe pas aujourd’hui de loi de protection de la nature. Les loups d’ailleurs en font la triste expérience.

Rappelons que la même dérive toucha la région lyonnaise lors de la construction du stade dit des lumières auquel on sacrifia sans état d’âme et avec la bénédiction des principaux partis, mais aussi des amateurs de sport, une des rares zones de l’agglomération non encore bétonnées. Il en sera de même très probablement pour la réalisation d’une autoroute supplémentaire entre Lyon et Saint Etienne.

Dans les trois cas, une infrastructure existe ou existait déjà. Dans les trois cas nous voulons toujours plus, dans les trois cas la défense de la nature se fracasse contre l’intérêt immédiat et les peuples ne sont pas innocents. Ils savent bien d’ailleurs que les aéroports sont nécessaires aux voyages comme le sont les routes et les compagnies pétrolières pourtant si décriées. Ils ne votent pas tout à fait sans raison et les politiques le savent aussi, le chantage à l’emploi fait le reste.

Globaliser les choses, rappeler que sur un monde dévasté, irrespirable, sans plus un arbre, même la question de l’emploi sera sans importance ne convainc pas. Nous nous heurtons là sur l’impossible conciliation du local et du global, du court et du long terme, de la nécessité d’une approche générale à longue échéance et de la pression d’un intérêt plus tangible, plus évident pour demain matin. Cette opposition concerne toutes les activités des hommes et depuis longtemps, toutefois, tant que l’humanité n’avait pas colonisé l’ensemble de la planète et construit une société globale nous pouvions, sur ce point, laisser la réflexion à demain et la cantonner à quelques philosophes ignorés.

Cette opposition fondamentale constitue la justification la plus profonde de ceux que tente le pessimisme, car elle touche non seulement les faits, mais elle incline à admettre la radicale inaccessibilité des solutions. La faute est trop profondément en nous.

La participation active des populations au désastre, la béatitude d’une grande partie des mouvements écologistes qui se complaisent dans l’oxymore d’une croissance verte résultent sans doute pour une part d’un égoïsme assez naturel (et nécessaire ?) à toute forme de vie et il n’y aurait pas lieu de s’en inquiéter si cette forme de vie n’avait désormais la possibilité d’influer sur toutes les autres et ne s’était ancrée dans l’illusion d’en être indépendante. Mais ce n’est plus le cas, nous avons changé de monde et nous pouvons tout détruire.

A terme, la nature engloutira les prétentions des hommes, mais il eut été entretemps tellement plus raisonnable pour l’humanité d’être son amie, affectueuse et intelligente.



115 réactions


    • LOKERINO LOKERINO 4 juillet 2016 23:54

      @Didier Barthès
      je vous l’ai ecrit plus haut , vous vous trompez , la nature reprend du terrain depuis 150 ans

      Non la nature n’a pas perdu :

      La forêt couvre 30% du territoire national et représente une surface de 16,4 millions d’hectares environ. L’agriculture occupe la plus grande surface du territoire (57%) suivi de la forêt et des surfaces sans végétation (7% : bâtis, routes, roches et glaciers). La couverture forestière est en croissance, de 0,6% par an environ depuis trois décennies, et a doublé depuis 1830 où la surface forestière était estimée entre 8,9 et 9,5 millions d’hectares. Cette constante augmentation s’explique par l’abandon de l’élevage extensif dans de nombreuses régions, particulièrement en basse montagne, où les prairies laissent place aux forêts. La désindustrialisation pourrait elle aussi peser dans cette tendance. le niveau des forets en France est revenu au niveau du moyen age !!

      Et si vous pretendez defendre la nature que faites vous pour la presevation du sanctuaire de grand lieu htpp ://www.reserves-naturelles.org/lac-de-grand-lieu&nbsp ;


  • Jean Keim Jean Keim 4 juillet 2016 09:24

    Décidément les statistiques ont la cote, le traffic aérien augmente de x,y % , il y a d’une part des estimations à qui on fait dire ce qu’il convient suivant ce que l’on en attend, et d’autre part un projet qui aura des répercutions énormes sur l’environnement.

    Le projet se fera et profitera c’est évident aux promoteurs et à leurs clientèles, l’environnement sera lui irrémédiablement détruit, la richesse de la vie sera encore un peu plus compromise et à terme notre survie.
    Le regard que nous portons sur le monde est faussé, il y a qq. part, près de chez moi, à l’intérieur d’une ville, une zone qui s’appelle les marais — rien à voir avec un quartier parisien, ce sont des hortillonnages, les gens adorent s’y promener par tous les temps, en ce moment les moustiques sont énervants et j’ai entendu dire qu’il serait bien qu’un projet immobilier assainisse cette zone et construise sur les jardins-îles des pavillons reliés par des petits ponts ce serait charmant, mais la beauté actuel du lieu n’a pas d’emprise sur eux.
    Nous ne savons que détruire, le traffic aérien augmente, il faut le satisfaire, pour amener des poires de Nouvelle-Zélande, des gadgets de Chine, des cotonnades du Bangladesh, des affairistes de Singapour ..., l’aéroport ne sera en rien utile aux gens du coin, au contraire, il y aura des spéculations immobilières, et les autochtones devront aller s’installer plus loin car la vie devenue trop chère.
    C’est désespérant de voir encore et toujours l’économie prédatrice l’emporter, la qualité de vie se dégrader et la stupidité moderne tout envahir, en recouvrant tout d’un clinquant mortel.
    La bêtise serait-elle immortelle ?

  • Didier Barthès 4 juillet 2016 11:03

    Vous habitez près d’Amiens ? En tout cas cette zone est à préserver aussi, nous semblons ne plus accepter le moindre contact avec la nature. Quand nous aurons tué tous les moustiques, on passera à quoi ? Jusqu’à ce qu’un jour la nature nous dise stop et nous envoie dans les poubelles de l’histoire de la vie, comme elle l’a fait pour tant d’autres espèces (moins vite que nous ne le faisons aujourd’hui pour les autres espèces toutefois). La différence sera que nous l’aurons mérité.


    • Jean Keim Jean Keim 4 juillet 2016 14:35

      @Didier Barthès
      Bourges.


    • Jean Keim Jean Keim 4 juillet 2016 14:40

      Environ 135 ha donc plus petit que ceux d’Amiens mais tout autant pittoresques.


    • Didier Barthès 4 juillet 2016 14:59

      @Jean Keim
      J’ignorais leur existence, c’est super, ces lieux sont vraiment à préserver.


    • Jean Keim Jean Keim 4 juillet 2016 18:12

      @Didier Barthès
      Oui, il s’il faut vraiment un argument je dirais simplement pour leur beauté.

      Quand je me ballade dans mon département ou ailleurs, je constate souvent un curieux paradoxe, d’une part des constructions neuves qui empiètent sur des terres agricoles et d’autre part des friches industrielles non exploitées.
      La ville grignote la campagne, de constructions en constructions des bourgs se rejoignent, des ensembles urbains monotones avec les mêmes enseignes commerciales se développent partout, les particularités architecturales régionales disparaissent, les centres-villes de moyenne importance se vident de leurs commerces car la voiture est reine dans les centres commerciaux où tout est à portée de caddy et personne ne s’inquiète de cette évolution. 
      C’est maintenant dans les grandes villes que la petite boutique à une utilité car faire ses courses en voiture est une gageüre. 

    • Jean Keim Jean Keim 4 juillet 2016 19:36

      @oncle archibald
      Les maires aussi subissent des pressions énormes et il y a les dessous des affaires, certains sont tentés sinon comment expliquer l’inexplicable.


  • Jean Keim Jean Keim 4 juillet 2016 14:29

    Dans ces grands projets, la responsabilité de tous les intervenants doit être clairement définie notamment vis à vis des objectifs, voilà qui calmerait les ardeurs bétonneuses.

    Reconnaître un délit d’écocide serait vraisemblablement une bonne chose.

  • Jean Keim Jean Keim 4 juillet 2016 19:32

    NDDL SERA UN ÉCOCIDE PARMI TANT D’AUTRES, et des inondations probablement feront leur apparition car une zone marécageuse est une formidable éponge et la France devrait connaître des précipitations de plus en plus abondantes, enfin c’est ce que je crois savoir.


    Et il y a l’ultime argument, le projet est trop avancé, il y a trop d’enjeux, on ne peut plus faire machine arrière, mais bon allez encore cette fois et ensuite on arrête ! Mais la logique du profit engendre une addiction et l’économie devient de plus en plus prédatrice.

    Je ne comprends pas les dirigeants, ils habitent la même planète que ceux qu’ils exploitent, ils ont des enfants, où iront-ils quand le monde deviendra inhabitable — patience c’est en cours, est-il possible qu’ils soient fous, et comment réagiront-ils quand réduit au désespoir, les miséreux prendront d’assaut leurs palais-forteresses pour leur passer la corde au cou ?

  • LOKERINO LOKERINO 4 juillet 2016 23:57

    Non la nature n’a pas perdu :

    La forêt couvre 30% du territoire national et représente une surface de 16,4 millions d’hectares environ. L’agriculture occupe la plus grande surface du territoire (57%) suivi de la forêt et des surfaces sans végétation (7% : bâtis, routes, roches et glaciers). La couverture forestière est en croissance, de 0,6% par an environ depuis trois décennies, et a doublé depuis 1830 où la surface forestière était estimée entre 8,9 et 9,5 millions d’hectares. Cette constante augmentation s’explique par l’abandon de l’élevage extensif dans de nombreuses régions, particulièrement en basse montagne, où les prairies laissent place aux forêts. La désindustrialisation pourrait elle aussi peser dans cette tendance. le niveau des forets en France est revenu au niveau du moyen age !!

    Non, la nature n’a pas perdu, les extensions de l’actuelle aéroport de Nantes ne se feront plus , le trafic va régresser , le sanctuaire de grand lieu sera enfin mieux préservé http://www.reserves-naturelles.org/lac-de-grand-lieu&nbsp ;


    • Jean Keim Jean Keim 5 juillet 2016 09:17

      @LOKERINO
      Merci pour l’info, forêts naturelles ou essences replantées pour une exploitation forestière ? Les deux probablement.


    • Jean Keim Jean Keim 5 juillet 2016 09:19

      Par contre je crois que les zones marécageuses, les tourbières, les lits libres des fleuves et des rivières sont en diminution.


  • LOKERINO LOKERINO 5 juillet 2016 22:44

    La France est un pays exceptionnellement boisé, en partie par boisement artificiel comme la foret des landes , en partie par abandon et friches .

     Concernant les zones humides , la situation est moins favorable avec une régression plus importante ( notamment par la progression de la foret !! ) que les expansions la aussi plus par abandon qu’autre chose mème si il y a une sensibilisation et prise de conscience réelle et suivit d’effets.
     http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/LPS144.pdf

    concernant le débat sur NDDL , et en dehors de l’utilité ou pas pour les populations et l’économie du transfert de l’activité de Nantes au nouvel aéroport( sauf Airbus et aéroclubs locaux ) , je ne m’explique pas pourquoi on ne considère pas l’exceptionnel site de Grand lieu et son bilan de préservation autrement plus éloquent que ce qui existe à notre Dame des Landes !! le


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