vendredi 11 juillet 2008 - par Abolab

« On a même commandé le soleil »

La Commission européenne a rejeté l’idée d’un embargo national sur les OGM comme le souhaitent des pays comme l’Autriche, la Grèce, Chypre, Malte ou le Luxembourg.

“Selon l’exécutif européen, cela serait contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et à la libre circulation des marchandises dans le marché unique."

Le dogme du marché unique, celui de l’OMC, est complètement infondé, car ce qui est marchandise quelque part, ne l’est pas forcément ailleurs et partout. Les mêmes lois économiques qui sont prônées pour les OGM sont celles qui en interdisent la vente dans un pays comme la Californie. En effet, cet Etat est le seul Etat américain qui ne vend pas un poisson génétiquement modifié (Glofish) comme animal de compagnie - autorisé à la vente uniquement aux Etats-Unis -, et ce non pas pour des raisons éthiques, mais financières, les procédures d’acceptation étant jugées trop longues et coûteuses.

Les industriels en sont arrivés à manipuler les gènes d’organismes vivants pour vendre des produits d’agréments, et les organismes vivants sont devenus des objets de consommation, de transformation, et de production. Mais cette volonté globalitaire de tout marchandiser et d’imposer une vision uniformisée et unique de la marchandisation dans le monde, ce que l’on appelle à tort « mondialisation  », est profondément fausse et destructrice, et créatrice de bouleversements catastrophiques, comme les milliers de suicides de petits paysans en Inde l’indiquent, en ce qui concerne les OGM. 

Elle est aussi foncièrement incompatible avec de nombreuses cultures dans le monde, que ce soit celle des Amérindiens, ou de l’Extrême-Orient, ou même des sagesses africaines, et il est faux de dire, par exemple que l’idéologie libérale économique est transculturelle. Le développement économique actuel n’est pas d’ordre scientifique, mais principalement d’ordre idéologique, et issu de l’extension historique de la culture européenne sur le territoire américain.

L’incarnation actuelle de cette idéologie extrême de l’OMC se retrouve parfaitement dans les propos d’un Nicolas Sarkozy, qui, sur le tarmac de l’aéroport, en compagnie d’Ingrid Bétancourt déclarait : « on a même commandé le soleil  ».

Comme si tout dans ce monde était commercial et marchandise, y compris des rayons de soleil.

Il faut détruire, bien sûr sans sombrer dans les excès idéologiques inverses, cette vision profondément fausse de la vie, de la nature et de l’environnement, qui voit toute chose comme monnayable et valorisée par l’économique et par l’argent.

Jean-Pierre Berlan en évoquant dans le documentaire Alerte à Babylone, la création d’un "ministère de la gratuité" s’inscrit ainsi, avec tant d’autres, dans une logique complètement différente. On peut penser également au fameux livre Le Monde n’est pas une marchandise, de José Bové et Robert Dufour, devenu slogan d’une mouvance appelée « altermondialisme ». Cette logique complètement différente au niveau de l’environnement et de l’agriculture entend respecter les dons que la nature offre et présente à l’humanité, l’environnement auquel il est lié et dont il dépend.

Dans un univers social de corruption et d’hypocrisie, dans lequel le business-people côtoie les boat-people, ces « cargaisons  » que des militaires américains prévoyaient très sérieusement de couler pour des raisons d’impérialisme politique mondial, dans un univers médiatique dans lequel les religions organisées et les hommes de pouvoir se gargarisent de propagande, le don, lorsqu’il existe encore, n’est là que comme moyen d’échange et de profit, financier, idéologique, ou d’influence, et plus rien n’est désintéressé. Bien au-delà des idéologies de communication religieuse ou politique, comme celles du développement durable, la biodiversité, la nature sont des biens à préserver, non à exploiter et à détruire au nom d’un modèle économique quelconque ou au nom de quelques idéologies. La photosynthèse n’est ni de droite ni de gauche ni islamique ni catholique ni bouddhiste et, au-delà du mot, elle n’est pas non plus une théorie scientifique, mais un processus factuel, indépendant de la volonté de l’homme et de ses activités, même si ce dernier a la capacité aujourd’hui d’influer sur son environnement et de le modifier parfois de manière très destructrice.

L’humanité ne survivra pas dans un environnement complètement dégradé, aseptisé, bétonné, car les villes d’ici dépendent des forêts et de l’eau de là-bas, et ce qui nous maintient en vie dépend de la préservation d’un environnement exempt de pollution et d’une agriculture respectueuse des sols et des écosystèmes globaux, de la diversité locale et non de l’uniformisation généralisée, du bien-être local des populations, et non de la croissance de capitaux virtuels mondiaux. Ce que l’on détruit ailleurs n’est pas sans conséquence sur ce qui se passe ici, car tout est lié au niveau planétaire, et c’est cela la véritable « mondialité », de fait, et non une « mondialisation  » idéologique prônée par de grandes puissances.

De la même manière que pour le Glofish non autorisé en Californie, les procédures d’évaluation des OGM agricoles en Europe et dans le monde sont trop longues et trop coûteuses au regard des risques environnementaux et sanitaires au long terme, et détournent et accaparent l’effort de recherche scientifique en biologie. Les Etats-Unis ont fait fausse route, et les OGM disséminés n’ont aucune raison sérieuse d’être autorisés à la vente ou à la culture dans le reste du monde, et plus particulièrement en France et en Europe. Mais sans doute que le sérieux est ce qui manque profondément aux acteurs du pouvoir et des institutions à l’œuvre actuellement dans le monde, tant l’intelligence dans les discours et dans les actes se font cruellement sentir par leur absence, au niveau international, et au sein même de nombreuses institutions locales. Combien de temps cela durera-t-il encore ? Sans doute indéfiniment, mais sans l’aval de nombre d’entre nous, qui ont compris l’imposture du pouvoir et des propagandes organisées que beaucoup suivent sans trop plus se questionner.

Quel dommage !



7 réactions


  • Lisa SION 2 Lisa SION 12 juillet 2008 00:13

    "...Mais sans doute que le sérieux est ce qui manque profondément aux acteurs du pouvoir et des institutions à l’œuvre actuellement dans le monde, tant l’intelligence dans les discours et dans les actes se font cruellement sentir par leur absence, au niveau international, et au sein même de nombreuses institutions locales..." avez vous écrit.

    Comment voulez vous y arriver, à renseigner les acteurs du pouvoir, quand vous apprenez que Marie Monique Robin a projeté son film " le monde selon monsanto " à l’assemblée, et qu’à part l’opposition, aucun membre de l’Ump n’était présent... !


  • MAIKEULKEUL 12 juillet 2008 00:17

    C’est un exercice de style gentil, mais c’est gnangnan

    Penser que les politiques ont encore une influence quelconque c’est rêver.

    Lisez entre autres "l’histoire secrète du plomb" de Jamie Lincoln Kitman, ou "la stratègie du choc" de Naomi Klein et vous reviendrez les pieds sur terre.

    Dans notre monde actuel, l’angélisme est terminé. Nous devons faire face à des pillards dévastateurs, les néocons, que rien n’arrête pour se faire "du pognon".

    Si l’on veut arrêter ce pillage, il faudra malheureusement utiliser des moyens critiques pour stopper ces charognards. 


  • pissefroid pissefroid 13 juillet 2008 09:56

    Excellent article ! Continuez dans cette voie. Le seul ennemi de l’espèce humaine est l’argent qui est considéré comme un bien alors que ce n’est qu’un moyen pas une finalité.


  • samlepirate 13 juillet 2008 11:28

    On a déjà les résultats visibles d’une politique d’ogm à grande échelle en Argentine ou en Inde. Le soja ou le coton a fait des ravages au niveau environnementales, financiers et sur la santé des agriculteurs. Je n’ai pas moi qui l’invente.
    Alors si sous prétexte de gèner l’omc on doit pas faire de blocus contre les ogm, ou va t’on ?



  • Aurélien Bernier abernier 13 juillet 2008 20:57

    Bonjour,
    Sur l’absence d’évaluation des OGM, qui est effectivement un choix politique, ainsi que sur l’hypocrisie de la position européenne, je vous invite à lire l’article suivant :
    http://abernier.vefblog.net/cat2/1.html#Derriere_les_moratoires_sur_les_OGM_lEurope_libera
    Bien cordialement,

    Aurélien Bernier


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