Sivens : un avenir incertain
Qui aurait cru que dans le Tarn, nous allions vivre, la première semaine de mars 2015, une chouannerie, comme à la fin du XVIIIème siècle après la Révolution, où des troupes de paysans royalistes et contre-révolutionnaires menaient l'insurrection.
A Sivens, la jacquerie des agriculteurs de la FNSEA et de leurs amis, armés de bâtons, de barres de fer, et même pour certains de tronçonneuses, s'est traduit en siège moyenâgeux visant à affamer la ZAD. Ils s'en sont pris violemment aux zadistes, sympathisants, et même toute personne au look « non conforme ». Cette « zadistophobie » aurait pu tourner au drame, car au vu des témoignages, photos, vidéos, accessibles à qui veut bien s'informer, des personnes ont été frappées, menacées de mort, des voitures renversées, des vitres cassées. Ces individus installaient des check-points, pratiquant en toute illégalité des fouilles de véhicules et contrôles d'identité, se substituant aux représentants de l’État, qui assistaient d'un œil goguenard à ce spectacle aussi scandaleux qu'inédit. Je passe sur la séquestration pendant 4 jours de la famille Lacoste dont le seul tort était d'avoir une opinion différente de ces fous furieux.
L’État n'a pas fait intervenir ses nombreux gendarmes présents sur place pour, je pense, deux raisons. La première c'est que ça l'arrangeait bien, car s'il y avait eu un deuxième mort (après Rémi Fraisse), il aurait été facile de faire porter le chapeau aux assiégeants. La deuxième c'est qu'il fallait bien laisser se défouler tous les pro-barrage et leur donner l'illusion d'une victoire : l'évacuation de la ZAD. En réalité, elle aurait quand même été évacuée comme préconisé par le ministère de l'Ecologie après le 6 mars, date de la délibération du Conseil Général.
L’État s'est donc rendu complice de pratiques inadmissibles dans un état de droit.
Si les pro-barrage ont essuyé un revers de taille avec l'abandon du projet de 1,5 millions de m³, la décision du Conseil Général de relancer un projet redimensionné maintient toutes les parties dans le flou le plus total. En effet, construire un barrage même plus petit nécessitera 2 ou 3 ans d'études et il y a fort à parier que ce projet comme son grand frère ne sera pas conforme aux directives environnementales européennes. Les agriculteurs ne sont donc pas prêts de voir de l'eau.
En revanche, les solutions proposées par FNE, Collectif Testet et la Confédération Paysanne permettaient d'assurer de l'eau disponible dès l'été 2015. Plus de 2 millions de m³ d'eau dorment dans 185 retenues collinaires non utilisées, dont 7 ont été visitées par les experts du ministère et leur utilisation avec accord de leurs propriétaires a été pré-négociée. De plus, un bassin remplissable par pompage en aval du site (La Bayssière) a été envisagé dans le rapport des experts, et coûterait trois fois moins cher que la solution envisagée par le Conseil Général.
Encore faut-il qu'il y ait une réelle volonté de la part des élus de réaliser un vrai projet de territoire, afin que l'argent public profite au plus grand nombre et non à une minorité, prise dans un engrenage du « toujours plus » repoussant les limites de la ressource en eau et du respect de l'environnement.