mardi 17 mars 2015 - par Daniel Debrus

Sivens : un avenir incertain

Sivens après le déboisement {JPEG}

Qui aurait cru que dans le Tarn, nous allions vivre, la première semaine de mars 2015, une chouannerie, comme à la fin du XVIIIème siècle après la Révolution, où des troupes de paysans royalistes et contre-révolutionnaires menaient l'insurrection.

A Sivens, la jacquerie des agriculteurs de la FNSEA et de leurs amis, armés de bâtons, de barres de fer, et même pour certains de tronçonneuses, s'est traduit en siège moyenâgeux visant à affamer la ZAD. Ils s'en sont pris violemment aux zadistes, sympathisants, et même toute personne au look « non conforme ». Cette « zadistophobie » aurait pu tourner au drame, car au vu des témoignages, photos, vidéos, accessibles à qui veut bien s'informer, des personnes ont été frappées, menacées de mort, des voitures renversées, des vitres cassées. Ces individus installaient des check-points, pratiquant en toute illégalité des fouilles de véhicules et contrôles d'identité, se substituant aux représentants de l’État, qui assistaient d'un œil goguenard à ce spectacle aussi scandaleux qu'inédit. Je passe sur la séquestration pendant 4 jours de la famille Lacoste dont le seul tort était d'avoir une opinion différente de ces fous furieux.

L’État n'a pas fait intervenir ses nombreux gendarmes présents sur place pour, je pense, deux raisons. La première c'est que ça l'arrangeait bien, car s'il y avait eu un deuxième mort (après Rémi Fraisse), il aurait été facile de faire porter le chapeau aux assiégeants. La deuxième c'est qu'il fallait bien laisser se défouler tous les pro-barrage et leur donner l'illusion d'une victoire : l'évacuation de la ZAD. En réalité, elle aurait quand même été évacuée comme préconisé par le ministère de l'Ecologie après le 6 mars, date de la délibération du Conseil Général.

L’État s'est donc rendu complice de pratiques inadmissibles dans un état de droit.

Si les pro-barrage ont essuyé un revers de taille avec l'abandon du projet de 1,5 millions de m³, la décision du Conseil Général de relancer un projet redimensionné maintient toutes les parties dans le flou le plus total. En effet, construire un barrage même plus petit nécessitera 2 ou 3 ans d'études et il y a fort à parier que ce projet comme son grand frère ne sera pas conforme aux directives environnementales européennes. Les agriculteurs ne sont donc pas prêts de voir de l'eau.

En revanche, les solutions proposées par FNE, Collectif Testet et la Confédération Paysanne permettaient d'assurer de l'eau disponible dès l'été 2015. Plus de 2 millions de m³ d'eau dorment dans 185 retenues collinaires non utilisées, dont 7 ont été visitées par les experts du ministère et leur utilisation avec accord de leurs propriétaires a été pré-négociée. De plus, un bassin remplissable par pompage en aval du site (La Bayssière) a été envisagé dans le rapport des experts, et coûterait trois fois moins cher que la solution envisagée par le Conseil Général.

Encore faut-il qu'il y ait une réelle volonté de la part des élus de réaliser un vrai projet de territoire, afin que l'argent public profite au plus grand nombre et non à une minorité, prise dans un engrenage du « toujours plus » repoussant les limites de la ressource en eau et du respect de l'environnement.



9 réactions


  • eric 17 mars 2015 10:15

    Un pro zadiste qui se prend pour Robespierre...La terreur et la vertu ? Bientôt, vous allez renvoyer vos « colonnes infernales » dans nos campagnes ?

    Je ne connait pas la situation politique actuelle dans le Tarn, il n’est pas impossible que, comme dans l’écrasante majorité des régions de France, les chouans ne règlent cette question démocratiquement.

    Un nouveau conseil dans le département, moins esclave de ses alliances contre nature entre forces dites « degauche » se haïssant les unes les autres, pourrait avoir une approche plus sereine de ce genre de question et ne plus livrer le peuple en otage à ses contradiction internes...


    • Daniel Debrus Daniel Debrus 17 mars 2015 19:57

      @eric
      A propos de« colonnes infernales »,je crois que le Tarn depuis septembre a eu sa dose de gendarmes mobiles et de crs.On n’avait jamais vu ça.Le préfet a même réquisitionné un lycée pour les loger. Robespierre aurait-il changé de camp ?


  • lsga lsga 17 mars 2015 14:09

    Voilà un article qui sait nommé les courants politiques par leurs vrais noms. 

    Les agriculteurs sont contre-révolutionnaire, tout simplement.

  • Corinne Colas Corinne Colas 17 mars 2015 14:35
    Excellent article !

    En croyant défendre légitimement l’Etat de droit, il arrive de relayer les sottises officielles quant aux « chevelus et aux agriculteurs » alors un petit complément d’information à l’adresse de ceux qui soutiennent des pratiques de truands de la politique :


    « un système dans lequel les mêmes élus ont la possibilité de siéger au Conseil Général, au conseil d’administration de la CACG qui diligente l’enquête publique, tout en étant maître d’œuvre des travaux, et à l’Agence de l’eau, qui procède également à l’évaluation des besoins et peut accorder des subventions. Un système qui favorise donc tout à fait légalement la collusion d’intérêt tandis que la société civile a bien peu de possibilités de réclamer des éclaircissements avant que le vote n’intervienne et que les travaux ne débutent (..)

    Il n’y avait pas, chez les zadistes, que des bobos festifs, des punks à chiens ou des casseurs. Parmi les occupants de la zone à défendre, il y avait aussi beaucoup de travailleurs agricoles, d’étudiants ou de jeunes cultivateurs mis sur le carreau par une logique économique qui réserve subventions et aides aux grandes exploitations et favorise la concentration des terres et des moyens, mettant sur la touche une grande partie des jeunes actifs. Les banlieues ont beau avoir plus la cote médiatiquement, la situation n’est pas moins mauvaise, elle est même bien pire si l’on considère le champ des possibilités offertes, pour un jeune de vingt ans dans le Tarn-et-Garonne en 2015. »



    Et rappel de l’Etat de droit dans le Tarn :

    « Faut-il rappeler que le barrage de Sivens n’est que la répétition du barrage de Fouroge : même constructeur, la Cie d’Aménagement des Côteaux de Gascogne (CACG), même décideur, le conseil général du Tarn.
    « L’actualité tragique de Sivens rappelle ce qui s’est passé à Fourogue. Jugé pourtant illégal par le tribunal administratif ce barrage est aujourd’hui bien en place depuis 17 ans. La « stratégie du fait accompli » a été efficace contre les opposants de l’époque. »



    D’autre part, quand des potentats locaux s’assoient sur le rapport d’expertise du ministère de l’Ecologie, jettent de l’huile sur le feu à l’aide de milices ( la FNSEA a rappliqué de partout), cela ressemble plutôt à un coup de force ! « L’ordre républicain » est à géométrie variable mais toujours adaptée au bon vouloir de certains... 





    • Le421... Refuznik !! Le421 17 mars 2015 18:34

      @oncle archibald
      Ben oui !!
      Seulement voilà !!
      En France, tu prends 100 bougnoules, le seul qui passe en boucle sur BFNTV, c’est celui qui a une femme voilée... Les 99 autres, on s’en branle !! Surtout si ils ne foutent pas le bordel, c’est pas intéressant.


    • Daniel Debrus Daniel Debrus 18 mars 2015 20:15

      @Corinne Colas
      Merci pour vos liens trés interessants !


  • Le421... Refuznik !! Le421 17 mars 2015 18:32

    En attendant, force est de constater que les petzouilles sont devenus d’affreux égoïstes qui ne pensent plus qu’à saloper leur soi-disante nature au nom de la productivité.
    Aux Etats-Unis, ils viennent de découvrir qu’en faisant brouter les vaches dans les champs, elles étaient moins malades et produisaient mieux.
    Ca viendra chez nous dans vingt ans.
    Ils se rendront compte que le maïs dégueulasse et OGM qu’ils produisent, personne plus n’en voudra. Si les abeilles arrivent encore à polléniser sufisamment.
    Mais tant que les abrutis continueront à acheter des produits agricoles industriels...

    Pour ce qui est de Sivens, l’expérience d’autres barrages devrait servir d’exemple. Et bien, non !!
    Je passe sous silence les conflits d’intérêts entre les élus et les entreprises locales...
    La seule chose qui me fait plaisir, c’est que dans vingt ans, leur putain de barrage ne servira plus à rien, sera envasé comme pas possible et fera chier les gens du coin. Qui réclameront des aides et des subventions pour réparer les dégâts.
    Et les pinpins raqueront !!


  • bakerstreet bakerstreet 17 mars 2015 23:36

    Bravo, de tous coeur avec vous. 


    Cette histoire de retenue est une ineptie sans nom, révélatrice que les syndicats agricole et les élus, n’ont absolument pas pigé l’évolution des mentalités, et que la destruction des paysages est arrivée dans ses limites extrêmes. 


  • TSS 18 mars 2015 13:39

    En revanche, les solutions proposées par FNE, Collectif Testet et la Confédération Paysanne permettaient d’assurer de l’eau disponible dès l’été 2015. Plus de 2 millions de m³ d’eau dorment dans 185 retenues collinaires non utilisées, dont 7 ont été visitées par les experts du ministère et leur utilisation avec accord de leurs propriétaires a été pré-négociée. De plus, un bassin remplissable par pompage en aval du site (La Bayssière) a été envisagé dans le rapport des experts, et coûterait trois fois moins cher que la solution envisagée par le Conseil Général.

    La chose la plus interessante de l’article dont aucun des intervenants ne parle... !!


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