mercredi 12 novembre 2014 - par redrock

Transition énergétique... et politique

Le consensus scientifique du GIEC est qu’on ne pourra pas éviter une hausse de 2°C à la fin du siècle en cours.

La banquise arctique d'été rétrécit à vue d’œil au fil des années.

Résultat : on a perdu 3 000 km3 de volume de glaces de mer par décennie entre 1980 et aujourd'hui, selon la climatologue Valérie Masson-Delmotte.

Les glaciers reculent.

les deux courbes d’évolution des émissions carbone et de la population mondiale depuis 1800 avec des unités graphiques semblables (en gigatonne carbone, en Milliards de terriens) ; elle culminent toutes deux à 7. Il en est de même pour la courbe de la consommation énergétique et celle de la déforestation.

On s'inquiéte des émissions carbone, de la consommation énergétique, des gaz à effet de serre mais pas de la démographie !

Comme c'est curieux... Merci, Monsieur Malthus, ses erreurs d'il y a presque deux siècles permettent encore de verrouiller le débat démographique.

Il y a tout lieu de s'inquiéter justement de la déforestation :

Actuellement, les forêts couvrent environ 4 milliards d’hectares, soit près de 31 % des terres du globe. (FAO, 2010b) Sur 5 000 ans, les pertes de terres forestières dans le monde sont estimées à 1,8 milliard d’hectares, soit une perte moyenne nette de 360 000 hectares par an (Williams, 2002). Au cours des dix dernières années les pertes moyennes nettes se situent à environ 5,2 millions d’hectares (FAO,2010b). La déforestation va donc environ 14 fois plus vite ! La déforestation brute (sans compter les plantations) est de l'ordre de 25millions ha/an lors des quatre dernières années, essentiellement des forêts tropicales. 580 t eqC02 sont émises par hectare de forêt tropicale déforestée (combustion et décomposition). Source http://www.fao.org/docrep/016/i3010f/i3010f.pdf

On ne peut que s'inquiéter de la raréfaction de tous nos approvisionnements si nécessaires :

On a au plus pour 120 ans de charbon, 60 ans de gaz, 40 ans de pétrole.

Pour les matières premières, les réserves exploitables sont estimées à :

de 5 à 50 ans :

l’indium (In) : utilisé pour fabrication des écrans LCD, écrans tactiles

le gallium (Ga) : utilisé dans les leds d’affichage, les télécommandes infrarouges, les lecteurs/graveurs de

le germanium (Ge) : utilisé dans la Wifi

l’antimoine (Sb) : composant de plaques d’accumulateurs plomb-acide (courant secouru), des semi-conducteurs InSb, GaSb, dans les processeurs, isolant remplaçant le dioxyde de silicium SiO2, sous forme d’oxyde Sb2O3, ralentisseur de flammes dans les matières plastiques

le hafnium (Hf) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2018. On le trouve dans les processeurs, isolant remplaçant le dioxyde de silicium SiO2

l’or (Au) : utilisé dans l’électronique au niveau des contacts pour ses propriétés de conductivité,

l’argent (Ag) : conducteurs, interrupteur, contacts

l’étain (Sn) : son succès dans l’industrie électronique est dû à l’abandon du plomb, jugé trop toxique, pour les soudures

le zinc (Zn) : il n’a pas une utilité directe dans les TIC, mais l’indium est un de ces sous-produits

le rhénium (Rh)

l’arsenic (As) : utilisé dans les semi-conducteurs en association avec le gallium

de 50 à 100 ans :

le cuivre (Cu) : il est essentiellement mis en œuvre dans l’industrie électrique et électronique

l’uranium (U) : nucléaire

le nickel (Ni) : utilisé dans les batteries

le cadmium (Cd) : utilisé dans les batteries

le titane (Ti) métal et catalyseur

de 100 à 1000 ans : Cette plage, plus lointaine à l’échelle humaine, présente une grande variété d’éléments parmi lesquels : l’aluminium (Al), le phosphore (P), le chrome (Cr), le sélénium (Se), le tantale (Ta), le platine (Pt), et l’essentiel des lanthanides (autrement appelées terres rares) à l’exception du prométhium (Pm) et du thulium (Tm).

Même les sols foutent le camp

dégradation des sols

http://www.fao.org/docrep/004/y3557f/y3557f08.htm#TopOfPage

L'étude la plus complète à ce jour, l'Evaluation globale de la dégradation des sols GLASOD, (Global Assessment of Soil Degradation ), date maintenant d'il y a plus de dix ans. GLASOD estimait qu'un total de 1 964 millions d'ha étaient dégradés, dont 910 millions étaient au moins modérément touchés (avec une productivité considérablement réduite) et 305 millions l'étaient fortement ou gravement (devenus inaptes à l'agriculture). L'érosion due à l'eau était le problème le plus courant, affectant près de 1 100 millions d'ha, puis venait ensuite l'érosion éolienne, qui affectait près de 600 millions d'ha. La surface agricole mondiale est de l'ordre de 5 Milliards ha

L'eau devient plus rare

L’élevage est un grand consommateur et pollueur de l’eau : Il consomme plus de 8 % des utilisations humaines d'eau à l'échelle mondiale, essentiellement pour l'irrigation des cultures fourragères. Aux Etats-Unis, l'élevage et l'agriculture fourragère sont responsables de 37 % de l'utilisation de pesticides, de 50 % de celle d'antibiotiques, et d'un tiers des charges d'azote et de phosphore dans les ressources en eau douce.

http://www.developpement-durable.gouv.fr/L-agriculture-durable-des.html

En France, seules 45% des masses d’eau de surface sont considérées en bon état écologique et plus de 90% des eaux de surface analysées contiennent des résidus de pesticides. En Europe, plus de la moitié des lacs sont eutrophisés par excès de phosphates, 40% des cours d'eau ne présentent pas un bon état écologique et 90% connaissent un excès de nitrates.

Face à ce sinistre tableau, que l'on peut encore compléter dans le site http://environnement.geopolitique.over-blog.fr/2014/11/quelques-donnees-environnementales.html Que faire ?

InformaTIC hors sol ?

Une nouvelle "mode" apparait dans nos médias à la remorque des écrits de Jeremy Rifkin et nous portant vers l'univers fantasmatique de l'imprimante 3D version mise à jour de la Lampe d'Aladin.

Le monde merveilleux du numérique et ses techniques, via l'imprimante 3D et les Energies Renouvelables, nous permettrait ainsi d'accéder à une économie de l'abondance, auto- construite, autogérée, autosuffisante, sans pollution ni impasse énergétique... Plus vert que Vert ! Malheureusement cette économie hors sol, hors réel n'est même pas une utopie, simplement une illusion.

Le numérique, au sens large, informatique, réseau internet et téléphonie, big data, serveurs, le Cloud au sens large ou TIC (ICT en anglais), consomme déjà d'énormes quantité d'énergie. La consommation électrique mondiale annuelle des TIC est estimée à une valeur proche de 1500TWh, soit près de trois fois la consommation électrique totale de la France (490 TWh).

L'étude de Mark P. Mills CEO, Digital Power Group www, tech-punditcoml, compare en prospective les évolutions des consommations mondiales d'énergie électrique annuelle pour les TIC, l'éclairage mondial et les VE (véhicule électrique). En 2035, les évolutions tendancielles donneraient une consommation annuelle pour les TIC voisine de 6000 TWH soit trois fois plus que la consommation annuelle estimée de 200 millions de VE !

 

Les TIC ça chauffe aussi !

Alors, la Transition énergétique ?

Après tous ces constats hors jugement moral ou éthique, on ne peut se contenter de dire :

On trouvera bien quelque chose qui nous permettra d'élaborer des solutions, genre imprimante 3D à tout faire, ou miracle de la fusion froide aujourd'hui bien en panne ou ENR à tout bout de champ et agroécologie et isolation avec emplois verts à la clef...

Ou bien, ne rien faire, carpe diem et Dieu reconnaitra les siens !

Il ne peut y avoir de solutions globales miracles à l'échelle mondiale si ce n'est d'abord une prise de conscience croissante du problème qui va déjà toucher durement les jeunes générations en cours car outre le réchauffement climatique nous sommes rentrés dans une longue phase interglaciaire de réchauffement progressif et de recul des glaces.

C'est à chacun de prendre ses responsabilités, de s'informer, d'informer, d'avancer, un pas après l'autre dans la transition : je chauffe moins, je prends plus les transports en commun, je parle plus avec mes voisins, je me déplace moins, j'achète responsable, local, j'évite les gadgets, la surconsommation, je fais durer et réparer les objets, je m'informe sur les choix politiques et syndicaux, je milite, je vote pour celui qui me propose le plus de solutions locales à l'échelle du territoire national, qui rejette compétition et dumping fiscal ou social et prône solidarité et lien social. Nous devons élire des politiques responsables et courageux, ouverts au dialogue et aux inévitables compromis de la transition.

Car on ne pourra pas tout faire d'un seul coup : il faudra sur le terme réduire la consommation de fossiles mais progressivement, tant qu'on pourra le faire économiquement. Je ne pense pas que la mondialisation dérégulée permette une transition réelle.

L'objectif premier c'est la prise de conscience individuelle puis le début du changement comportemental.

Le deuxième objectif se situe au niveau de l'Education à tout niveau : porter la prise de conscience, discuter, impulser le changement à l'Ecole, au Lycée, à l'Université, dans l'Entreprise...

La transition devra être également démographique et politique ; là aussi nous sommes chacun au premier rang ; Nous ne pouvons pas toujours demander qu'aux autres de changer en distribuant les bons et mauvais points.

Bien sur que l'agriculture dans son ensemble doit évoluer, il y a encore trop d'émissions de polluants, trop de gaspillage d'eau. Mais les agriculteurs ont déjà fait beaucoup d'efforts dans l'efficacité énergétique, dans l'évolution des pratiques ; le passage à de nouvelles méthodes d'agroécologie doit être impulsé par un réel accompagnement. C'est à chacun aussi de modifier son régime alimentaire en consommant moins de viande mais de meilleure origine et en recherchant les produits locaux de saison. Nous devons éviter surtout de radicaliser les positions en ostracisant et en jetant des anathèmes contre les agriculteurs productivistes ou autres Agrobusiness.

Le troisième objectif doit être une alternative politique radicale dans ses objectifs mais évolutive et adaptable dans sa démarche en y intégrant les compromis nécessaires.

Radicale, car elle doit se donner des objectifs de régulation stricte et équilibrée des échanges internationaux, de réduction progressive des consommations, d'une éducation à l'harmonie et la compatibilité écologique ainsi qu'à la participation et l'autonomie citoyenne, d'établir une véritable démocratie participative citoyenne redonnant au peuple et à sa représentation tous les pouvoirs souverains ainsi que l'accès libre aux Biens Communs.

Adaptable, évolutive, car la culture du dialogue ouvert, du consensus évolutif doit être privilégiée : On sait que l'on ne pourra pas fermer toutes les centrales nucléaires d'un claquement de doigts ; alors au lieu de se cliver entre pro et anti-nucléaires, voyons quel peut être le mix énergétique possible transitoire.

Ne rêvons pas sur de futurs gisements d'emplois verts qu'il suffirait de décréter en installant des champs d'éoliennes en mer et en rénovant à tour de bras le parc immobilier ! La réalité est toujours plus complexe.

Lors de la discussion à l'Assemblée Nationale l'argumentaire de la rénovation des logements précise bien :

"La rentabilité des travaux d’amélioration de la performance énergétique varie fortement selon le type de bâtiments étudiés, l’énergie principale de chauffage (le cas de l’électricité étant plus intéressant) et sa localisation géographique, notamment les opérations dans les zones le plus chaudes du territoire s’avèrent moins rentables. Par ailleurs, les travaux sur les bâtiments déjà isolés, même faiblement (construits entre 1975 et 1990), ne permettent pas de réaliser des économies d’énergie substantielles car on constate que ce sont les premiers centimètres d’isolants qui génèrent une différence de consommation notable. Ainsi, la mesure sera particulièrement intéressante pour les bâtiments non isolés très déperditifs, tels que ceux construits entre 1948 et 1975, voire jusqu’en 1988...

...Le chiffre d’affaire supplémentaire des entreprises pourrait s’élever théoriquement jusqu’à 950 millions d’€ à comparer aux 42 milliards d’euro de chiffres d’affaire pour le marché de l’entretien rénovation dans le secteur du logement en 2012 (+2 à 3%)"

On voit donc bien que le fameux gisement d'emploi n'est qu'à la marge des 42 Milliards déjà existant !

Les emplois verts seront donc plus à rechercher dans l'innovation sociale et technique, dans la relocalisation de productions et d'échanges ainsi que dans l'économie solidaire et sociale.

Il n'y a pas de chemin tout tracé, il nous faut d'abord avancer, chacun, puis tous ensemble ! 



5 réactions


  • Piotrek Piotrek 12 novembre 2014 09:58

    Bon article

    Vous avez oublié de citer Philippe Bihouix. Un ingénieur métallurgiste et auteur bien de chez qui explique que même le recyclage n’y changera pas grand chose.(autre vidéo de Mediapart)

    C’est la raréfaction des ressource qui dessinera le monde de demain, tout le reste est accessoire.


  • Robert GIL ROBERT GIL 12 novembre 2014 10:47

    Tant que l’on n’aura pas compris et admis que le capitalisme n’est pas compatible avec l’écologie, toutes les mesures ou lois prises dans le cadre de l’économie de marché ne seront que de la poudre aux yeux. L’écologie ne doit pas servir de « plus value » à un programme politique, mais doit faire partie intégrale du système politique qu’il faudrait mettre en place. Croissance verte, transports propres, navires écologiques, chimie verte, nouvelle économie climatique… cette litanie d’oxymores ne peut masquer le vide de cette loi.

    voir : LOI SUR LA TRANSITION ENERGETIQUE : promouvoir la société capitaliste


  • Cassiopée R 12 novembre 2014 15:53

    Les politiques et les financiers ne veulent pas relocaliser, ils veulent faire de l’import/export pour tous les pays, et trouver le lieu de production le moins cher, c’est à dire avec un salaire faible, des protections sociales inexistante et des lois non répressive pour l’entreprise.

    La libéralisation est en marche avec le TAFTA et les accords de l’Union Européenne, et ce seront les plus riches qui en bénéficieront.


  • Pascal L 13 novembre 2014 13:29

    Notre économie est aujourd’hui entièrement tournée vers la prédation des ressources existantes et non vers la création de ressources nouvelles. Si nous considérons notre environnement de manière statique, il est bien évident que les ressources finiront pas diminuer et nous allons à la catastrophe.


    Dans les faits, nous avons toujous créé des ressources nouvelles pour pallier l’insufisance des ressources présentes. L’agriculture et de l’élevage ont déjà été créées pour résoudre un problème de ressources défaillantes et ces inventions ont permis le développement de l’humanité. 

     Nous ne pourrions revenir à une étape précédente qu’au prix d’une réduction importante de la population. Nous sommes donc condamnés à avancer. Dans ces conditions, l’utilisation de certaines ressources doit être vue de manière dynamique comme un moyen de passer aux inventions suivantes. L’informatique est certes un gros consommateur d’énergie, mais est aussi un accélérateur de progrès et donc un moyen d’éviter une guerre autour des ressources existantes.

    L’économie actuelle est un frein puissant à la recherche de solutions nouvelles et de ce fait peut nous conduire à la guerre si nous ne la réformons pas en profondeur. Si nous réformons correctement l’économie, nous pouvons orienter la création de ressources dans des domaines qui ont du sens : l’environnement, la santé, l’éducation...

  • redrock redrock 14 novembre 2014 00:39

    @Pascal
    « Dans les faits, nous avons toujours créé des ressources nouvelles pour pallier l’insufisance des ressources présentes.  »
    Chaque nouvelle ressource a accru notre emprise sur la biosphère et permis le développement de la population.
    Chasse, cueillette, feu, agriculture, élevage, force animale, hydraulique, eolien, charbon, machines, moteurs, pétrole, nucléaire...
    nous sommes déjà au cœur de la matière ! alors fusion froide ?
    Nous prélevons déjà sur le capital de la planète !


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