mardi 30 septembre 2008 - par Sylvain Rakotoarison

À deux pas de l’Europe, une dictature soviétisante

Dirigée d’une main de fer par l’autocrate Loukachenko, la Biélorussie organisait dimanche dernier des élections législatives très peu démocratiques, malgré quelques progrès.

Frontalière de trois pays de l’Union européenne (Pologne, Lituanie et Lettonie), la Biélorussie (Belarus officiellement depuis 1991) a voté ce 28 septembre 2008. Ces élections législatives sont un nouveau camouflet pour la démocratie et pour la diplomatie européenne.

Un signe qui ne trompe pas : aucun candidat de l’opposition n’a obtenu ne serait-ce qu’un seul des 110 sièges qui étaient en jeu.

Les observateurs de l’OSCE ont dénoncé à Minsk le caractère antidémocratique de ces élections alors que des élections libres et transparentes étaient la condition pour lever les sanctions contre le président biélorusse, Alexandre Loukachenko.


Qui est Loukachenko ?

C’est un homme assez mégalomane, comme n’importe quel dictateur du monde. À 54 ans, il conserve le titre du dernier dictateur de l’Europe.

Après avoir prétendument lutté contre la corruption, il fit tomber le premier président de la Biélorussie indépendante, Stanislaw Chouchkievitch (ses accusations sont cependant infondées), et réussit avec surprise à remporter l’élection présidentielle le 10 juillet 1994 avec 80 % après un premier tour où il obtint 45 %.

D’un tempérament autoritaire et conservant la politique économique de la période soviétique, Loukachenko renforça ses pouvoirs présidentiels en 1996 en révisant la Constitution (prolongation de son actuel mandat présidentiel de cinq à sept ans, possibilité d’ajourner le Parlement…).

Il musela l’opposition (enferma même 89 parlementaires considérés comme déloyaux en 1996) et fit une apologie d’Hitler en décembre 1995 à faire froid dans le dos : « Tout ce qui est lié à Adolf Hitler n’est pas mauvais. Rappelez-vous sa politique en Allemagne. L’autorité allemande s’est accrue pendant des siècles. Sous Hitler, ce processus a atteint son point culminant. C’est parfaitement en conformité avec notre vision d’une République présidentielle et du rôle de son président. »

Il se fit réélire dès le premier tour (pour cinq ans) le 9 septembre 2001 puis le 19 mars 2006 (avec 82,6 %) dans des conditions jugées antidémocratiques par les observateurs étrangers.

Comme dans le cas d’autres dictateurs de la planète (par exemple, Robert Mugabe), Loukachenko a cherché des alliances avec ses "collègues", en particulier avec Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien, en soutenant le programme nucléaire iranien (les deux chefs d’État se sont rencontrés le 21 mai 2007).

Pour verrouiller l’internet biélorusse, il comptait imiter les restrictions du gouvernement chinois.


L’union entre la Russie et la Biélorussie

Mais l’ambition démesurée de Loukachenko était telle qu’il favorisa une union renforcée entre la Russie et la Biélorussie avec le président russe Boris Eltsine. Cette union permit d’être approvisionnée par la Russie à des faibles prix et d’écouler sa production industrielle. Il songeait aussi à succéder à Eltsine au Kremlin, la Biélorussie et ses dix millions d’habitants étant un pays trop petit pour ses aspirations.

L’instauration d’un pouvoir fort en Russie avec l’arrivée de Vladimir Poutine a nettement refroidi les ardeurs confédérales de Loukachenko au point d’ailleurs que la Russie ne lui fit aucun cadeau, en plus que doublant le prix du gaz russe récemment.

En 2007, sachant que Poutine ne pouvait pas se représenter à la présidence de la Fédération de Russie, Loukachenko s’imagina encore lui succéder en 2008, avec quelques comités de campagne.

Considérant qu’il valait nettement plus que les deux héritiers putatifs de Poutine (Dmitri Medvedev et Serguei Ivanov), Loukachenko a même encouragé un site internet à sa gloire voire un réseau internet pour lui tout seul.


Quels partenaires privilégiés pour la Biélorussie ?

Le problème aujourd’hui de Loukachenko, c’est que la Russie n’est pas un partenaire inconditionnel et ses hausses du prix du gaz lui donnent quelques velléités d’indépendance.

Par exemple, la Biélorussie regimbe à reconnaître l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud pour monnayer sa reconnaissance auprès de la Russie, faisant valoir que les États-Unis aident la Géorgie pour un milliard de dollars.

Les élections législatives du 28 septembre 2008 étaient l’occasion inespérée de Loukachenko pour se réconcilier avec l’Union européenne.

Le manque de transparence, les comptages douteux, les fraudes avérées, la répression des mouvements d’opposition doivent refroidir plus d’un responsable européen, d’autant plus que Loukachenko a réaffirmé avant les élections : « Je ne renoncerai pas à mon amitié avec Moscou. »


« Nous ne sommes pas au bout du chemin »

Les responsables de l’opposition en Biélorussie considèrent même que les Européens se sont fait avoir.

Anatoli Lebedko, leader du Parti citoyen uni, a lâché amèrement : « C’est une défaite de l’Europe, une défaite de la diplomatie européenne, une défaite des hommes politiques européens qui prévoyaient déjà de faire des affaires ici. (…) Je ne sais pas quels mots ils vont trouver, mais Loukachenko les a dupés. Ils les a dupés comme le dernier des escrocs. »

L’Europe ne lui ferme cependant pas complètement la porte.

La vice-présidente de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE a déclaré : « Il y a des efforts, des améliorations, mais il y a dans le comptage tellement d’éléments négatifs que ces élections ne sont pas transparentes. Elles ne correspondent pas aux normes de l’OSCE. (…) Nous faisons attention de laisser la porte ouverte parce que nous savons que c’est un moment très important pour les relations entre la Biélorussie et l’Union européenne. (…) Si l’Union européenne veut réagir aux efforts positifs, elle peut le faire puisque nous reconnaissons des efforts. Mais, s’ils regardent le processus démocratique, nous ne sommes pas au bout du chemin. »

Des propos qui pourraient illustrer toute l’ambivalence de la position européenne.


Le tyran est encore jeune, la Russie encore forte et l’Europe plutôt timorée. La Biélorussie est loin d’être l’Ukraine…

Elle est le dernier morceau du grand puzzle de l’ancien Bloc soviétique continental. Son peuple attend encore…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 septembre 2008)


Pour aller plus loin :

Dernières dépêches de presse sur la Biélorussie.

Les reproches de Loukachenko à la Russie (Le Point, 18 septembre 2008).

Biographie officielle d’Alexandre Loukachenko (ancienne).

Vidéos sur les élections législatives biélorusses du 28 septembre 2008.





 



17 réactions


  • morice morice 30 septembre 2008 10:16

     C’est bizarre cette moustache....


  • COLRE COLRE 30 septembre 2008 11:40

    Merci à l’auteur de nous rappeler l’existence de ces poudrières et ces autocrates que l’on tend parfois à oublier alors qu’ils sont à la porte de l’Europe !

    Quant au troll morice, d’accord avec Snoopy et Zalka, qu’est-ce qu’il raconte ?! son post est hors sujet, et en plus il est un tissu de contradiction !

    Alors, la Palin, elle est pas intelligente, mais pourtant elle est redoutable et très habile ?!
    Le morice veut sans doute dire qu’une femme, avec un sourire de Miss Beauty, ne peut sûrement pas être intelligente… juste bétasse, n’est-ce pas. Pas bête, non, bêtasse, avec une référence d’un journal américain, pour bien montrer que lui, morice, n’est pas le seul connard misogyne au monde.


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 30 septembre 2008 12:06

    Les relations ne sont pas au beau fixe entre Loukatchenko et Poutine. Les importations de produits européens passant par la Biélorussie sont systématiquement repoussés à la frontière russe, vu le nombre de fraudes et de trafics en tout genre, ce qui revient à obliger l’Europe à mettre la Biélorussie sous embargo. D’ici à ce que la Sainte Russie veuille libérer des russophones opprimés par l’odieux tyran, comme en Géorgie...


  • LE CHAT LE CHAT 30 septembre 2008 14:17

    Poutine est pas complétement fou , Le despote du Belrarus est comme un boulet , il marque mal......

    étonnant que notre Nicolas lui ait pas encore serré la paluche à celui là , lui qui aime les mains sanguinolentes !


  • Hieronymus Hieronymus 30 septembre 2008 14:21

    La Bielorussie, je connais un peu
    pour m’y etre rendu qq fois, jamais
    tres longtemps mais suffisant pour
    s’en faire une idee ..
    en gros situation tres comparable
    a la Russie, c’est comme un petit frere !

    en Occident, toujours les memes discours esseules
    "democratie" "droits de l’homme" "liberte d’expression"
    d’abord faire toujours la morale aux autres en se posant
    comme modele : 1) c’est pretentieux - 2) c’est etre chiant
    Ok le type Loukachenko est brutal, pas regardant sur les
    methodes et avec en plus un cote megalo, bien que si on
    examine honnetement, le fonctionnement du systeme ne
    differe pas vraiment de celui de la Russie tout a cote, c’est
    quasiment du pareil au meme, juste des petites nuances ..
    simplement c’est plus facile (moins risque) de taper sur un
    petit pays que sur un gros, voila tout .. mais au dela des critiques
    faciles concernant la nature du regime, il faut se poser la question
    du pourquoi de sa popularite car Loukachenko est tres populaire !

    C’est en fait tres simple mais toujours completement oublie
    par des moralistes journaleux occidentaux, enfants gates
    ayant grandi et toujours vecu dans des pays de cocagne !
    parce que le mec de base (pas l’intello ou le politicien), ce qui compte
    pour lui, c’est ce qu’il a a bouffer, est ce qu’il peut se chauffer, le cout des
    transports, s’habiller un minimum, essayez donc de vivre avec 150 € par mois !
    a ce niveau la, n’en deplaise aux moralistes de nos contrees, le semi-dictateur
    a plutot bien reussi, en garantissant a sa population un approvisionnement
    regulier et des prix plutot bas pour un pays completement enclave et sans
    matieres premieres, je ne fais pas l’apologie du regime bielorusse, j’exprime
    simplement qu’il faut raison garder et se demander ce qui est raisonnablement
    possible compte tenu des conditions ambiantes, la pauvrete est la plus grande
    des injustices, en Bielorussie la plupart des gens sont pauvres mais sans misere
    excessive et les ecarts riche-pauvre sont moins choquants que ds les pays voisins

    Je souhaiterais que le regime bielorusse puisse evoluer lentement vers un
    systeme plus doux, moins brutal, ce doit etre possible a condition de ne pas
    isoler le pays, de lui permettre de s’equiper et a sa population de s’eduquer ;
    c’est le moyen pour que cette fameuse "societe civile" puisse progressivement
    prendre les renes du pouvoir et permettre au pays d’evoluer dans le bon sens ..


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 30 septembre 2008 14:53

      Bonjour,

      Je souscris à votre analyse. D’autant que je ne pense pas qu’il faille se rendre jusqu’au Bélarus pour avoir le déplaisir de constater que la démocratie est une valeur en perte de vitesse ou un paravent linguistique bien commode pour cacher les tares de bien des sociétés Européennes... Je vous invite à regarder sur Youtube (et en Français) l’entretien accordé par Bukovsky sur le devenir de l’Union Européenne.

      Et au sein des Etats Européens, la paranoïa consécutive au 11 septembre 2001 a abouti à multiplier les mesures d’exception au sein de l’arsenal législatif, taillant dans le vif au sein des libertés individuelles comme publiques. Sans compter que parler de démocraties alors que les Etats sont le plus souvent dirigés de fait par des oligarchies me parait particulièrement savoureux.

      Cordialement


    • Dudule 30 septembre 2008 15:43

      Ouais, ça c’est un truque que je me suis toujours demandé.

      La Biélorussie (Russie Blanche) à toujours existée en tant que province russe, depuis que la Russie existe. Et paf ! en 1988 on nous invente un nouveau nom de Belarus, comme si l’ancien nom Biélorussie n’avait jamais existé.

      Même situation assez identique pour l’Ukraine (Petite Russie), sauf que l’on a pas changé le nom du pays, et que c’est encore plus flagrant puisque l’Ukraine est le berceau historique de la Russie. Mais c’est vrai que des courants séparatistes ukrainiens minoritaires (révoltes cosaques, jusqu’à plus récemment Makhno) ont existé là-bas, pour le coup.

      Si l’amélioration de la situation de la Russie perdure, les tentations de réunifications vont-être très forte, c’est certain... et les nationnalistes ukrainiens semblent perdre du terrain rapidement... On verra bien.


  • frédéric lyon 30 septembre 2008 15:40

    Saluons les premeirs pas du Belarus en direction de l’Europe.

    Tout ceci confirme le mouvement de fond qui se déroule en ce moment même et qui pousse le Belarus, l’Ukraine et la Russie en direction de l’Europe, pour que se réalise enfin la réunion de tous les peuples européens, du Groenland au Détroit de Behring.


    • Internaute Internaute 1er octobre 2008 09:40

      Le Belarus est encore un invention de journaliste. Dans tous les portails internet officiels du gouvernement français on utlise le terme classique biélorusse (tapez sur Google Ambassade de Biélorussie). De même la version français de l’agence de presse russe Ria-Novosti utilise le terme biélorussie. http://fr.rian.ru/world/20080930/117342397.html

      On ne va quand-même pas leur apprendre comments ils s’appellent. A la place de Londres, faut-il dire Lonnedonne ?


  • hurlevent 30 septembre 2008 20:15

     En plus d’être la seule dictature d’Europe, la Bielorussie est le seul état anti-libéral et anti-capitaliste d’Europe.


    • Internaute Internaute 1er octobre 2008 09:56

      D’où tenez-vous que la Biélorussie est anti-capitaliste ? Même Ricard s’y installe.

      http://213.86.181.133/fr/pages/346/pernod/Groupe/Presence-internationale/Annuaire-des-filiales/Bielorussie.html


    • hurlevent 1er octobre 2008 23:10

       La Bielorussie est un régime communiste. Et c’est une dictature.


  • Internaute Internaute 1er octobre 2008 09:30

    En version française, le début de l’article peut se lire ainsi :

    « Frontalière de trois pays de l’Union européenne (Italie, Allemagne et Espagne), la France (République Démocratique Française depuis 1981) a voté ce 17 juin 2007. Ces élections législatives sont un nouveau camouflet pour la démocratie et pour la diplomatie européenne.

    Un signe qui ne trompe pas : aucun candidat de l’opposition nationale n’a obtenu ne serait-ce qu’un seul des 577 sièges qui étaient en jeu. »

    Sur le site de notre gouvernement démocratique on peut lire au sujet de Loukatchenko :
    http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/bielorussie_458/europe-bielorussie_4004/reactions-aux-elections-presidentielles-bielorussie-19-mars-2006_20720.html

    "S’agissant des élections en Biélorussie, le scrutin présidentiel s’est terminé avec un score de 82% pour M. Loukachenko tandis que M. Milinkevitch, que j’avais reçu au Quai d’Orsay, n’aurait que 6%. Ces résultats sont inquiétants, ils confirment la tonalité de la campagne marquée par une montée de violence de la part des autorités, par la multiplication des arrestations d’opposants, par les menaces répétées de peine de mort contre les partisans de l’opposition, la mainmise du pouvoir sur les moyens d’information et de propagande... une situation d’un autre âge qui appelle de notre part une réaction d’une extrême fermeté."

    Je vous invite à reprendre ce texte, version réalité française.

    « S’agissant des élections en France, le scrutin présidentiel s’est terminé avec un score de 82,21% pour M. Chirac tandis que M. Le Pen, que j’avais refusé de recevoir, n’aurait que 17,79%. Ces résultats sont inquiétants, ils confirment la tonalité de la campagne marquée par une montée de violence de la part des autorités, par la multiplication des arrestations d’opposants, par les menaces répétées de peine de mort contre les partisans de l’opposition, la mainmise du pouvoir sur les moyens d’information et de propagande... une situation d’un autre âge qui appelle de notre part une réaction d’une extrême fermeté. »

    A cette époque, Chirac avait refusé le débat avec l’opposition et monté des manifestations monstres pour la discréditer.

    Moralité : Regarde la poutre dans ton oeil au lieu de la paille dans celle du voisin.

    En voulant passer son temps à donner des leçons de démocratie aux autres et à montrer du doigt le vilain comportement de nos voisins, on oublie la dérive totalitaire de notre pays et de l’UE. Quand un vote ne convient pas, ce n’est pas grave, on en refait un autre. Même aux USA, maintenant que le Congrès à mal voté on pense à le faire revoter. Au moins, Staline ne s’embarassait pas de ces hypocrisies.


  • furio furio 5 octobre 2008 19:45

    Tout ce qui n’est pas à genoux devant les states et le marché se trouve taxé de soviétisant ou bolchévique !! Les états-uniens ont bien réussi à nous faire bombarder la yougoslavie ! Peut-être souhaitez vous que l’on envoie les bombardiers sur Minsk. 
    D’ailleurs au fait vous qui médisez ou repremez la propagande états-unienne contre la Bielorussie savez-vous que le Mont Chauve s’y trouve ? Quel rapport me direz vous ? Votre photo me fait penser à un chauve qui se planque sous une grosse moumoutte !!lol !


    • Astronaute Astronaute 6 octobre 2008 00:42

      Putain furio ... Sort la tête de ton cul.


      Cette façon manichéenne de penser qui consiste à soutenir tout les ennemis des USA, y compris les pires dictatures dans le monde, est des plus gerbante ; tu serais capable, con comme tu es, de dire que la Corée du nord est plus libre et démocratique que les États-Unis.

      Et en plus tu t’en prend au physique de l’auteur, j’aimerais bien voir ta tête de crétin.


    • Astronaute Astronaute 6 octobre 2008 00:47

      Tiens, va leur demander leurs avis aux biélorusses, sombre crétin.


  • Annihilator 13 octobre 2008 11:26

    Le communism tres difficile peut etre aboli. Lukashenko est vieux cadre communistic - voila un film tres humoristic pour lui - http://uk.youtube.com/watch?v=4ICvFXtfLQU&feature=related


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