Europe-Afrique : de nouvelles perspectives pleines de promesses
DECRYPTAGE RELATIO : Première mission : l’Afrique. Premières promesses : De meilleures relations entre l’Union européenne et l’Afrique. La Présidence portugaise a commencé par un chantier du « grand large », ce qui n’est pas illogique pour ce « pays des grandes découvertes ».
En fait, c’est le fruit du hasard du calendrier diplomatique africain : le José Socrates, s’est invité à Accra, au Ghana, au 9e sommet de l’Union africaine pour multiplier des contacts bi- et multilatéraux dans la perspective du sommet euro-africain programmé à Lisbonne les 8 et 9 décembre prochains.
Ce sommet (qui est l’une des priorités de la présidence portugaise) doit « lancer un nouveau partenariat entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique », a-t-il affirmé dans la capitale ghanéenne, en prononçant son discours en portugais devant les chefs d’Etat et de gouvernement des 53 pays membres de l’UA.
Ce partenariat visera selon lui à « renforcer le respect des droits de l’homme, le combat contre la pauvreté, une meilleure gestion des flux migratoires ». Des objectifs qui sont évidemment ceux de la Commission de Bruxelles et de plusieurs pays européens, dont la France, où Nicolas Sarkozy est décidé à rompre avec les pratiques de la « Françafrique ».
M. Socrates a insisté pour que les sommets Afrique-Europe soient plus fréquents à l’avenir et que l’écart de sept ans entre le premier et celui de Lisbonne ne se reproduise plus. « L’Europe et l’Afrique ont une vision commune sur différents problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il est nécessaire d’avoir un partenariat politique qui nous permettra de répondre à ces questions », a-t-il estimé. Depuis le temps que Louis Michel, le commissaire chargé du développement et de l’aide humanitaire, le réclame...

Ce sommet de Lisbonne est très attendu après l’échec ces dernières années de l’UE et de l’Afrique à organiser une deuxième rencontre, reportée du fait de divergences entre certains pays africains et européens : le Royaume-Uni, notamment, ne voulait pas entendre parler de la participation du président zimbabwéen Robert Mugabe et d’autres problèmes bi-latéraux ou régionaux empêchaient une indispensable préparation. Qui plus est, les différents pays européens n’ont pas sur l’Afrique des visions communes très claires...
Vues étroites, partielles, partiales (et archaïques) des uns. Indifférence des autres. Résultats : une impuissance politique de l’Europe dans ce continent africain avant-hier partenaire privilégié (accords de Yaoundé et de Lomé) qui subit de plus en plus des influences (rarement positives pour son développement économique et social) des Américains, des Chinois et d’autres, conscients que l’Afrique peut être un continent d’avenir même si elle reste « mal partie »...
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a souhaité, pour sa part, que les sommets UE-UA soient institutionnalisés : de tels sommets se tiendront "tous les deux ans, en alternance sur chacun des continents", a-t-il dit. C’est un bon rythme si... le travail est permanent, sur tous les plans.
CETTE UNION QUI... DIVISE
Ce dialogue euro-africain n’était évidemment pas le sujet essentiel de ce Sommet de l’Union africaine (qui n’a d’Union que le nom) : sous l’impulsion de Khadaffi, c’est le projet d’un « gouvernement continental » qui devait faire l’objet d’une étude poussée. Un constat, en attendant un communiqué final qui ne fermera aucune porte mais n’en ouvrira aucune.
S’ils sont tous en faveur des "Etats-Unis d’Afrique" en tant qu’idéal à plus ou moins long terme, les dirigeants africains ne sont en revanche pas d’accord sur la constitution rapide d’un gouvernement unique. Deux camps se sont dessinés assez clairement : d’un côté ceux qui veulent un gouvernement unique maintenant, comme la Libye et le Sénégal, de l’autre ceux qui souhaitent une intégration par étapes, notamment l’Afrique du Sud et les pays de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe). Le compromis final a abouti à un renforcement de la Commission qui tente de gérer l’Union. Un plan de route sera mis au point.
DE NOUVEAUX OUTILS DE DEVELOPPEMENT
L’idée des « Etat-Unis d’Afrique » fait rêver nombre d’esprits. Surtout dans les milieux d’affaires multinationaux africains qui « mettent la pression » comme le souligne « All Africa. Com ».
Ainsi, une demi-douzaine de ministres a lancé le PAIDF (Pan African Infrastructure Development Fund, Fonds panafricain pour le développement des infrastructures). Une initiative dans le sillage du NEPAD qui entend impulser des actions en vue de doter le continent africain d’infrastructures (routes, chemins de fer, télécommunications, barrages hydroélectriques, santé, éducation et autres).
Pour le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Nana Dankwa Akufo Addo, ces jours sont « historiques » : « Les Africains ont décidé de prendre leurs responsabilités pour sortir du sous-développement, l’absence ou l’insuffisance de ces infrastructures constituant un obstacle majeur à l’accroissement de l’activité économique ».

Mme Zuma, ministre sud-africaine des Affaires étrangères, estime que l’option d’un fonds africain indique clairement que « l’épargne africaine va servir au développement de l’Afrique ». En présentant le fonds, son président, Tshepo Mahloele, a annoncé que 625 millions de dollars sont déjà mobilisés, une somme identique étant promise par des investisseurs attendant que les structures du fonds se mettent définitivement en place, ce qui peut être considéré comme fait.
« Le chantier est immense. Le défi excitant », souligne « all Africa.com ». « Rain is about to fall on Africa » a-t-on entendu dans les couloirs. « Des pluies qui annoncent une renaissance d’un continent qui, enfin, prend conscience de son énorme potentiel. Juste une illustration : à peine 7 % du potentiel hydroélectrique de l’Afrique est exploité à ce jour. A la fois une richesse - puisque cette énergie produite peut être vendue - et un moteur du développement car la disponibilité de l’énergie stimule les activités ».
Dans ce contexte, le « co-développement » prôné par nombre de pays de l’Union européenne peut et doit prendre tout son sens. Il le faut. Pour les Africains. Et pour l’équilibre du monde.

« Le rêve d’une unité africaine ne doit plus se perdre dans les sables », confie un ami diplomate africain. « Notre morcellement vient des colonisations et des décolonisations, avec nos frontières artificielles, nos rivalités entretenues, nos conflits alimentés... et nos ressources pillées. Une ère nouvelle commence. Du Cap au Caire... Même si pour l’instant, notre Union... divise ».
Wait and see. « Aller doucement n’empêche pas d’arriver », dit un proverbe africain. Prochain sommet de l’Union africaine en janvier. Après le sommet euro-africain de Lisbonne. DR