lundi 30 janvier 2006 - par Euros du Village

Finlande : le président reste une femme. Et alors ?

Le deuxième tour des élections présidentielles opposait l’actuelle présidente sociale-démocrate, élue en 2000, Mme Tarja Halonen, au candidat conservateur, M. Sauli Niinistö. Mme Halonen a été réélue de justesse, avec 51,8% des voix, alors que certains sondages avaient prédit sa victoire dès la premier tour. Tarja Halonen était en effet la grande favorite de l’élection. Malgré le bon score de son adversaire, la présidente a su garder une image de femme ordinaire proche de ses concitoyens. Quelles conséquences aura cette réélection ?

Tarja Halonen était devenue le chef d’Etat le plus populaire de tous les temps en Finlande. Elle bénéficiait encore l’année dernière un taux de satisfaction de 97%. Dans sa course pour un deuxième mandat, la présidente de “tous les Finlandais” a promis de continuer à travailler avec encore plus d’efficacité, de défendre l’Etat providence, et de se consacrer à la politique étrangère. Pourtant, sa popularité s’était effritée au cours de la dernière semaine avant le premier tour, et elle a été quasiment rattrapée par son concurrent, Sauli Niinistö. M. Niinistö, juriste de formation, fut auparavant le président du parti de droite Kokoomus (Rassemblement national), de 1994 à 2001, et ministre des finances, de 1996 à 2003. Dans sa campagne, le candidat du Rassemblement national s’était présenté comme le « Président des travailleurs » qui veut « réveiller les Finlandais ».

Présidente, mais de quoi ?

Le poste de président de la République est la récompense la plus convoitée de la politique intérieure finlandaise. Pourtant les prérogatives du chef de l’État ont été progressivement limitées depuis une vingtaine d’années. Un recentrage au détriment du pouvoir présidentiel s’est opéré en faveur du régime parlementaire avec la réforme constitutionnelle de 2000.


Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le président de la République était devenu le dirigeant incontesté de la politique extérieure de la Finlande et, avec le temps, de sa politique intérieure. Ce changement s’explique largement par le fait que les relations avec l’URSS étaient devenues, après la guerre, la plus importante composante de la politique de la Finlande. Ces relations étaient sensibles, raison pour laquelle leur gestion était concentrée entre les mains du président de la République et des fonctionnaires qui avaient toute sa confiance.

En pratique, les prérogatives présidentielles connurent leur apogée durant les 25 années durant lesquelles Urho Kekkonen exerça le pouvoir. Il dirigea, de manière souveraine, la politique étrangère du pays et, en politique intérieure, son pouvoir ne cessa de s’étendre. La forte personnalité de Kekkonen et la constitution souple du pays le permettaient.

Le tournant vers un régime parlementaire de style européen débuta avec le successeur de Kekkonen, Mauno Koivisto, par la volonté de ce dernier et en réaction à la concentration du pouvoir durant les mandats de Kekkonen. Sous Koivisto encore, les prérogatives que la constitution attribuait au président restèrent pratiquement en vigueur. Le président en usa avec parcimonie et de manière moins visible que Kekkonen. Cette orientation se poursuivit sous le mandat du président Martti Ahtisaari, de 1994 à 2000 ; mais des contradictions entre le président et le premier ministre, relatives aux limites de leurs pouvoirs respectifs, s’affirmèrent dès cette époque.

Une réforme constitutionnelle fut opérée en mars 2000, date à laquelle commençait également le mandat de la présidente de la République nouvellement élue, Mme Tarja Halonen. La nouvelle constitution réduisait fortement les prérogatives présidentielles et liait les prérogatives restantes à l’assentiment du gouvernement et de la Chambre (l’Eduskunta) qui est l’organe étatique suprême (la Finlande est une des rares démocraties libérales ayant un système monocaméral). Alors que, précédemment, le président choisissait le premier ministre, cette prérogative appartient désormais, en vertu de la constitution, à l’Eduskunta. Le président nomme les autres ministres, mais il le fait sur proposition du premier ministre désigné. Le changement est majeur, car auparavant le président de la République choisissait notamment, en plus du premier ministre, le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense. À l’époque, Kekkonen choisissait aussi les partis au gouvernement ; les partis qui n’étaient pas jugés sûrs en matière de politique étrangère, n’accédaient pas au gouvernement. L’ancienne constitution reconnaissait également au président de la République le pouvoir de rejeter un projet de loi du gouvernement et adopté par l’Eduskunta. En vertu de la nouvelle constitution, le président ne peut que retarder l’entrée en vigueur de la loi ; si la Chambre maintient sa position, cette loi entre en vigueur. Le président de la République reste le chef suprême des forces de défense, mais décide des affaires concernant les ordres militaires du chef de l’État, sur proposition du commandant des forces de défense. Contrairement à la pratique antérieure, le ministre de la défense doit être présent.

La réforme constitutionnelle limitait aussi le pouvoir de nomination du président ; désormais, le droit de nomination ne concernait plus que la désignation des plus hauts fonctionnaires (notamment les membres du directoire de la Banque de Finlande).

Les implications de l’élection

- Au niveau des pouvoirs du président : le président va sûrement garder ses prérogatives en termes de politique étrangère. Tarja Halonen tient à conserver ce droit. Elle considère également que la durée du mandat présidentiel et les pouvoirs du chef de l’Etat n’ont pas à être réduits, ni augmentés, et que le président de la République peut participer à un sommet européen dès qu’il est question de politique étrangère et de sécurité (ce que l’actuel premier ministre Matti Vanhanen conteste).Cette question devra être très rapidement clarifiée puisque la Finlande présidera l’Union européenne au deuxième semestre 2006.

- Concernant les relations avec l’OTAN : Mme Halonen, à l’instar de la quasi totalité des candidats, pense que rien ne justifie actuellement une adhésion de la Finlande à l’OTAN. Sur la question de savoir qui aiderait la Finlande, si elle était menacée militairement, Tarja Halonen a déclaré que son pays était prêt à fournir et à recevoir de l’aide dans des opérations de crise.

- Au niveau des politiques intérieures : comme le président n’a pas de prérogatives dans ce domaine, il n’y aura pas grand chose à attendre. Pourtant Mme Halonen a pris position sur les questions de l’impôt et de l’utilisation de l’ énergie nucléaire : alors que le premier ministre Matti Vanhanen et le candidat conservateur à l’élection présidentielle Sauli Niinistö s’étaient déclarés en faveur d’une baisse des impôts, afin de soutenir l’emploi et la consommation, Tarja Halonen, déjà très critique après la décision du gouvernement de supprimer l’impôt sur la fortune, a rappelé que les revenus des impôts doivent financer les besoins des services publics comme l’éducation et la santé. Selon elle, ces ressources ne sont déjà plus suffisantes. De plus, alors que Sauli Niinistö déclarait que le nucléaire n’était pas une bonne source de production d’énergie, tout en envisageant la construction d’une sixième centrale nucléaire en Finlande, Tarja Halonen reste indécise, et précise que c’est au Parlement de prendre une décision.



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