mardi 28 août 2007 - par Sylvain Rakotoarison

Gaston Thorn (1928-2007) : luxembourgeois et européen

Gaston Thorn, ancien Premier Ministre du Luxembourg, est mort ce 26 août. Précédant Jacques Delors à la présidence de la Commission européenne, Gaston Thorn fut souvent critiqué pour son manque d’impulsion politique. Pourtant, des éléments essentiels de la politique européenne ont été initiés sous sa direction.

L’Union européenne et, plus particulièrement, la Commission européenne ont été doublement endeuillées ce week-end avec la disparition non seulement de Raymond Barre (voir mon précédent article), ancien vice-président de la Commission européenne (entre 1967 et 1973) et qui fut un grand promoteur de la construction européenne, mais également de Gaston Thorn, ancien président de la Commission européenne entre 1981 et 1985, disparu ce 26 août 2007 à presque 79 ans.


Gaston Thorn a été une "grosse pointure" de la vie politique du Luxembourg, et aussi de la politique européenne.

Adjoint au maire de Luxembourg à 22 ans, il se fit élire député dès 30 ans après des études d’avocat qu’il suivit à Montpellier, Lausanne et Paris.

Devenu président du parti libéral dès 1961, il entama une brillante carrière ministérielle dans son pays, de 1968 à 1980, s’occupant notamment des Affaires Étrangères et de l’Économie et devint même Premier Ministre du Luxembourg entre 1974 à 1979.

Sa nomination à la tête de la Commission européenne (en 1981) a eu lieu dans un climat européen très incertain, avec la contestation permanente de la Britannique Margaret Thatcher, l’inquiétude sur la politique économique du nouveau président français François Mitterrand et une réelle incapacité à faire renaître l’idée européenne après la triple avancée réalisée par Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schimdt quelques années auparavant (élection au suffrage direct des parlementaires européens, institution des Conseils européens réunissant les chefs d’État et de gouvernement régulièrement, mise en place du système monétaire européen).

Beaucoup ont même qualifié la présidence de Gaston Thorn de "dormante", d’autant plus facilement qu’elle a précédé la présidence très active et dynamique de Jacques Delors (nommé entre 1985 et 1995).

Critiques renforcées par sa difficulté à maintenir une bonne cohésion entre les commissaires européens, notamment en raison de la présence de fortes personnalités, comme le Belge Étienne Davignon (auteur d’un rapport important en 1970 qui fut la base de la politique étrangère commune), et le Français François-Xavier Ortoli (ce dernier ayant déjà présidé auparavant la Commission).

Cependant, il serait judicieux de lui reconnaître plusieurs avancées dans la construction européenne. En particulier, l’élargissement avec l’adhésion de la Grèce (en 1981), et de l’Espagne et du Portugal (en 1986), ces trois pays sortant alors très récemment de dictatures dans les années 1970.

Le large développement économique de ces trois pays qui suivit leur adhésion européenne a d’ailleurs largement encouragé la volonté d’adhésion des anciens pays du bloc communiste de l’Europe centrale et orientale.

Une politique de restructuration de l’industrie européenne a également été mise en œuvre sous la présidence de Thorn, avec des décisions douloureuses pour l’industrie de l’acier, mais aussi des accords commerciaux importants avec les Etats-Unis, la Chine et le Japon.

La Commission Thorn a par ailleurs lancé le premier Programme-cadre européen de recherche et développement technologique (PCRD), aide européenne essentielle de coopération industrielle et scientifique, trop peu utilisée par les entreprises françaises et outil majeur pour la compétitivité de l’innovation européenne (la Commission a lancé récemment le 7e PCRD qui s’étend de 2007 à 2013).

Enfin, c’est sous la présidence de Thorn, très à l’écoute des parlementaires européens, que fut adopté au Parlement européen le 14 février 1984 l’étonnant rapport d’Altiero Spinelli, étonnant car révolutionnaire puisqu’il fut le précurseur de l’Union européenne en fixant comme objectif ultime la réalisation d’une union fédérale européenne (cette initiative ne fut cependant pas suivie par les États).

Par ailleurs, Gaston Thorn présida la 30e Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (de 1975 à 1976). Après sa Présidence de la Commission européenne, Gaston Thorn s’éloigna de la vie politique et devint patron de la maison-mère de RTL de 1987 à 2004 (Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion).

Poste auquel lui succéda Jacques Santer en 2004, lui-même également ancien Premier Ministre luxembourgeois (de 1984 à 1995) et ancien Président de la Commission Européenne (de 1995 à 1999).



1 réactions


  • Little Scarlet Pimpernel Little Scarlet Pimpernel 28 août 2007 21:34

    Thorn était un « fidèle distingué » des réseaux des multinationales et de la grande finance (Trilatérale, Bildeberg...). Lire, par exemple, cet article du Guardian :

    http://politics.guardian.co.uk/politicsobituaries/story/0,,2157337,00.html

    (...)

    ... Fluent in several European languages, as EC president he achieved agreement on the common fisheries policy and laid the basis for the accession of Greece, and then Portugal and Spain.

    After his presidency ended, Thorn returned to business life, becoming a leader of the Luxembourg-based European media industry and chief executive of CLT Multi-Media. He also served as president of the International European Movement and was a member of the Trilateral commission and the Bilderberg conference.

    (...)


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