Grèce : pari gagné pour Kyriakos Mitsotakis... mais à quel prix ?
« Toute la Grèce est bleue ! (…) La Nouvelle démocratie est le parti du centre droit le plus fort en Europe ! » (Kyriakos Mitsotakis, le 25 juin 2023 à Athènes).
Les élections législatives organisées ce dimanche 25 juin 2023 en Grèce ont été un grand succès pour la majorité sortante dirigée par Kyriakos Mitsotakis, président de Nouvelle démocratie depuis le 10 janvier 2016. En effet, avec 40,6% des suffrages exprimés, son parti a remporté la majorité absolue des sièges, 158 sur les 300 que compte au total l'unique chambre parlementaire de la République grecque.
Rappelons que ces élections sont les secondes en cinq semaines : les précédentes avaient eu lieu le dimanche 21 mai 2023 et le gouvernement sortant de Kyriakos Mitsotakis les avaient gagnées, avec une audience sensiblement équivalente, 40,8% des suffrages exprimés, mais en ne remportant pas la majorité absolue, seulement 146 sièges sur 300. Ne voulant pas se compromettre dans une coalition avec le PASOK (parti socialiste grec), Kyriakos Mitsotakis avait donc procédé à la dissolution du Parlement grec et un gouvernement de transition a été nommé par la Présidente de la République Katerina Sakellaropoulou (dirigé par le juge Ioannis Sarmas) pour assurer les affaires courants à partir du 25 mai 2023.
Le principe de la double élection en cinq semaines, promis par la Nouvelle démocratie dès la campagne des premières élections, avait une raison très technique : en Grèce, les réformes du mode de scrutin ne s'appliquent pas aux élections prochaines mais aux suivantes lorsqu'elles n'obtiennent pas une majorité qualifiée. Or, les deux dernières réformes n'ont pas obtenu ce seuil.
Ainsi, le mode de scrutin applicable aux élections du 21 mai 2023 provenait d'une réforme engagée par le gouvernement d'Alexis Tsipras avant les élections du 7 juillet 2019. En quelque sorte, c'était une bombe à retardement de la gauche radicalisée avant de quitter le pouvoir. Car ce mode de scrutin était une proportionnelle intégrale qui rendait impossible la constitution de toute majorité au Parlement. Kyriakos Mitsotakis, désigné Premier Ministre le 8 juillet 2019 au lendemain de sa victoire électorale, a lui-même modifié le mode de scrutin, en rétablissant la prime majoritaire (de 50 sièges à la formation arrivée en tête), mais celui-ci ne pouvait pas s'appliquer le 21 mai 2023. La dissolution a permis de redésigner une chambre avec le mode de scrutin enfin à jour.
Toutefois, ce qui était prévisible à force de solliciter les électeurs trop souvent, la participation électorale a nettement chuté, de plus de 8 points, avec seulement 52,8%, alors que le 21 mai 2023, elle était de 60,9% (considérée comme forte ; le 7 juillet 2019, elle était de 57,8%).
En cinq semaines, il y a eu peu de changement dans les rapports de force en voix entre les principaux partis. Syriza, la coalition de gauche radicalisée menée par l'ancien Premier Ministre Alexis Tsipras, a cependant fait encore un bond vers le néant avec seulement 17,8% des voix (au lieu de 20,7% le 21 mai 2023), et le PASOK (en fait, KINAL), avec 11,8% des voix (au lieu de 11,5%), a fait un peu mieux. Le parti communiste aussi sensiblement la même chose avec 7,7% des voix (au lieu de 7,2%).
En raison du mode de scrutin, la répartition des sièges a en revanche évolué en faveur de la Nouvelle démocratie qui a donc obtenu 158 sièges sur 300 (+12), suivie de Syriza avec 48 sièges (–24), le PASOK (KINAL) 32 sièges (–9) et le parti communiste 20 sièges (–6). Solution grecque, arrivée cinquième le 21 mai 2023, un parti conservateur anti-immigration, a fait le même score que le mois dernier, 4,4% des voix mais a perdu un quart des sièges avec 12 sièges.
La nouveauté du scrutin est venue des "petits" partis, qui ont réussi à franchir le seuil de 3% des voix, le seuil pour avoir des sièges, ce qui explique pourquoi l'opposition traditionnelle a autant chuté en sièges. Et aussi venue d'un nouveau parti, Les Spartiates, qui, avec 4,6% des voix, a pu gagner 12 sièges. Les Spartiates est un nouveau parti qui a repris l'héritage idéologique néonazi de l'ancien parti dissous Aube dorée (dont le dirigeant a été condamné par la justice et donc interdit de se présenter).
Un autre parti d'extrême droite, Victoire (Mouvement démocrate patriote, un parti antivax ultranationaliste et ultra-orthodoxe, pro-Poutine), a à peine progressé avec 3,7% des voix (2,9% il y a un mois) mais, au-dessus du seuil, a pu ainsi obtenir 10 sièges. Enfin, un parti de gauche, une scission de Syriza (opposé au revirement d'Alexis Tsipras), Cap sur la liberté, dirigé par Zoé Konstantopoulou, l'ancienne Présidente du Parlement grec du 6 février 2015 au 4 octobre 2015, est passé de 2,9% à 3,2% des voix, un franchissement du seuil qui lui a apporté 8 sièges.
Ce qui est donc notable, c'est que dans le nouveau Parlement grec, trois partis de forte droite (extrême droite et droite musclée), bénéficiant d'un courant anti-immigration très fort dans la société grecque (sentiment renforcé lors du naufrage de l'Andrianna le 14 juin 2023 qui a fait jusqu'à 600 victimes au large du Péloponnèse), ont su réunir 12,8% des voix, leur attribuant 34 sièges, soit plus que le PASOK (KINAL).
Pour Kyriakos Mitsotakis, c'est incontestablement une grande victoire personnelle ; il a les moyens de poursuivre les réformes en Grèce et son opposition de gauche est disloquée (son principal adversaire Alexis Tsipras va probablement abandonner le combat alors qu'il comptait sur le naufrage de l'Andrianna pour reprendre le terrain perdu en mai) : « Pour la deuxième fois en quelques semaines, les citoyens n'ont pas seulement envoyé un message de continuité sur la voie que nous avons tracée il y a quatre ans, mais ils nous ont donné un mandat fort afin de répondre aux grands besoins de notre pays. ». Le vainqueur devrait redevenir Premier Ministre dès ce lundi 26 juin 2023.
C'est une victoire qui réjouit aussi à l'échelle européenne. Le secrétaire général du Parti populaire européen (PPE) Thanasis Bakolas a déclaré en effet : « C'est ce que nous voyons en Grèce, aussi ce que nous avons vu plus tôt cette année lors des élections nationales en Finlande et régionales en Espagne. Et c'est précisément ce que nous verrons encore dans les prochaines élections parlementaires en Espagne en juillet et en Pologne en octobre. » (cité par "Politico").
Kyriakos Mitsotakis devra cependant aussi se méfier de l'extrême droite grecque qui s'est étoffée au sein de l'institution parlementaire et qui mènera probablement la vie dure au prochain gouvernement, risquant de faire une surenchère populiste sur le thème de l'immigration.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (25 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
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