samedi 7 avril 2018 - par
Le Brexit, 21 mois après, partie 3 : que dire en France ?
Après avoir étudié l’avancement du Brexit, aux conséquences pour l’instant d’autant plus limitées que la sortie est lente et progressive, puis être revenu sur la nécessité, ou non, de recourir à l’article 50 pour sortir de l’Union Européenne, il convient de se poser pleinement la question du discours qu’il convient de tenir pour convaincre les Français et du scénario qu’il faudrait suivre pour y parvenir.
Du besoin d’une véritable rupture européenne
Pour beaucoup, l’élection de 2017 montrerait qu’il ne serait pas possible de convaincre les Français de sortir de l’UE, ou même de quitter la monnaie unique. Pour preuve, le score sans appel d’Emmanuel Macron au second tour face à Marine Le Pen. C’est d’ailleurs cette idée qui avait poussé la candidate du FN et son putatif Premier ministre à repousser aux calendes grecques la sortie de la monnaie unique européenne entre les deux tours… sans le moindre effet électoral. Subsiste chez beaucoup de souverainistes pourtant sincères la crainte qu’un discours jugé trop radical (sortie de l’UE, sortie de l’euro) rende impossible toute victoire électorale, les poussant à la discrétion sur le sujet.
Autant dire que je ne partage pas du tout cette position. Ce ne sont pas les idées qui ont été défaites en mai 2017, mais uniquement la personne de son avocate d’un temps, aux innombrables limites. Si l’idée d’une rupture avec l’UE a été défaite, c’est seulement parce qu’elle était représentée par une candidate totalement nulle, qui n’a jamais travaillé le sujet, malgré la présence d’une abondante littérature pour l’aider depuis sept ans, et qui était donc incapable de défendre sérieusement le sujet, aboutissant au naufrage du débat du second tour. Ce n’est pas la critique de l’UE et de l’euro qui a perdu, mais la personne de Marine Le Pen, et la dissociation des deux est une opportunité pour la première.
Malgré tout, arguant de l’hostilité de l’opinion publique pour la sortie de l’UE et de l’euro, certains pensent qu’il ne faudrait pas avancer cartes sur table, faisant parfois un parallèle avec la question algérienne et le Général de Gaulle. Je pense que c’est une erreur. D’abord, le champ des possibles était beaucoup plus large en 1958, et il n’y avait pas besoin d’une rupture franche et rapide avec le passé pour dessiner un nouvel avenir. Le cas de l’UE et l’euro est différent. Pour le coup, si nous ne tranchons pas vite, il n’y aura aucun véritable changement : c’est le problème posé par l’article 50, qui, pleinement respecté, nous imposerait une forte continuité politique pour deux longues années.
L’option d’avancer masqué, sans appeler clairement à la sortie de l’UE et de l’euro, me semble doublement inenvisageable. D’abord, elle me semble profondément malhonnête sur un sujet aussi fondamental. Pour qui pense que rien ne pourra être fait de satisfaisant dans ce cadre, ce qui est mon cas, je crois qu’il faut être clair avec les Français. Car sans avoir annoncé une rupture forte et rapide pendant la campagne, elle ne serait pas légitime, ce qui conduirait à une longue période de transition, où peu pourrait changer pendant au moins deux ans. Et toute tentative de rupture immédiate peu après l’élection, parce qu’elle n’aurait pas été expliquée et justifiée en amont, serait très incertaine et délicate.
Le cas de la Grande-Bretagne montre au contraire qu’un peuple peut parfaitement être convaincu par un discours clair et cohérent. Beaucoup sous-estiment la capacité du peuple Français à soutenir l’idée d’une rupture franche et immédiate avec l’UE et l’euro. Maintenant que Marine Le Pen y a renoncé, cette rupture mal défendue sera moins polluée par cette avocate incompétente. Car sur le fond, pour une grande majorité, il n’y a plus qu’une forme de résignation vis-à-vis de cette organisation européenne, vu comme néfaste, mais dont beaucoup pensent qu’elle pourrait être la moins mauvaise des solutions dans le monde actuel. Bref, il n’y a pas de soutien fort et la situation n’est pas irréversible.
Et surtout, contrairement à la Grande-Bretagne, qui a conservé sa monnaie, sans amortisseur monétaire, la France ne pourrait sans doute pas se permettre une période de transition dans ce corset juridique européen, qui ne permettrait que des changements très limités. La situation de notre pays impose un changement bien plus rapide et fort, qu’il faut donc légitimer en amont.