
Après
la PAC, la PEC ? Pas sûr, du moins pas tout de suite. Certes, les
Européens sont conscients du défi énergétique commun auquel ils sont
confrontés : les réserves pétrolières s’épuisent à grande vitesse, le
monde vit depuis trois ans un nouveau choc pétrolier, le cours de l’or noir
a quadruplé depuis le début du millénaire, et cela ne fait que
commencer. La guerre gazière entre la Russie et l’Ukraine a rappelé aux
25 la dure réalité : l’Union européenne dépend pour moitié de son
approvisionnement en énergie du reste du monde, et est donc soumise aux
aléas de la géopolitique mondiale. Que Moscou décide d’interrompre ses
livraisons de gaz à Kiev, et voilà que la moitié des pays de l’Union
subissent des problèmes d’approvisionnement en plein hiver ! D’où l’ébauche
d’une politique énergétique commune à l’occasion du traditionnel
Conseil européen de printemps, qui a réuni dans la capitale
communautaire les 25 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union les 23
et 24 mars derniers. Au coeur de cette stratégie européenne, deux idées
clefs : créer un véritable marché européen de l’énergie reposant sur
une coordination des politiques nationales, s’adresser "d’une seule
voix" à nos principaux fournisseurs et en particulier à la Russie,
l’Algérie et la Norvège, qui fourniront à l’horizon 2030 80 % du gaz
consommé au sein de l’Union contre 50 % seulement aujourd’hui.
Seulement voilà, les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions.
A
quoi bon un marché européen de l’énergie si, comme les Allemands, on
n’est pas prêt à donner plus de compétences à l’Union en matière
énergétique, si, comme les Français et les Espagnols, on pense plus à
créer des champions nationaux que de véritables géants européens ? Et
puis, comment parler d’une seule voix sur un sujet aussi vital que
l’énergie au coeur des relations entre puissances sans se doter d’une
véritable politique étrangère commune ? L’autre question fondamentale
restée sans réponse, c’est le contenu de cette politique : quelle
stratégie d’approvisionnement, quelle place pour le nucléaire et les
énergies renouvelables, quels investissements en matière de recherche
et développement ? Pour parler franchement, les Européens ne sont pas
encore prêts à y répondre. La question nucléaire reste tabou dans
nombre de pays européens - même si le débat est ouvert à nouveau en
Allemagne, en Italie ou en Finlande - et surtout personne n’est prêt à
mettre un centime d’euro de plus dans le budget communautaire. D’un
point de vue médical, cela s’appelle de la schizophrénie. Il faudra
sans doute un autre choc, peut-être une OPA du russe Gazprom ou d’un
géant chinois sur Total ou British Petroleum pour que les Européens
mettent enfin leurs actes en conformité avec leurs paroles.
Guillaume Klossa est président d’EuropaNova