lundi 10 septembre 2012 - par Cercle des Volontaires

Portugal : le coup d’état bancaire fait son chemin

Continuons notre tour d'Europe. Après avoir fait un bilan de la situation en Espagne, votre globe-trotteur préféré vous amène à présent dans l’ouest de la péninsule ibérique.



Si la situation de l’Espagne tant sur le plan politique, qu’économique ou sociale peut se caractériser par l’expression « catastrophique », que dire de celle du Portugal ? Comme nous allons le voir, « apocalyptique » conviendrait sans doute davantage. Cet article se contentera, à l’image du précédent, de dresser le bilan de la situation en Lusitanie. Il s’agit pour le Cercle des Volontaires de vous conduire sur des terres littéralement absentes du paysage médiatique français.

Voici un lien vers un topo technique complet et détaillé sur la crise économique et financière au Portugal, à consulter en guise de complément.

Une crise politique qui alimente la crise socio-économique



A Lisbonne, la crise est amplement visible à bien des étages. Rencontrant l’opposition majoritaire au parlement qui a rejeté son nouveau plan de rigueur – le quatrième en un an –, le premier ministre socialiste portugais, José Socrates, a donné sa démission le 23 mars 2011. La cause ? La promesse faite devant les portugais de quitter le gouvernement du président Aníbal Cavaco Silva en cas de rejet de son plan par l’opposition au parlement, ainsi que son impuissance à redresser le Portugal des ruines engendrées par la politique d'austérité de Bruxelles. Promesse tenue quelques heures après le débat houleux qui s’est tenu au parlement portugais de São Bento.

Nous sommes maintenant familiers aux méthodes européistes. Tout comme La Grèce, l'Espagne et avant elles l'Irlande, le seul moyen qu’on nous vend pour sauver ces pays s’articule autour de la magie de la récession...

Retour sur les évènements qui ont conduit au désastre actuel

En mars 2010, le gouvernement portugais s'était engagé à prendre des mesures d'austérité pour réduire ses déficits publics. Avions annulés, ports paralysés, métros fermés : une grève générale contre l'austérité est massivement suivie au mois de novembre de la même année, affectant fortement l'ensemble des services publics mais aussi les grandes entreprises, dans un mouvement d'une ampleur inédite depuis 1988. Mais le gouvernement minoritaire dirigé par le socialiste José Socrates compte garder le cap de l'austérité : après l'aide réclamée par l'Irlande à l'Union européenne et au FMI (Fonds Monétaire International), le Portugal serait le prochain pays de l'union européenne à solliciter l'aide de Bruxelles pour tenter de rééquilibrer ses comptes selon les investisseurs.



Suite à cela, l’Union Européenne a fait pression sur le Portugal pour qu’elle emprunte de l’argent à la BCE (Banque Centrale Européenne) ou au FMI afin de combler son déficit, et pour couronner le tout, les vautours de Standard & Poor's ont menacé de dégrader la note du Portugal, devant l’incertitude que l’Union Européenne soit capable d’endiguer le déséquilibre budgétaire du pays. D’ailleurs, l’agence de notation Fitch n’a pas tardé à passer aux actes, puisqu’elle a dégradé de deux crans la note du Portugal en mars 2011, en raison « des risques accrus qui pèsent désormais sur la capacité de ce pays à se refinancer ».

(source : RFI)

Pour revenir à l'actualité (début juin 2012), l'état portugais va injecter 6,6 milliard d'euros dans la Banco Comercial Portugues, mais aussi dans la Caixa Geral de Despositos et dans la BPI, les trois principales banques du pays.

Un emprunt par défaut

Le Portugal pourra-t-il continuer à ignorer les pressions des pays européens et du Fonds Monétaire International pour qu'il demande l'assistance du fonds de soutien afin de rembourser les 9 Milliards de dette du pays ? "Cette crise politique aura des conséquences gravissimes sur la confiance dont le Portugal a besoin auprès des institutions et des marchés financiers", a averti M. Socrates dans une allocution télévisée de février 2011.

Sur ce point, le refus catégorique du Portugal face aux propositions de versements financiers par Bruxelles est plutôt bien vu, freinant ainsi au maximum la montée de la dette nationale, se dotant de plus de temps afin de trouver une autre solution. Accepter cet argent – de la BCE ou du FMI – n’aurait fait que jeter de l’huile sur le feu, précipitant de ce fait la montée de la dette, comme en témoignent les cas grecque et espagnol.
 



Et pourtant… Après avoir « tout tenté » comme le souligne Socrates, et malgré l’alternance depuis les élections législatives de juin 2011 et la prise du pouvoir par la droite en la personne du premier ministre Pedro Passos Coelho, la mise en place de plans d’austérités continue inlassablement. Le Portugal se retrouve alors dos au mur, ne possédant aucune autre alternative que de mettre le doigt dans l’engrenage, et d’emprunter.

(source : Rue89)

Des avantages sociaux qui s’effritent

Quant aux perspectives d’avenir sur le plan du travail pour les portugais, elles se dégradent au fil des jours... Quelques chiffres pour illustrer ce propos : là où le SMIC espagnol avoisine les 750€, le SMIC portugais lui, ne dépasse pas la barre des 570€ - chiffre de juillet 2012 - ! Petit détail qui peut avoir son importance, contrairement à la France, le Portugal reste sur une base de travail de 40 heures par semaine… Pas cher payé la semaine de travail pour un smicard ! Cliquez içi pour accéder au graphique de l'évolution des salaires minimums.

Additionnons à cela la suppression du 13eme mois, ainsi que le retour à un tarif horaire normal pour les heures supplémentaires, et nous obtenons ce cocktail hautement explosif et malheureusement répandu qu’est la rigueur.

Côté chômage, on retrouve les mêmes proportions que dans toute la zone Euro : 15% de chômage pour une population active de 4,6 Millions d’habitants, avec 35,5% de chômage chez les jeunes de 16 à 24 ans !

Des chiffres loin d’être reluisants… Une fois ces chiffres pris en considération, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les portugais émigrent de plus en plus vers d’autres horizons européens. Quant à ceux qui n’en ont pas les moyens, le cumul de deux voir trois travails différents pour les plus défavorisés trouve içi tout son sens, quitte à sombrer dans l’illégalité pour certains : travail au noir, vente de produits dit « illégaux », etc.



Grève un jour, grève toujours ! Comme nous venons de le voir, de nombreuses grèves avaient touchées le pays en 2011. Et la poursuite de ce moyen de contestation en 2012 reflète bien la non-évolution de la situation pour les travailleurs portugais. La nouveauté de celles de 2012 est que d'autres catégories de personnes sont venu grandir les rangs des manifestants pour protester « Contre la bande de voleurs qui gouvernent  ». En effet, la présence de militaires dans les cortèges - d'habitude fidèles à l’état jusqu'au bout - ne présage rien de bon pour le gouvernement. Les révoltes populaires s'étant soldées par une révolution ont à chaque fois vu les militaires rejoindre les rangs des insurgés, et en analysant correctement l'histoire de ces mouvement, la prise de position des militaires s'est toujours avérée décisive, notamment lors de la révolution des œillets du 25 Avril 1974, dernier exemple en date côté portugais. A méditer...

Le Portugal a baissé les salaires de la fonction publique et a mis en place une large palette de hausses d'impôts pour baisser ses dépenses et augmenter ses recettes, comme partout en Europe ! Exemple avec la hausse de TVA de 6% à 23% sur le gaz et l’électricité (projet en cours du gouvernement).

Côté entreprises, il y a également de quoi rougir. Les nouveaux chiffres de la dette des entreprises, publiés il y a quelques jours, font froid dans le dos. Dans un article paru le 22 août 2012, le « correo da manana » relève que la dette des entreprises privées avoisinent les 180% du PIB ! Et ici comme ailleurs, la privatisation des entreprises d'intérêts publiques semble être la seule digne d’intérêt des gouvernants. Nous savons pourtant que les privatisations de ces entreprises n'arrangent en rien la situation, elles ont pour seuls bénéfices de profiter à une poignée de personnes. L’État échange contre une enveloppe conséquente un service dont il avait la charge, ce qui faisait consensus entre lui-même et le peuple par l'intermédiaire des élections..

Conclusion



Tout comme son voisin ibère, un scénario à la Grecque est malheureusement à prévoir pour le Portugal. Il est évident que le changement ne viendra ni de la classe politique portugaise, ni de Bruxelles, mais bel et bien de la rue - s'il doit y avoir un sursaut -. A l’image des grèves, les portugais abattent leurs cartes, au beau milieu d’une partie jouée d'avance, jusqu’au jour où elle n’aura d’autres choix que de lancer sa dernière carte : l’insurrection populaire légitime !

Lissandro Dias, pour le Cercle des Volontaires

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5 réactions


  • Aldous Aldous 10 septembre 2012 11:35

    Je suis content de voir que le concept de coup d’état bancaire commence à être admit dans le débat et n’est plus stipandié comme lorsque j’ai commencé a l’utiliser il y a quelques années de cela.


    Il faut dire qu’aucun gouvernement n’avait encore été renversé en Europe pour ceder la portefeuille de 1er ministre a un banquier central ou un ex-dirigeant de Goldman Sachs.

    A l’époque cela m’avait valu d’etre apostrophé avec des surnoms bien dévalorisants, complotiste, soucoupiste...

    Mon analyse de la situation de la dette publique débouchant sur la perte de souveraineté m’avait valu d’etre traité d’ignare et d’imbécile.

    Enfin, ma description du processus comme une opération d’étouffement de la démocratie par la crise economique m’avait fait decerner le titre de prophète de la fin du monde.

    Ces noms d’oiseaux n’ayant plus cours, on va enfin pouvoir débattre.



  • Jean-Louis CHARPAL 10 septembre 2012 16:37

    Il n’y a aucune raison, en effet, pour que le Portugal soit épargné par la pieuvre de l’ultra libéralisme qui entoure de ses tentacules tous les pays.

    La recette est partout la même : exonérer les riches des impôts qu’ils devraient payer, notamment sur les produits de la spéculation, fraude et évasion fiscales, emprunt à des taux délirants, par les gouvernements, de leur propre monnaie qu’ils émettent, auprès de banksters privés.

    Alors que s’ils empruntaient aux banques centrales à des taux faibles, voire nuls, il n’ y aurait aucun problème d’endettement.

    Ensuite, les Etats sont considérés en faillite, alors que ce sont les banksters privés qui le sont, ce dont les peuples ne devraient rien avoir à faire s’ils n’avaient le cerveau lessivé depuis des décennies par des médias et soi disant « experts » corrompus et achetés par les profiteurs du système.

    Vient alors le temps de l’austérité, mot magique ! Les peuples doivent se repentir des fautes commises par l’oligarchie de la finance déjantée. Cette dernière, avec un cynisme sidérant, trouve plus confortable de battre sa coulpe sur la poitine des autres !

    Tartufe plus Diafoirus (avec les saignées de populations qui ont surtout besoin de tranfusions).

    Les deux pour le prix d’un !

    Mais ce n’est pas tout. Le TSCG, le traité concocté par les traîtres à la démocratie, va graver dans le marbre de textes qui se veulent irréversibles, toutes les dérives, stupidités et injustices de ce système ignoble.

    En France, Hollandréou, social libéral, est un chaud partisan de ce qui sera un abaissement des pouvoirs budgétaires du Parlement et de l’ émasculation de la République française.

    Moment attendu avec impatience et gourmandise par tous les ultras non élus ( BCE, FMI, Commission européenne) qui dirigent l’ Europe de façon dictatoriale et totalitaire, dans le mépris des principes les plus élémentaires de la démocratie et de l’intérêt général des peuples.


  • bigglop bigglop 10 septembre 2012 19:39

    Remettons en avant l’article 35 de la Constitution de l’An I

    Article 35. - Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.


  • eau-du-robinet eau-du-robinet 10 septembre 2012 20:14

    — début de citation —
    Il est évident que le changement ne viendra ni de la classe politique portugaise, ni de Bruxelles, mais bel et bien de la rue
    — fin de citation —

    Suivons l’exemple Islandais :
    http://www.youtube.com/watch?v=REQ7Q4dsZF8&feature=related


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