mercredi 13 mai 2009 - par

Sarkozy et l’Allemagne

Après une période pour le moins houleuse, nous assistons à un renouveau des relations franco-allemandes. Nicolas Sarkozy a enfin pris conscience de l’importance diplomatique cruciale de l’Allemagne et soigne désormais ses relations avec Angela Merkel. Il tenait d’ailleurs un meeting commun avec elle, ce dimanche, à Berlin. Retour sur une relation chaotique…

Des débuts calamiteux :

Nicolas Sarkozy n’a jamais été loin s’en faut, un germanophile. Dans le livre de Yasmina Reza, “l’Aube, le soir ou la nuit“, on apprend même que plus jeune, il se sentait même « terrorisé  » dans les villes de Berlin ou de Francfort. Privilégiant l’Angleterre, Nicolas Sarkozy n’à rien fait pour entretenir les relations franco-allemandes. Pire, il a durant un certain temps, multiplié les « gaffes  ». On pourrait citer entre autre, la fois où il appela Joachim Sauer, époux actuel de la chancelière, « Monsieur Merkel », le nom de son premier mari ou bien encore quand il rendit un hommage appuyé à Guy Mocquet fusillé par les Nazis avant un voyage outre Rhin. Mais la faute la plus lourde, reste celle commise durant la campagne présidentielle à Caen, le 9 mars 2007 où il renvoya l’Allemagne aux pires heures de son histoire, en lâchant cette phrase : « Je suis de ceux qui pensent que la France n’a pas à rougir de son histoire. Elle n’a pas commis de génocide. Elle n’a pas inventé la solution finale. Elle a inventé les droits de l’Homme et elle est le pays du monde qui s’est le plus battu pour la liberté… ». Outre le manque de pertinence historique, cette phrase, c’était aussi le mépris envers un peuple qui plus que n’importe quel autre était tourmenté par son passé. Il s’agissait également d’un déni de cinquante années d’amitié franco allemande avec les couples Adenauer- De Gaulle, Schmidt-VGE, Kohl-Mitterrand et plus récemment Schröder-Chirac.

A la décharge de notre hyper président, il faut reconnaître que le contexte politique n’était sans doute pas le plus favorable à l’épanouissement des relations franco-allemandes. Le projet de l’Union pour la Méditerranée a été par exemple très mal perçu en Allemagne alors qu’il ne s’agissait pourtant que d’assurer un pendant économique, à la domination allemande en Mitteleuropa. La présidence française de l’Union Européenne et la gestion de la crise économique par Nicolas Sarkozy n’a fait qu’accentuer les tensions. Face à la suractivité de Nicolas Sarkozy, l’immobilisme d’Angela Merkel n’en était que plus criant. Cette dernière ne désirant pas prendre de risques avant les élections législatives de septembre 2009.

L’axe franco-allemand réhabilité :

Le naufrage du capitalisme anglo-saxon a obligé Nicolas Sarkozy a changé son fusil d’épaule. L’arrivée de Bruno Le Maire aux Affaires Européennes a également contribué à ce renouveau diplomatique. Premier signe avant coureur de cette inflexion, l’installation d’un bataillon allemand à Strasbourg en février. Mais c’est véritablement au G20, le mois dernier, que le couple franco-allemand célébra sa réunion en faisant front commun pour une plus grande régulation du capitalisme financier.

Lors de la commémoration du 8 mai 1945, l’allocution de Nicolas Sarkozy fut attentivement suivi Outre Rhin, mais il ne commis pas d’impair. Il parla de l’ «  esprit de revanche » mais ne stigmatisa pas l’Allemagne. Il faut dire qu’il compte également sur Angela Merkel pour dynamiser ses élections européennes. L’UMP et le parti de la chancelière appartiennent au PPE (Parti Populaire Européen), raison de plus, pour ne pas se tirer dans les pattes…

Dimanche dernier, Nicolas Sarkozy s’est même payé le luxe d’une escale à Berlin où devant un parterre de militants des Unions Chrétiennes (CDU-CSU), il a joué les grands chantres de l’amitié franco-allemande, qui représente désormais pour lui, «  le trésor le plus précieux pour l’Europe et le monde entier  ».

Dans un discours plutôt bon, force est de le reconnaître, il a notamment déclaré que la France serait aux cotés de l’Allemagne, « lorsque l’Allemagne demandera un poste de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, parce que l’Allemagne est un grand de ce monde  ». Il a réaffirmé la volonté commune des deux pays de doter l’Europe « d’institutions dignes de ce nom. L’Europe ne peut pas continuer à changer de président tous les six mois, à se mettre d’accord sur le minimum alors que le monde attend qu’elle se mette d’accord sur le maximum  ». Il a également insisté sur la nécessaire entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Bien sûr, Nicolas Sarkozy n’a pas manqué l’occasion de glorifier le bilan de la présidence française de l’UE mais il a eu l’intelligence d’y associer l’Allemagne. Angela Merkel a de son coté assuré que « sans l’Union européenne, il n’y a pas d’unité allemande », que « ce sont les deux faces d’une même médaille  », et que « la France et l’Allemagne sont le moteur de l’Europe ».

Saluons ce renouveau des relations entre nos deux nations en rappelant que la construction européenne est avant tout une aventure franco-allemande et que les deux pays totalisent toujours 35% de la population de l’UE et 48% du PIB de la zone Euro. Le journaliste Pierre Rousselin affirmait aujourd’hui dans son édito que « chacun des couples franco allemands avait connu des débuts difficiles avant de symboliser l’entente retrouvée et de porter la construction européenne ». Espérons qu’il soit dans le vrai, en attendant d’éprouver cette nouvelle complicité en Juillet prochain lors du G8 en Italie.

Article publié sur Reversus




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