Sommet européen du 30 janvier : tout savoir sur le Pacte budgétaire
Lundi 30 janvier 2012, les chefs d'Etat et de gouvernement européens se sont réunis à Bruxelles pour un Conseil informel.

Officiellement consacré à la croissance et à l'emploi, ce sommet a surtout été l'occasion de finaliser le fameux Pacte budgétaire, objet de cet article, ainsi que le Traité sur le Mécanisme européen de stabilité. L'Allemagne souhaitait en effet lier ces deux textes, en conditionnant l'accès aux prêts du MES à la ratification du Pacte.
Par ailleurs, la question grecque a connu un large retentissement dans les médias et ce, en raison d'une proposition allemande visant à placer Athènes sous la tutelle d'un commissaire européen. L'ensemble des participants s'est opposé à cette demande, jugée contraire à la démocratie nationale.
Pacte budgétaire : le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire a été établi dans sa version définitive.
Rappelons, à titre indicatif, que les versions provisoires du Traité étaient auparavant intitulées "Traité sur une Union économique renforcée"
Chronologie
Lors du Sommet du 9 décembre 2011, les Etats européens se sont engagés dans la négociation d'un nouveau Traité renforcant davantage la discipline budgétaire. Le Royaume-Uni ayant refusé de prendre part à la signature, la voie communautaire a du être abandonnée au profit de la voie intergouvernementale, au grand regret des parlementaires européens.
Le Traité devrait être formellement adopté au prochain sommet européen, prévu début mars.
Suivra ensuite la période des ratifications pour chaque Etat signataire. Le Traité, dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2013, doit pour cela être ratifié par au moins 12 Etats signataires membres de la zone euro (pour plus d'informations, lire les remarques ci-dessous relatives à l'article 14 du Traité).
Ce chiffre de 12 permettra d'éviter que tout soit bloqué par un seul pays. En revanche, et Monsieur Juncker reconnait que "c'est à double tranchant", cela pourrait amoindrir la pression qui pèse sur les parlements nationaux.
En France, du fait des prochaines échéances électorales, il est exclu que le Traité soit ratifié par le Parlement avant l'élection d'une nouvelle Assemblée nationale. De fait, la responsabilité du Traité reposera sur la prochaine majorité, au grand regret je crois, de Monsieur Hollande qui peine à tenir un discours cohérent sur la question.
Les points d'achoppement du Sommet
Le sommet du 30 janvier a été marqué par le refus du premier ministre Tchèque Petr Necas d'engager son pays dans ce nouveau Traité.
Pourquoi ce retrait ? Il semble que le droit constitutionnel tchèque réserve au Président de la République le droit de signer un traité intergouvernemental, sauf à déléguer son pouvoir au Premier ministre. En l'espèce, le président Klaus a indiqué ne pas soutenir un Traité qui "ne nous apporte rien de bon".
Au delà des mesures budgétaires fixées par le Traité, les plus vives discussions ont porté sur la participation aux Sommets de l'euro institués par le présent Traité.
Alors que la France souhaitait réserver ces sommets aux seuls membres de la zone euro, la Pologne revendiquait une place pour les Etats n'ayant pas encore adopté l'euro.
Un compromis a été trouvé en décidant que les pays non membres de la zone euro seraient invités à participer aux sommets "au moins une fois par an" lorsque serait discutée des politiques de compétitivité et lorsque les règles de fonctionnement de la zone euro, ou son "architecture générale", seraient changées.
Quelles sont les principales dispositions du Traité ?
Article 1
Si la version provisoire du Traité définissait comme seuls objectifs le durcurcissement de la discipline budgétaire et le renforcement de la coordination des politiques économiques, la version définitive étend ces objectifs aux impératifs de croissance, d'emploi et de cohésion sociale.
Par ces ajouts, les rédacteurs ont entendu prendre en compte les remarques formulées par les eurodéputés lors de la séance du 18 janvier dernier.
Article 2
La rédaction définitive appuie encore davantage la soumission des dispositions du Traité au droit de l'Union européenne.
Article 3
Un article "de substance" selon les termes de M. Juncker. C'est lui qui fixe les principales dispositions ayant trait à la discipline budgétaire.
En effet :
- il pose le principe de l'équilibre ou de l'excédent des budgets des administrations publiques,
- la limite du déficit structurel autorisé est portée de 1% à 0,5%. Il s'agit du déficit corrigé des variations conjoncturelles (à ne pas confondre donc avec le déficit nominal).
Deux exceptions à la règle sont posées :
* les circonstances exceptionnelles sur lesquelles le gouvernement n'a pas de prise,
* les Etats dont la dette publique est inférieure à 60% du PIB peuvent continuer à avoir un déficit structurel de 1%.
- il enjoint les Etats à mettre en place un mécanisme de correction automatique en cas d'écart avec ces objectifs. Ce mécanisme sera défini selon les "principes communs proposés par la Commission européenne" qui, "ne portant pas atteinte aux prérogatives des Parlements nationaux", concerneront "la nature, la taille, les délais des mécanismes de correction ainsi que les institutions nationales en charge de leur application".
- tous ces éléments précités doivent être introduits dans la législation nationale, dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur du Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanente, de préférence constitutionnelles. C'est ce qu'on appelle la fameuse règle d'or budgétaire.
A noter que la version initiale du Traité prévoyait l'obligation d'une règle d'or au niveau constitutionnelle, tandis que la version définitive revoit ses ambitions à la baisse. Cette modification relève d'un compromis arraché à l'Allemagne.
Le Luxembourg a d'ores et déjà indiqué que les règles ne seraient pas introduites dans la Constitution mais feraient l'objet d'une loi.
Pour les non initiés au droit public français, ce changement est majeur car modifier la Constitution requière de réunir le Parlement en Congrès, tandis que la transposition via la loi est beaucoup plus souple.
Article 4
L'article précise que les pays ayant un ratio de dette publique supérieur 60% du PIB, doivent le réduire chaque année de 20%.
Article 5
Les pays sous le coup d'une procédure pour déficit excessif devront établir un programme de partenariat budgétaire et économique avec la Commission et le Conseil.
Article 6
Les Etats signataires améliorent les informations transmises relatives à leurs émissions nationales de titres de créance. Ils donnent à l'avance à la Commission et au Conseil européen des indications sur leurs plans nationaux d'émission de dette.
Article 7
C'est savoureux ! Cet article pose le principe par lequel les Etats signataires s'engagent, par avance, à appuyer les recommandations de la Commission visant un pays dont la monnaie est l'euro qui ne respecterait pas la régle du plafond des 3% du PIB.
Cette obligation de "fidélité à la Commission" n'est levée que si une majorité qualifiée des membres du Conseil ne s'oppose à l'avis de la Commission.
Cet article fait ici directement référence au pouvoir quasi-automatique transféré à la Commission pour l'application des sanctions, via la nouvelle régle de la majorité inversée instituée par la "Six Pack".
Article 8
La Commission s'engage à présenter aux parties un compte rendu des mesures prises par celles-ci quant à l'introduction des règles budgétaires dans leur législation nationale.
Cette information permettra à l'un (ou plusieurs) des Etats d'engager une plainte devant la Cour de Justice de l'Union Européenne à l'encontre d'un Etat n'ayant pas respecté cette obligation d'introduction dans son droit interne.
A noter que la CJUE ne pourra vérifier que la bonne traduction en droit interne de ces règles, et non leur application.
L'Etat fautif encourera une amende pouvant aller jusqu'à 0,1% de son PIB (soit enviton 2 milliards d'euros pour la France par exemple).
S'il s'agit d'un Etat membre de la zone euro, le produit de l'amende sera reversé au Mécanisme européen de stabilité (sinon, dans le budget général de l'UE).
Les conclusions du Traité indiquent qu'un arrangement sera adopté en mars en ce qui concerne la procédure de saisine de la CJUE.
Article 9
Les parties réaffirment leur volonté de renforcer la convergence économique dans un objectif de croissance et de compétitivité.
Article 10
Le Traité encourage les Etats à recourir à la coopération renforcée "chaque fois que cela est indiqué et nécessaire".
J'ai eu l'occasion dans un précédent article de critiquer le caractère peu démocratique de ce type de coopération, qui permettent de passer outre la règle de l'unanimité et l'accord des parlementaires nationaux (clause passerelle spécifique).
Article 11
Cet article pose les fondations d'un gouvernement économique européen.
Les Etats s'engagent à ce que toutes les grandes réformes de politique économique qu'ils envisagent d'entreprendre soient débattues et coordonnées entre elles. Cette coordination fait intervenir les institutions de l'Union.
Article 12
Des sommets de l'euro (objet de la discorde franco-polonaise) auront lieu en cas de besoin et au moins deux fois par an.
Article 13
Les parlements nationaux et le Parlement européen, via leurs Commissions, sont intégrés dans la mise en oeuvre de ce traité.
Article 14
Le traité est ratifié par les Etats selon leurs règles constitutionnelles respectives (à ce titre, l'Irlande devrait convoquer un référendum).
Il entrera en vigueur le 1er janvier 2013 si, d'ici là, 13 Etats membres de la zone euro l'ont ratifié. Sinon, il entrera en vigueur le premier jour du mois suivant la ratification du 13ième Etat.
Rappelons que 17 Etats sont actuellement membres de la zone euro.
Disposition intéressante et très contestable au regard du droit : les dispositions de l'article 12 (relatif au sommet de l'euro) sont applicables à tous les Etats membres de la zone euro, qu'ils aient ratifié ou non le Traité, dès lors que celui-ci est en vigueur.
Article 15
Le Traité est ouvert à la ratification ultérieure des Etats non signataires (Royaume Uni et République Tchèque).
Article 16
Les dispositions de ce Traité seront intégrées au droit de l'Union européenne (TEU et TFUE) dans un délai de cinq ans, conformément au souhait formulé par les eurodéputés dans la résolution du 18 janvier.
Pour connaitre la position des eurodéputés français (séance plénière du 2 février 2012) : cliquez ici
Source : Blog ContreLaCour