Sommet européen : une escroquerie sans fin
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro se sont réunis jeudi 21 juillet à Bruxelles afin de déterminer les modalités d’un nouveau prêt accordé à la Grèce. L’échec (prévisible) des plans précédents ayant poussé la Grèce au bord de la faillite, le nouveau « plan de sauvetage » ouvre la possibilité d’un « défaut partiel » - c’est-à-dire le non-paiement d’une partie des dettes grecques. En s’assurant que, en dernier lieu, l’addition sera bien payée par les peuples européens, et non l’industrie financière.
Au lendemain du sommet, les marchés financiers sont rassurés : même si un « défaut partiel » est évoqué, les investisseurs n’auront pas à mettre la main à la poche. Ou si peu. Il faut dire que la perspective d’un défaut « brut » de la Grèce avait de quoi effrayer nos amis banquiers.
D’une, ils risquaient de se trouver au premier rang pour passer à la caisse, en voyant leurs titres de dette grecque décotés. A cela se serait ajouté l’enclenchement des primes d’assurance des Credit Default Swap (CDS). Ces produits financiers permettent aux investisseurs de se couvrir contre le risque d’un défaut ; Il est en fait devenu le principal instrument de spéculation contre les dettes souveraines. La rentabilité de ces contrats ont conduit les banques à en émettre à foison… celles-ci sont donc doublement exposées au risque de défaut.
L’ardoise s’avérait douloureuse, au point qu’on évoque le fameux « risque systémique » - risque de faillites en chaîne dans le secteur bancaire. Ce d’autant plus que rien ne semblait plus faire douter de l’incapacité de la Grèce à rembourser ces dettes. Les précédents « plans d’aide » - prêts à taux élevé assortis de conditionnalités dramatiques - ayant prouvé outre leur profonde injustice, leur inefficacité économique, en plongeant la Grèce dans la récession.
La question au cœur des tractations, en amont du sommet, était simple : qui va payer ? A ce titre, les timides propositions du gouvernement allemand dans le sens d’une mise à contribution du secteur privé ont été accueillies par une levée de boucliers par la BCE et de nombreux gouvernements (notamment français). Cela ne serait-il pas assimilé par les agences de notation comme un défaut partiel, ce qui déclencherait ainsi la panique sur les marchés financiers ?
En fait le plan issu du Sommet s’ingénie à organiser le défaut – inéluctable – de la Grèce et de possibles futurs évènements de crédit en Irlande et au Portugal… en s’assurant que, en dernier lieu, l’addition sera bien payée par les peuples européens, et non l’industrie financière. Il organise le rachat des obligations « pourries » détenues par les banques par le Fonds européens de stabilité financière (FESF) : celui-ci sera autorisé à acheter les obligations grecques, irlandaises et portugaises sur le « marché secondaire ». Des opérations qui étaient jusque-là menées par la BCE, qui soutenait indirectement les économies attaquées par les marchés financiers en rachetant des obligations sur le marché secondaire.
Une étude publiée par les Échos montre que, en conséquence des plans d’ « aide », « la part de dette hellénique aux mains des contribuables étrangers passera de 26 % à 64 % en 2014 ». A cette opération de transfert s’ensuit logiquement la mise en œuvre d’un « défaut partiel »… qui ne concerne directement que les titres de dette du FESF : allongement des durées (à 15 ans minimum) et une diminution d’un point du taux d’intérêt (de 4,5% à 3,5%) des prêts consenti. Autrement dit, un « défaut sélectif » qui ne coûtera qu’aux contribuables européens.
Dans cette configuration, le FESF joue en effet un rôle de tampon, assurant que les investisseurs ne soient pas directement impactés par le défaut. Ils sont néanmoins mis à contribution indirectement, les obligations rachetées par le FESF pouvant être décotées. La « participation volontaire » des banques privées peut aussi prendre sous la forme d’un renouvellement des prêts, ou d’un rééchelonnement (allongement de la durée du prêt). Quoiqu’il en soit, la réaction des marchés montre un certain soulagement : n’étant pas concernés par le « défaut partiel » de la Grèce, la crise potentiellement systémique des CDS n’aura pas lieu – pour le moment.
Pour le reste les chefs d’État et de gouvernement européens réitèrent leur engagement à une austérité sans faille : ils appellent à l’adoption rapide par le Parlement européen du « Pacte pour l’euro » et exigent explicitement « le retour des déficits publics au-dessous de 3% du PIB dès 2012 et à l’équilibre en 2014 ». Des mesures d’austérité qui seront présentées comme d’autant plus nécessaires que le coût des « défauts partiels » à venir seront pris en charge en majorité… par les comptes publics.
Un nouveau cercle vicieux est engagé… Et il semble qu’on soit loin de voir des perspectives de sortir de ce piège de la dette. Les deux principaux candidats socialistes n’ont-ils pas répétés leur attachement au « réalisme économique » - c’est-à-dire aux politiques de rigueur [1] ? Il serait pourtant grand temps de mettre un terme au diktat des banques et des marchés financiers.
[1] La position d’Hollande, qui se fait chantre de la « raison économique », semble particulièrement favorable aux politiques d’austérité et Terra Nova / DSK compatibles sur la crise grecque. Bien sûr, « il ne s’agit pas de céder à une quelconque pression des marchés ou des agences de notation, mais de créer les conditions pour que la France retrouve confiance en elle. » http://www.franceinter.fr/depeche-h... Aubry a quant à elle rappelé la nécessité de se soumettre aux critères de Maastricht « puisque que c’est la règle aujourd’hui ». http://www.lepoint.fr/fil-info-reut...