Tensions au nord du Kosovo
Le Kosovo vient de vivre de vives tensions qui peuvent inquiéter... Revenons ici sur les faits d'actualités de ces derniers jours, tout en tentant de comprendre comment on en est arrivé là et pourquoi...
Regain de tension sur fond de provocation
Le poste frontière de Jarinje en feu (AFP).
Des dizaines de jeunes encagoulés lançant des cocktails Molotov, mercredi soir, sur le poste frontière de Jarinje. Un bulldozer arrivant en renfort pour détruire des bureaux de douane déjà en feu. Un policier kosovar tué et trois manifestants serbes blessés la veille près de Brnjak. Une telle flambée de violence, on n’en avait pas vu depuis des mois dans ces districts du nord où vivent la plupart des Serbes du Kosovo. Peut-être même depuis l’indépendance autoproclamée en 2008 de ce petit pays plutôt albanophone [1]. En envoyant la police contrôler des postes frontières dans une région peuplée de Serbes, le gouvernement de Hashim Thaçi a déclenché les pires violences depuis 2008 [2].
Une vieille dame passe devant des policiers kosovars à la frontière nord (AFP).
En effet, le gouvernement kosovar de Hashim Thaçi a décidé la semaine dernière d’appliquer un embargo sur toutes les marchandises provenant de Serbie et a envoyé les unités spéciales de la police (KPS). Celles-ci sont parvenues jusqu’au poste de Brnjak, mais ont été bloquées par des manifestants serbes avant d’atteindre celui de Jarinje. Un face-à-face très tendu s’est poursuivi toute la nuit et toute la journée de mardi, tandis que la Kfor, la mission de l’Otan au Kosovo, avait bloqué tous les accès à la zone. Mardi après-midi, des échanges de tirs se sont produits près du poste de Brnjak : un policier kosovar a été tué et trois manifestants serbes blessés. Pourtant, début juillet, les relations entre Belgrade et Pristina semblaient en voie de normalisation, après la signature de premiers accords, salués par l’Union européenne. Au Parlement du Kosovo, l’opposition les avait vivement contestés, évoquant une "trahison". C’est dans ce contexte que le gouvernement Thaçi a tenté ce coup de force, au risque de s’attirer les foudres de la communauté internationale.
Les soldats de l'OTAN réintègrent leurs casernes
Sur la photo : Le chef des forces de l'Otan au Kosovo, Erhard Buhler à droite, en discussion avec le negociateur serbe Borislav Stefanovic a Rudare (Reuters).
Au Kosovo, la Kfor rebrousse chemin devant les Serbes. Les soldats de la mission de l'Otan au Kosovo (Kfor) ont réintégré vendredi leurs casernes après avoir été empêchés par des Serbes kosovars de rejoindre leurs camarades déployés dans des postes frontaliers pour mettre fin à une flambée de violence [3]. Un dirigeant de la petite communauté serbe du Kosovo a accusé vendredi l'Otan d'avoir prêté main-forte aux autorités de Pristina dans cette affaire. "Nous ne permettrons pas que l'Otan achemine des policiers et douaniers (albanophones) à la frontière, mais nous nous protègerons, de façon pacifique", a assuré Krstimir Pantic, maire de Mitrovica, ville à prédominance serbe dans le nord du Kosovo.
Un état en proie au chomage de masse et à des difficultés économiques
Si le calme semble revenu dans le nord du Kosovo, les tensions subsistent [4]. La frustration l'emporte sur l'euphorie au Kosovo. La plus jeune nation indépendante, compte quatre chômeurs pour dix habitants, elle n'est pas reconnue par la majorité des pays dans le monde et vit toujours de fortes tensions ethniques [5].
Une partie nord peuplée majoritairement de Serbes
Répartition des populations au Kosovo.
La partie nord du Kosovo (15 % de la province), région détachée de la Serbie et rattachée au Kosovo en 1945 par Tito (Severno Kosovo, Северно Косово en serbe, Kosova Veriore en albanais), désignée avant 1999 comme Ibarski Kolašin (Ибарски Колашин), est peuplée d'environ 50 000 habitants, majoritairement des Serbes, et est composée des communes de Zvečan, Zubin Potok et Leposavić [6]. Depuis 1999 et le départ de l'armée et la police serbe, plus de 200 000 Serbes et Tziganes ont été contraints de quitter le Kosovo. Les Serbes restés au Kosovo demandent leur rattachement à la Serbie. De fait, la province est difficilement contrôlée par les autorités kosovares. Avec environ 60000 Serbes au nord et 40000 repartis dans d'autres enclaves, la situation est tendue, d'autant que la Serbie lie les questions économiques au retour des populations serbes qui ont fuit les enclaves du sud du Kosovo.
Un état qui n'est reconnu que par une partie de la communauté internationale
Le Kosovo a proclamé unilatéralement son indépendance le 17 février 2008. Il est reconnu comme un Etat indépendant par 77 Etats (juillet 2011), dont 22 des 27 Etats membres de l’Union européenne (Espagne, Grèce, Chypre, Roumanie et Slovaquie n’ont pas reconnu son indépendance) [7]. Le Kosovo n'est reconnu ni par l'ONU (ce qui nécessiterait la reconnaissance de la majorité des États membres de l'ONU. Pour être reconnu par l'ONU, le Kosovo doit maintenant être reconnu par une majorité des 192 pays membres de l'assemblée générale de l'ONU, soit 97), ni par l'Union européenne en raison de l'opposition de plusieurs de ses membres. Majoritairement, ce sont les États qui entretiennent de bonnes relations avec les États-Unis et leurs alliés qui ont reconnu l'indépendance (et pour bon nombres d'entre eux des états minuscules), au contraire de la Russie, la Chine par exemple ou encore une très large partie de l'Amérique du Sud. Certains États pourtant membres de l'Union européenne ou de l'OTAN la refusent par crainte de légitimer des volontés séparatistes sur leur propre territoire, c'est le cas notamment de l'Espagne [6]. Où va le Kosovo indépendant ? Comment ne pas comprendre l’amertume des Serbes qui ont enduré les bombardements de l’Otan [9], voient à nouveau bafoué à leur dépens le droit international et continuent à souffrir d’une situation économique très difficile ? [8] L'OTAN est la plus mal placée pour assurer des responsabilités de maintien de l’ordre dévolues en général à l'ONU. Sa seule présence continue à jeter de l'huile sur le feu. Ses 15 900 soldats déployés au sein de la KFOR sont une provocation à l’égard des Serbes. Elle exacerbe les nationalismes. L'OTAN est perçue comme un ennemi par le peuple Serbe une douzaine d'année après les violents bombardements [9]. L'affirmation de principes va de pair avec la définition des conditions dans lesquelles ils seront appliqués. L'exercice de la souveraineté du nouvel État Kosovar ne doit pas être troublé par des jeux internationaux aux objectifs d'une autre nature [8].
Références :
[1] http://www.tdg.ch/face-face-explosif-nord-kosovo-2011-07-28-0
[2] http://www.humanite.fr/27_07_2011-heurts-violents-au-kosovo-477079
[5] http://www.paixbalkans.org/kosovo.htm#Actualit%C3%A9_2009
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Kosovo
[7] http://www.franceonu.org/spip.php?article3924
[8] http://www.paixbalkans.org/declaration.htm
[9] http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/a-la-rencontre-d-un-peuple-qui-65746