« Tue, tue le Serbe » (Ubij, ubij Srbina)... chante en chœur le cœur de Zagreb...
C’est ce slogan que les quelque 60 000 spectateurs, des teenagers pour la plupart, scandèrent entre les chansons du fameux chanteur Marko Perkovic, alias Thompson, sur la place centrale de la capitale croate, la « Trg bana Jelačića », vendredi soir dernier (30 mai) à l’occasion du « Jour des défenseurs de Zagreb ».
Perkovic, dont le surnom de Thompson provient de la célèbre mitraillette américaine des temps de la prohibition à Chicago, est connu pour sa glorification du régime oustachi d’Ante Pavelic, le créateur de l’infâme « État indépendant croate » pro-nazi du temps de la Seconde Guerre mondiale, dont il n’a pas manqué d’exhiber les symboles à plusieurs reprises lors de ses concerts. Ceci lui a d’ailleurs valu d’être interdit de concert dans la plupart des pays européens.
Celui qu’il donna au stade Maksimir de Zagreb l’été dernier défraya la chronique car, parmi les 50 000 spectateurs qui inclurent des députés et le ministre de l’Education de l’époque, nombreux furent ceux qui arborèrent la chemise noire et la panoplie des symboles oustachis. Ceci provoqua, entre autres, une virulente réaction du Centre israélien Simon-Wiesenthal, les Juifs ayant été, aux côtés des Serbes et des Tsiganes, les principales victimes de ce régime.
Lui-même ancien combattant du conflit ayant accompagné le démembrement de l’ex-Yougoslavie au début des années 90, il a écrit des chansons à la gloire de ce que les Croates estiment avoir été leur lutte pour l’indépendance et certains de ses généraux, dont Ante Gotovina, l’exécuteur en chef du nettoyage ethnique d’un quart de million de Serbes via l’opération « Tempête » de 1995, pour lequel il est actuellement jugé au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
Outre la glorification de crimes de l’histoire croate récente, Perkovic puise aussi son inspiration dans ceux d’Ante Pavelic et de ses sbires, l’une de ses chansons s’intitulant Jasenovac & Stara Gradiska, qui furent deux camps de concentration croates pendant la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle il parle d’abattoir et de rivière « Neretva charriant plein de Serbes ». Ceux-ci faisaient assurément partie du tiers devant être annihilés, les deux autres tiers devant être convertis ou expulsés…
Rappelons seulement qu’au-delà de la polémique sur le nombre de personnes exécutées au camp de Jasenovac, celui-ci se hissa haut dans le palmarès des camps de la mort, juste derrière Auschwitz et Treblinka, et s’illustra par les tortures innommables que l’on y pratiqua… la plupart ayant d’ailleurs été remises en pratique à l’occasion du dernier conflit.
Sans vouloir refaire toute l’histoire des Croates et de la « valeur guerrière » de leurs ancêtres, je ne sais si Thompson a fait l’éloge de ses aïeux dont le passage à Aix-la-Chapelle à l’occasion des guerres de religion (1618-1648) fut noté un siècle et demi plus tard par l’écrivain allemand Goethe, qui releva sur le fronton d’un temple protestant la prière suivante : "Dieu, sauve-nous de la faim, des Croates, et de la peste" !
Toujours est-il qu’aujourd’hui quelque 60 000 personnes, essentiellement des gamins n’ayant pas connu la dernière guerre, chantent Ubij, ubij Srbinaen plein cœur de Zagreb, un pays censé joindre l’Union européenne en 2010, à peine une semaine après la conclusion de l’Eurovision à Belgrade, dont la chaleur de l’accueil enchanta les milliers d’étrangers venus suivre l’événement. Certains d’entre eux ne manqueront d’ailleurs pas de revenir en Serbie dans quelques semaines à l’occasion du festival de musique Exit de Novi Sad ou encore fin août pour écouter les fameuses trompettes de Guca.
En attendant, je souhaite de bonnes vacances à ceux d’entre vous ayant décidé d’aller passer une partie de l’été sur la côte croate. Quant à moi je vais peut-être réécouter la compile des best of de Jean-Pax Méfret que l’on m’a refilée sous le manteau il y a des années de cela, de la petite bière en somme !…