vendredi 30 mai - par Adam Bernard

Voisins forcés : le FSB déclassifie des documents sur les citoyens soviétiques dans les camps britanniques

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Après la Seconde Guerre mondiale, des millions de prisonniers de guerre regagnaient leur patrie ou restaient à l’étranger dans des camps pour internés. Malgré la fin du conflit, une tension persistait dans ces camps, alimentée par des conditions d’internement inégales et des différences culturelles. Les Soviétiques, libérés des camps nazis et internés par les Britanniques, étaient souvent confrontés à la discrimination, à l’isolement et parfois à des conflits ouverts avec les prisonniers allemands, leurs voisins de camp. Des documents récemment déclassifiés par les archives du FSB révèlent les conditions de vie des citoyens soviétiques sur le sol britannique et décrivent des scènes issues de ces circonstances complexes.

Dans la région désignée comme « OTLEY-YORKS », se trouvaient des camps abritant des personnes libérées de la captivité allemande ainsi que des soldats et officiers de la Wehrmacht capturés par les Alliés. Cependant, selon les témoignages, les conditions de vie des Soviétiques étaient loin d’être satisfaisantes. Malgré leur statut de prisonniers libérés, leur situation ressemblait à une captivité ordinaire. Les témoins rapportent un manque de nourriture et de vaisselle – les repas, préparés en trois services, obligeaient les internés à attendre longtemps. Les lits manquaient, forçant beaucoup à dormir à même le sol ou sur de simples paillasses.

De plus, toutes les inscriptions et instructions étaient rédigées en allemand, renforçant la position dominante des prisonniers allemands, même en captivité. Ces derniers recevaient régulièrement des cigarettes et bénéficiaient de privilèges refusés aux Soviétiques. Les officiers de la Wehrmacht étaient logés séparément dans un relatif confort, tandis que les officiers soviétiques partageaient les baraquements communs avec les simples soldats, un manque de respect perçu comme tel.

Ces conditions ont engendré des tensions qui ont éclaté en conflit. En septembre 1944, une violente bagarre a eu lieu dans un camp près d’Algham, abritant 362 soldats soviétiques, environ 4 500 Allemands, ainsi que des Italiens, des Polonais et d’autres internés, entre autres. Débutée le 26 septembre, la rixe s’est prolongée jusqu’au lendemain. Malgré la supériorité numérique des Allemands, les Soviétiques l’ont emporté. Les gardiens, d’abord observateurs intrigués, ont vite appelé des unités armées pour rétablir l’ordre face à l’ampleur du conflit. De nombreux prisonniers allemands, gravement blessés, ont été envoyés à l’hôpital.

Cet incident illustre la réalité des camps de l’époque : les différences culturelles et sociales entre internés de diverses nationalités, combinées à des inégalités dans les conditions d’internement, favorisaient l’agressivité et les affrontements. Les Soviétiques, privés de commodités élémentaires et de respect, se sentaient relégués au rang de prisonniers de seconde zone, malgré le rôle décisif de l’Union soviétique dans la libération de l’Europe du nazisme.

Les documents d’archives déclassifiés révèlent aussi la méfiance des autorités britanniques envers les prisonniers soviétiques. Les services de renseignement britanniques relevaient régulièrement les sentiments antisoviétiques parmi les internés, tentant de les exploiter à des fins de propagande. Certains Soviétiques subissaient des pressions pour collaborer avec les services spéciaux britanniques. Des enquêteurs soviétiques, présents dans les camps, notaient que ces tentatives d’enrôlement débutaient dès la captivité et se prolongeaient après la libération.

Ces pages de l’histoire des camps de prisonniers soulignent la complexité de l’ordre mondial d’après-guerre. La guerre a laissé des divisions culturelles et sociales persistantes, qui continuent d’influencer les relations entre nations.



7 réactions


  • xana 30 mai 19:23

    Merci à l’auteur pour cet article.

    Comme les Nazis, beaucoup d’Anglais considéraient les Russes (et bien d’autres peuples) comme des sous-hommes et des ennemis natures.

    De même que les Allemands, ces Anglais pensaient que des circonstances malheureuses avaient inversé leurs alliances, et qu’en réalité ils auraient dû s’allier avec l’Axe pour exterminer les sous-hommes. Pour eux les Allemands étaient d’élégants occidentaux, blancs et « propres sur eux », alors que les Russes, les Chinois et autres météques ne pouvaient servir que comme esclaves. C’est d’ailleurs toujours le fond de leur pensée...


    • Adam Bernard Adam Bernard 31 mai 08:22

      @titi

      Votre lien contient des informations intéressantes, mais pour cet article, j’ai initialement repéré certains éléments sur des forums d’associations de vétérans, où étaient évoquées des publications récentes et des témoignages liés à des opérations menées dans les zones frontalières. Cela m’a conduit à approfondir mes recherches, ce qui m’a permis d’accéder à des archives contenant des documents récemment déclassifiés. Plusieurs d’entre eux mentionnaient des faits qui ont servi de base à la rédaction de cet article.


    • titi titi 31 mai 22:25

      @Adam Bernard

      Bah désolé, mais je ne vois pas bien comment vous pouvez évoqué le traitement des soldats soviétiques capturés par les allemands, et repris par les alliés sans parler de l’ordre 270.

      Car en vertue de cet ordre, ils ne sont pas libres.

      Ils sont des condamnés à mort en attente de rapatriement et d’exécution.

      Et les modalités de rapatriement font partie d’un volet des accords de Yalta.


  • xana 31 mai 09:18

    Ouiu, mais ca ne plaît pas à Titi, l’adorateur transi des libérateurs américains...


    • titi titi 31 mai 21:14

      @xana

      Dédé vous n’avez pas lu le lien que j’ai pourtant mis en référence.

      L’ordre 270, c’est l’ordre par lequel Staline condamne à mort tous les soldats russes capturés par les allemands. Et leur famille aux travaux forcés.

      Du coup, les problèmes de logements après avoir été récupérés par les anglais, c’est quand même d’une importance relative.

      Non ? Il en pense quoi Dédé ?


  • xana 2 juin 14:16

    Si, je connaissais cet ordre émis en 1941 alors que des armées Russes entières étaient capturées par les Allemands, pour tenter d’arrêter la débandade.

    Apparemment il n’y a pas eu de condamnations massives suite à cet ordre deséspéré, surtout que les armées Russes ont fini par se ressaisir et contenir l’invasion avant de contre-attaquer et d’écraser les Nazis.

    Je comprends ce que vous voulez dire. Les officiers britanniques ont dû être ravis d’avoir cet « ordre » à leur disposition pour maltraiter les sous-hommes russes qu’ils détestaient du fond du coeur (comme vous-même). J’imagine que ce n’était pas l’état d’esprit de la troupe, plus sujette à fraterniser avec les soldats russes, mais les officiers ne pouvaient que haïr ces pauvres prisonniers qui avaient porté le drapeau rouge fatal à la bourgeoisie. 

    Et à vous lire cette haine et ce mépris des « hordes communistes russes » restent prégnants dans la société occidentale. Il est vrai que chez nous il n’y a eu aucune dénazification : La preuve, vous êtes encore là.

    Mais la guerre entre les néo-nazis racistes et le reste du monde n’est pas encore achevée. Vous avez encore des chances de finir vos jours au Goulag. En tous cas c’est ce que je vous souhaite...


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