vendredi 9 mars 2007 - par Cioran

Alpes Maritimes : les maires patrons de presse

Avec ses milliers de publications, la presse des collectivités territoriales françaises peut revendiquer aujourd’hui plusieurs dizaines de millions de lecteurs fidèles. Dans les Alpes-Maritimes, les chiffres sont aussi impressionnants : avec ses 163 communes, une population active chiffrée à 431 428 personnes, les revues municipales s’adressent à un nombre de lecteurs qui ferait pâlir de jalousie le rédacteur en chef de Nice-Matin. Etat des lieux d’une presse qui a le vent en poupe dans le 06.

Depuis quelques années, la presse des collectivités territoriales des Alpes-Maritimes affiche crânement sa bonne santé. En additionnant les tirages des magazines mensuels et bimestriels des villes comme Nice, Cannes, Antibes, Menton, Grasse, Saint-Laurent-du-Var, et Cagnes-sur-Mer on atteint les 394 500 exemplaires. Cette presse destinée aux citoyens, devenue au fil du temps l’outil de communication indispensable des mairies, se professionnalise d’année en année pour gagner en diffusion et en qualité. Elle ne connaît pas de baisse de son lectorat, ignore les difficultés financières dues à la perte de ses annonceurs, et ne souffre pas de l’arrivée des gratuits et de la concurrence d’Internet. Véritables liens actifs entre la population et l’équipe dirigeante d’une municipalité, les magazines des mairies du département sont devenus des relais essentiels pour une population avide d’informations de proximité, ils répondent précisément à leurs attentes. « Nous sommes très lus et donc très attendus, nous avons ainsi le devoir absolu de donner la meilleure information possible », témoigne Corinne Korchia, directrice de la communication de la ville de Vence en charge du magazine de la cité médiévale qui tire à 13 000 exemplaires. Eric Vincette, le journaliste engagé à plein temps par la mairie de Menton pour réaliser le bimestriel de la ville semble aller plus loin dans l’analyse des attentes de ses lecteurs : « Le manque de diversité de la presse dans notre région fait que notre magazine municipal constitue une source d’information citoyenne et de proximité très appréciée et incontournable. »

Qualité et professionnalisme

Au vu de leur large spectre de diffusion, on pourrait présumer que les publications communales ont vocation à remplir certains vides laissés par l’absence de véritables magazines d’informations généralistes dans le département. Leurs contenus, de plus en plus diversifiés et informatifs, réalisés par des professionnels de l’édition et de la communication semblent correspondre à un véritable besoin. Nice Mag, le mensuel de la mairie de Nice, véritable poids lourd de la région qui tire à 220 000 exemplaires, semble confirmer cette tendance avec l’apparition dans ses pages de nouvelles rubriques traitant de culture et de loisirs qui n’hésitent plus à s’ouvrir vers l’extérieur. Dans cet effort constant de professionnalisme et d’efficacité, la ville de Cannes, avec ses nombreuses publications, apparaît comme la vitrine du département. La ville, au renom international, s’est en effet dotée d’un service de communication à la hauteur de ses ambitions. Plus de trente personnes (journalistes, infographistes, chargés de publication, etc.) travaillent à plein temps et au rythme d’une véritable rédaction pour éditer plus de cinq périodiques. Cannes Soleil, le mensuel de la ville tiré à 31 000 exemplaires, constitue le vaisseau amiral d’un petit groupe de presse autonome qui réalise l’ensemble de ses parutions en interne.

Une presse « dirigée »

Cependant, les publications des collectivités territoriales n’ont pas pour ambition de concurrencer la presse conventionnelle. « Notre presse est par définition dirigée, nous sommes au service d’une équipe municipale et d’un maire élu par la population », rappelle Olivier Darcq, le directeur de la communication de la ville d’Antibes et rédacteur en chef d’Info Mag, le magazine municipal qui tire à 50 000 exemplaires. Il ajoute : « J’ai un poste éminemment politique car je fais un travail de circulation de l’information qui a pour but le renforcement de la démocratie locale. » Le responsable de la publication d’un magazine communal se retrouve donc au centre du fonctionnement de la politique de proximité. Il doit traiter de sujets complexes et stratégiques tels que l’urbanisme, la sécurité, la santé ou encore l’agenda des festivités. Ce travail éditorial se fait en étroite collaboration avec l’équipe dirigeante de la municipalité, le maire constitue souvent l’ultime étape de validation des textes d’une publication, c’est la règle du jeu : « Avant publication, le magazine de la ville de Menton fait, pendant quelques jours, la navette entre mon service et les validations et corrections du maire », confirme Eric Vincette.

Les maires du département n’oublient pas les nouvelles technologies. Ces derniers ont su s’appuyer intelligemment sur des sites Internet dédié à leurs villes pour étoffer leur communication. La ville de Vence, par exemple, avec son site Internet très bien pensé relaie et diversifie avec une grande efficacité les informations contenues dans son magazine. La commune de Carros n’hésite pas à reprendre dans sa newsletter envoyée par e-mail à ses administrés, les grandes lignes de Carros Info, son magazine papier, et lui offre ainsi une visibilité supplémentaire. Le faire-savoir est devenu depuis quelques années l’une des clés essentielles de la réussite d’une équipe municipale, les maires ont intégré cette nouvelle donne. Sa professionnalisation, les moyens financiers mis en œuvre par les communes, sa diffusion au cœur des foyers du département, semblent lui assurer un bel avenir.



10 réactions


  • jerome (---.---.46.68) 9 mars 2007 11:41

    Un article à prendre à quel degré ??? Le quatorzième , peut - etre ? Dormez , bonnes gens , la presse informative régionale luxueuse gratuite et politiquement dans le courant - que VOUS CONTRIBUABLES PAYEZ UNE FORTUNE - vous délivre la vérité , rien que le verité ... Je rappelle que le gamin qui s ’ offre un carambar paye déja - sans le savoir - la TVA , avec l ’ argent de ses parents ... Alors les feuilles GRATUITES des seigneurs régionaux qui voudraient - soit disant - nous informer , vous savez ce que nous devrions en faire ??? Les utiliser pour remplacer le KAAAIllou de l ’ autre , qui chante là , mais j’me souviens plus de son nom ? Gerra ? Non , c ’ est pas çui-la ...


    • bernard29 candidat 007 9 mars 2007 11:49

      Oui, je crois que les cours des comptes ( nationale et régionales) devraient mettre un peu leurs nezs dans cette affaire de communication dite institutionnelle, alors que bien souvent ce n’est que de la propagande des majorités au pouvoir. Certaines collectivités en plus d’avoir ses journaux et revues sont aussi éditrices de livres et ouvrages.


    • Cioran 9 mars 2007 12:02

      Ne jouons pas au Cassandre en enfonçant des portes ouvertes, c’est trop facile... Chacun sait que cette presse est dirigée et financée par des maires élus qui souhaitent rester au pouvoir le plus longtemps possible. Le tout est de savoir comment elle fonctionne pour mieux l’appréhender. Mon sujet est donc une sorte d’état des lieux de la presse des collectivités territoriales dans les Alpes Maritimes. Il ne porte pas sur l’argent des impôts locaux et leur utilisation par les mairies, ni sur l’évidence des contenus très politiques de ces parutions. C’est un tout autre sujet que je vous laisse le soin de rédiger avec tout le talent et la pugnacité que vous semblez avoir.

      Cioran


  • pragma (---.---.196.57) 9 mars 2007 14:31

    Le sujet n’est pas spécifique des Alpes Maritimes. Des budgets énormes sont investis par les multiples collectivités locales opérant sur le même périmètre géographique, pour inonder les habitants, et surtout les électeurs, d’hagiographies sur papier glacé qui encombrent les boites à lettres. Dans certains endroits, il existe des paris sur le nombre de photos du Maire ou du Président de ceci ou cela qui vont paraître sur le prochain numéro. Et dans la majorité des cas, les informations sont, soit largement passées d’actualité, soit des articles qui n’intéressent que leurs auteurs(et leur famille, peut-être)

    Oui à une bonne communication locale, mais en contraignant les édiles à la confier à un seul organisme, ce qui éviterait les redites et le gaspillage


  • Panama (---.---.198.59) 9 mars 2007 16:31

    Bon article sur un phénomène pas nouveau, mais qui s’est accéléré ces dernières années.

    Petit bémol : ces journaux sont objectivement des outils de communication politique. Et les lecteurs les voient en tant que tel ! Dur de faire passer la pilule du financement (réel ou pas) au contribuable très chatouilleux, et déjà très fortement ponctionné fiscalement(une autre spécialité régionale).

    Malgré votre enthousiame, on reste loin - très loin- en terme de qualité éditoriale d’un simple quotidien régional. Et dieu sait que nous ne sommes pas gâtés avec Nice-Matin.


  • (---.---.4.118) 9 mars 2007 19:19

    Oui, je vous rejoins tout à fait ! Les directeurs de la communication que j’ai rencontrés pour ce reportage ne se cachent pas d’utiliser leurs revues comme un outils de communication politique. Ils sont au service d’une équipe municipale majoritairement élue. Ces derniers sont assez lucides sur le métier de communiquant, et ne se considèrent en aucun cas comme des journalistes ou des éditeurs de presse indépendants. Il suffit juste de le savoir en lisant leurs publications.

    En travaillant sur ce sujet, j’ai pu constater que pour la majorité des magazines municipaux des Alpes Maritimes on est loin du temps où les photos du maire et autres hagiographies staliniennes étaient la norme. Les maires des grandes villes ont compris que cette politique éditoriale à la « George Frêche » ne pouvait que se retourner contre eux et lasser les lecteurs, et donc les électeurs. Ils préfèrent mettre en valeur leurs réussites et leurs bilans. Je vous l’accorde, cela reste de la politique.

    Je ne pourrai pas dire si en écrivant cet état des lieux j’ai été enthousiaste... En interviewant les personnes chargées de réaliser ces revues municipales, j’ai juste découvert des professionnels de la communication (souvent d’anciens journalistes...) qui font un travail souvent de bonne qualité.


  • US Jack (---.---.131.86) 10 mars 2007 17:34

    « j’ai juste découvert des professionnels de la communication (souvent d’anciens journalistes...) qui font un travail souvent de bonne qualité. » Oui, hélas. Les ex-journalistes sont obligés de se vendre aux politiques parce que les postes dans la presse se réduisent comme peau de chagrin...


  • dartigues (---.---.181.100) 12 mars 2007 08:42

    Où commence le vrai journalisme, où finit-il ? En attendant d’y répondre, constatons que les écoles de journalisme continuent à mettre sur le marché du travail des professionnels qui ont peu de chance de faire du journalisme...tout au plus de la com et, comme ici, de la com au service de politiques, de politiciens... De nouveaux cours sont proposés, sanctionnés (!) par des diplômes universitaires alors même que les perspectives de carrière s’amenuisent. Le journalisme d’antan est moribond... Vive le journalisme institutionnel, à terme, le seul qui subsistera et prospèrera... C’est d’ailleurs une bien triste éventualité !


  • Reinette (---.---.20.74) 12 mars 2007 14:27

    Acrimed | Action Critique Médias Observatoire des médias. Critique de la société de l’information dans la logique de la pensée de Bourdieu. Analyse des articles et des mécaniques ..


  • CARINA (---.---.174.175) 13 mars 2007 19:42

    quand cioran dit que ce sont les maires qui paient ces journeaux, c’est faux...ce sont les citoyens avec leurs impôts, puisque c’est payé sur le budget de la collectivité...et que font les organismes de contrôle ?


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