mardi 27 juin 2006 - par mortimer

L’économie sociale : un acteur majeur et peu connu de l’économie de Provence Alpes Côte d’Azur

Selon l’INSEE, les mutuelles, associations et coopératives représentaient en 2004 plus de 12% des emplois en PACA, 43 000 établissements, presque 20% des emplois salariés féminins... L’économie sociale dirige ainsi la presque totalité des établissements sociaux et exerce un rôle prépondérant dans toutes les activités liées au social dans la région. Confronté au phénomène assez récent de la marchandisation des services à la personne, le secteur connaît aujourd’hui une explosion de la concurrence.

Depuis 1945 et la création de l’Ecole nationale de la santé et des éducateurs, l’Etat finance des structures indépendantes auxquelles il a peu à peu délégué la gestion de certains services en matière sociale (aide aux personnes âgées à domicile, aux handicapés...).

En marge du secteur public, des entreprises associatives ont ainsi développé un réel savoir faire, tant en matière de qualité de service que de gestion d’entreprise (les plus importantes emploient souvent plusieurs centaines de personnes). Des Chambres régionales de l’économie sociale (CRES) regroupent et coordonnent depuis les années 1980 les composantes de l’économie sociale pour en améliorer l’efficacité économique dans le respect de l’intérêt collectif.

Ces missions de service public intéressent aujourd’hui le secteur marchand.

L’ADRIS, un modèle d’association efficace et contrôlée.
L’ADRIS a été créée en 1981 par les Mutuelles de France. Elle est peu à peu devenue un intervenant reconnu dans le domaine de l’aide à domicile pour personnes fragilisées. Fortement impliqué dans l’action sociale niçoise, son directeur, Jean-Marc Dejésus, considère l’économie sociale comme une alternative aussi bien au dirigisme étatique qu’aux "appétits" du libéralisme. L’action quotidienne de l’ADRIS répond strictement à un objectif d’amélioration du bien-être de la personne, une action contrôlée par le Conseil général, et suivie en interne par un Conseil d’administration très proche de l’encadrement.

C’est, du point de vue de son directeur, ce qui oppose une association comme la sienne à celles du secteur marchand, préoccupées par la recherche de rendement. Il note ainsi la parfaite concordance des objectifs de l’ADRIS (et de l’économie sociale en général), avec ceux des lois Kouchner du 4 mars 2002. L’une et l’autre promeuvent la reconnaissance d’un droit des malades et des populations fragilisées à obtenir une qualité de service au travers d’un cadre légal grandement renforcé.

Thomas Fournier, directeur associé de l’ADHAP à Nice, conteste la réalité de cette distinction a priori entre économie sociale et économie marchande (l’ADHAP est un réseau de franchisés créé en 1997 à Clermont-Ferrand et réunissant une cinquantaine de centres en France). Il ne voit en pratique aucune différence, tant les contrôles draconiens qu’il subit lui paraissent constituer une garantie contre toute dérive. Il s’attache même, pour sa part, à dépasser ses obligations en adoptant une démarche qualité encore plus rigoureuse. Notre succès ne tient qu’à la satisfaction du client et à rien d’autre...

L’ADHAP / SNAD, une entreprise privée au service de la personne.
Le réseau d’entreprises privées ADHAP impose des critères stricts à ses franchisés qui doivent obligatoirement être constitués d’un associé gestionnaire et d’un professionnel des soins à la personne. L’ADHAP vise clairement l’excellence. La Sarl SNAD, que co-dirige Thomas Fournier, exploite quant à elle une agence principale à Nice et deux agences secondaires à Cannes et à Menton. Elle devrait très prochainement se développer à Antibes, Grasse et Beausoleil.

La centaine d’emplois créés depuis fin 2004 (des emplois stables, essentiellement en CDI) sont en outre un motif de fierté dont notre interlocuteur ne fait pas mystère. Ses missions lui sont le plus souvent fournies par les CLIC (Centres locaux d’information et de communication dépendant du Conseil général), élément de preuve laissant supposer que son action s’intègre parfaitement dans le dispositif départemental des services de soins à domicile.

Vers un contrôle accru du secteur de l’aide à la personne.
La multiplication d’initiatives relevant de l’économie sociale ne saurait toutefois masquer longtemps le principe sur lequel se fonde une économie de libre-échange telle que la nôtre, qu’on y soit favorable ou qu’on le déplore : Lorsqu’une perspective de profit s’annonce dans un secteur quelconque occupé par l’économie sociale, il semble qu’il ne puisse continuer d’être servi par la seule initiative solidaire, aussi efficace soit-elle, qui doit "se pousser" pour faire une place à l’entreprise marchande d’initiative privée (voir les secteurs de la santé, du logement social, de l’éducation et de la jeunesse en difficulté).

On comprend bien alors combien le contrôle actif de la collectivité, au travers de ses représentations nationales et locales (Etats, région, département) demeure prépondérant pour non seulement continuer de financer l’aide sociale (notamment au travers de l’aide aux personnes âgées), mais aussi en garantissant le meilleur service à l’usager, en toute circonstance. Ces efforts protecteurs ne sont-ils pas le moins que puissent attendre ces personnes, le plus souvent âgées et isolées, pour qui l’aide ménagère représente parfois la seule écoute attentive de la journée ?



4 réactions


  • JC BENARD (---.---.92.11) 27 juin 2006 14:29

    Merci pour cet article.

    J’avais l’impression d’être un des seuls à présenter cette économie.

    L’éco sociale doit et peut apporter beaucoup de solutions à la lutte contre le chômage de masse et proposer des emplois de « sens »


    • mortimer mortimer 27 juin 2006 15:02

      Oui JC, c’est un peu le sentiment que l’on a (être le seul à s’intéresser à l’ES) lorsque l’on se rend compte des chiffres (par ex ceux que je donne au sujet du poids de l’ES en région PACA). Pourquoi n’y a-t-il pas plus de « bruit » sur le sujet ? Je l’ignore... et je vous dirai que les acteurs de l’ES l’ignorent aussi. Je crois toutefois que leur action est plus importante que le bruit qu’elle fait. Ils agissent et c’est le principal.


  • JC BENARD (---.---.92.11) 27 juin 2006 18:22

    J’essaye à mon niveau mais avez lu l’intervention de Thierry JEANTET à ce sujet ?

    http://ecosociale.blogspot.com


    • mortimer mortimer 28 juin 2006 09:13

      J’ai le sentiment que ce secteur se développera d’autant plus qu’il acceptera de ne pas occuper seul tel ou tel secteur de l’économie. S’il n’y avait que l’ES pour traiter de la question de l’aide à domicile pour les personnes fragilisées, je ne suis pas certain qu’il n’y aurait aucune dérive du type de celles des coûts de fonctionnement de certaines mutuelles dans les années 70/80 (et pour certaines jusqu’à ces dernières années), lorsque les assureurs ne s’intéressaient pas au secteur de l’assurance santé. J’ai le sentiment que depuis que l’aide à la personne intéresse le secteur marchand, l’ES se structure mieux (voir les expériences Qualidom dans le 69 et dans le 06 visant à tirer tout le secteur vers le haut en matière de normes qualité). Ce n’est que de cette manière qu’on distinguera les vraies « entreprises sociales » de l’ES de certaines autres (peu nombreuses) davantages créées au profit d’imposteurs exerçant dans le social. Quant aux entreprises du secteur marchand, la seule attitude à avoir avec elles est le contrôle d’instances représentatives locales (département ou région) : L’exigence de l’ES envers elle-même doit conduire à une généralisation de ce principe au secteur tot entier de l’aide à la personne. Le poids de l’ES ne se mesurera donc pas au taux d’occupation d’un marché, mais à sa capacité à « normer » un secteur de l’économie. Ce genre d’ambition peut aussi motiver les créateurs d’entreprise...


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