vendredi 6 juin 2008 - par Voris : compte fermé

Le chant des sardinières

Les Noirs chantaient dans les champs de coton, les sardinières chantaient dans les usines. Quand elles ne se révoltaient pas ! Deux femmes, une mère et sa fille, issues d’une famille de sardinières ont ressuscité les chants de ces femmes au travers d’un disque et de spectacles.

Les marins-pêcheurs bretons en colère, on connaît. Les chants de marins aussi. Mais on connaît moins les chants des sardinières. Marie-Aline Lagadic et sa fille Klervi Rivière les font désormais connaître du grand public. Vingt années de passion les ont menées à sortir un disque en 2006 qui a été remarqué par l’Académie Charles Cros. Elles se produisent aussi sur scène. A Brest à la mi-juillet, pour les fêtes maritimes. Puis à Douarnenez, et enfin à Quimper le 21 juillet.

Contact lechantdessardiniè[email protected]

Extraits musicaux de l’album sur ce site commercial (les chants sont évidemment en breton, langue parlée à l’époque en Basse-Bretagne).

Les sardinières ont une histoire. Le point fort est cette grève violente de 1924.

Coiffe obligatoire !

C’est en 1806 que Nicolas Appert invente la conservation d’aliments dans une boîte en fer blanc hermétique. De 1850 jusqu’au milieu du XXe siècle, le métier de conservateur connaîtra son essor. Un dur métier qui s’exerce dans les usines de Lorient, du Guilvinec, de Quimper et de Douarnenez (les Douarnenistes en ont gardé le surnom de "Penn sardines").

Tenue correcte exigée pour être embauchée comme sardinière. Entendez par-là : coiffe obligatoire ! Le but n’était pas d’encourager les tenues folkloriques locales, mais de répondre à des impératifs d’hygiène : la coiffe permettant de tenir les cheveux ramassés. A côté de sardinières travaillent d’autres femmes, souvent issues de la campagne, et auxquelles on ne confiait que les tâches subalternes comme le séchage et le charroyage (les charroyeuses étaient des sortes de manœuvres qui apportaient le poisson frais).

La grève de 1924

Elle commencera à l’usine de Douarnenez le 20 novembre 1924. Les ouvrières sont lassées de n’obtenir aucune augmentation de salaire de la part de leur patron. En l’espace de quelques jours, l’ensemble des usines de conserverie débrayent et se joignent au mouvement soutenu par le nouveau maire communiste fraîchement élu, Daniel Le Flanchec. Mais les patrons ne reculent devant rien, allant jusqu’à recourir aux services d’un briseur de grève professionnel, nommé Léon Raynier. Malgré cela, le mouvement durera 42 jours. Le 1er janvier 1925 à 18 heures, un attentat par armes à feu est perpétré sur la personne du maire (communiste) et de son neveu. Il s’ensuit une nuit de colère face à cet acte odieux. Le scandale mettra un terme définitif à la grève le 6 janvier 1925 et un accord conclu avec les conserveurs et donnant satisfaction en grande partie aux grévistes douarnenistes.

Illustration de l’article :

Tableau d’Alfred Guillou, Les Sardinières de Concarneau, musée des Beaux-Arts de Quimper :

"Une demi-douzaine de belles filles qui s’avancent bras-dessus, bras-dessous, riant à pleines lèvres, chantant à pleine voix, prodiguant autour d’elles les œillades sournoises et se laissant lutiner par quelques gars audacieux. C’est la sortie de l’usine ; ce sont les ’sardinières de Concarneau’ prenant ensemble le bon air de la mer avant de regagner leur logis..." (in Le Finistère, 7-9 avril 1896). Une image folklorique et profondément décalée de la vie maritime concarnoise, dont l’angélisme et le caractère idyllique renforcé encore par une lumière méridionale quelque peu anachronique, est bien éloignée des dures réalités d’une pêche alors en crise.

 



38 réactions


  • morice morice 6 juin 2008 11:46

     N’oublions pas la poissonière (la moule) de Ricet Barrier !!! merci La Cave !!! 

    La moule (La marchande de poissons)

     

    Interprète : Ricet Barrier

    Paroles et Musique : Ricet Barrier et Bernard Lelou

     

    Humm, c’est une rousse affriolante

    Ma belle marchande de poissons

    Elle a les mains un peu collantes

    Et le teint hâlé d’un vieux pêcheur breton

    Et tous les jours je la contemple

    Décongelant ses maquereaux

    J’écoute sa voix qui m’enchante

    Plus douce qu’un violon alto.

     

    Ah la moule, ah la moule, elle est belle, elle est fraîche, ma moule !

     

    Ooooh ça m’tue

    Le jour, j’en rêve

    La nuit, j’en crève

    Elle me rend fou

    J’n’en peux plus.

     

    Car cette rousse impénétrable

    Ne vit qu’à l’heure de la marée

    Ses denrées sont si périssables

    Qu’elle n’a jamais une minute à me consacrer

    Mais quelle conscience de poissonnière

    Elle soigne toujours ses bons clients

    Quand j’ai une poussée d’urticaire

    Elle rajoute un citron gratuitement.

     

    Ah la moule, ah la moule, elle est belle, elle est fraîche, ma moule !

     

    Ooooh ça m’tue

    Elle sent le large

    L’iode et les algues

    Comment lui dire

    Qu’j’n’en peux plus.

     

    Ô vous ma rousse ininflammable

    Oubliez donc vos bigorneaux

    Mon amour est plus délectable

    Que la plus belle moule de Hollande ou de Bouchot

    De sa jolie voix caressante

    Wouah bada dababo (avec la voix de Louis Armstrong)

    Elle m’a dit : Ah j’vois c’que vous avez

    Mangez d’la plie ou d’la limande

    C’est bon pour les décalcifiés.

     

    Oooh, je pêche dans les eaux troublantes

    De l’incommunicabilitéééééé !!

     


    • morice morice 6 juin 2008 11:48

       Euh m’a suis trompé, c’est pas une Cave mais une Taverne, aux poètes. Désolé, le temps de décongeler les maquereaux et hop on raconte n’importe quoi ! 


    • La Taverne des Poètes 6 juin 2008 11:51

      "Saluez, riches heureux / ces pauvres en haillons / Saluez, ce sont eux / qui gagnent vos millions".

      Pour avoir entonné ce genre de chant anarchiste en tête des défilés de 1924-1925, des sardinières furent licenciées et même sommées de quitter la région où aucun employeur ne les aurait reprises.

      Tu vois, Morice, elles connaissent la chanson !


  • Francis, agnotologue JL 6 juin 2008 12:08

     

     

     

    Merci pour cette évocation. Sauf erreur, c’est à Douarnenez que, pour la première fois en France, une femme a été élue et reconnue déléguée syndicale.

    Pour continuer sur cette histoire de la sardine : la pêche se pratiquait alors avec des filets qui appartenaient entre autres, à des retraités et des veuves de marins qui les entretenaient et recevaient ainsi une part des gains. Dans les années soixante est arrivé le filet dit bolinche, un énorme filet qui a rendu caducs les anciens filets droits, et ruinés ces petits actionnaires qui n’avaient pas les moyens d’acquérir ces coûteux engins. Cela s’est fait au profit d’une industrie qui échappait à la région et a occasionné nombre de désordres sociaux.

    Mais le plus grave était à venir : les industriels qui disposaient d’une main d’œuvre docile et modestement rétribuée ont trouvé mieux ailleurs, et l’on a assisté aux fermetures de conserveries, les unes après les autres. Parfois, les ouvrières venaient voir pourquoi on ne les appelait plus et découvraient seulement à cette occasion qu’on ne les appellerait plus, jamais. Déjà la mondialisation !

    Le pire ? Non, le pire est arrivé avec l’UE. En effet, cette pêche industrielle a ruiné la ressource et les quotas ont ruiné cette région.


    • Francis, agnotologue JL 6 juin 2008 12:13

      Il va de soi que, phénomème de la poule et de l’oeuf, les industriels n’ont fait en délocalisant, qu’anticiper la raréfaction de la ressource que d’autres capitalistes, voire les mêmes, avaient provoqués avec ces filets sophistiqués.


    • La Taverne des Poètes 6 juin 2008 12:44

      Je ne suis pas un spécialiste de la question mais ma mère a travaillé comme sardinière dans les années d’après-guerre et j’ai entendu souvent son témoignage. Ce qui l’avait marquée c’est qu’elle se coupait souvent les doigts sur les boîtes en fer blanc. Cet article est un peu un hommage pour elle qui est morte en novembre dernier usée par ses dures années de travail et l’invalidité qui a suivi.

      Bon je ne voulais pas congeler l’ambiance donc je précise que ce papier s’inscrit dans une série d’articles sur les vieux métiers en Bretagne. Il m’en reste un en préparation qui sera plus le regard d’un peintre cette fois, et pas celui d’un fils.

       

       


  • La Taverne des Poètes 6 juin 2008 13:02

    Photos de Douarnenez, pays des "penn sardines"   :

    http://www.photos-de-bretagne.com/photo.php3

     


  • morice morice 6 juin 2008 13:26

    On attend impatiemment, La Taverne, on est fan aussi du Menez-Hom..


  • jerome 6 juin 2008 13:31

    Article passionnant , et qui nus laisse sur notre faim ! Mais il existe encore quelques conserveries traditionelles , me semble - t - il ? qui produisent de la haute qualité . Ce qui me gene , c ’ est la référence aux communistes ... là , je coince ! Désolé ... mais je plusse quand meme !


    • La Taverne des Poètes 6 juin 2008 13:52

      Communiste en 1924, ce n’est pas communiste sous Staline ! Et puis vu les conditions misérables des ouvrières, on peut comprendre le choix de ces ouvrières qui très souvent cumulaient plusieurs métiers juste pour subsister. L’hiver on gérait au plus près la pénurie (liée au mode de vie maritime).

      Mais il est vrai que le communisme a profité de ce mouvement populaire pour s’implanter. Douarnenez deviendra la "ville rouge".

       


  • morice morice 6 juin 2008 14:15

    « les communistes qui coincent »... encore un à l’esprit large : qui snt envoyés les premiers en camp de concentration, sous Hitler, igorant Jerome ???


  • La Taverne des Poètes 6 juin 2008 15:50

    Cela se passe le Jour de l’An 1925. Des coups de feu éclatent au centre-ville de Douarnenez. Emotion chez les "penn sardin" ! C’est le maire Le Flanchec et son neveu qui sont atteints et tombent à terre. Le coup a été perpétré par des briseurs de grève professionnels recrutés par les patrons (on ne le saura que dans les jours qui suivirent). La foule se met en colère et saccage tout sur son passage. On dirait du Zola ! Les patrons doivent céder sous la pression des autorités publiques qui veulent voir cesser ces désordres. Le conflit prend donc fin le 8 janvier. Les ouvrières n’auront pas obtenu l’augmentation demandée de 1,25 franc de l’heure. On leur accorde 1 franc de l’heure en plus. Flanchec n’a pas flanché et il reprend son fauteuil de maire. En 1925, il verra élire à ses côtés Joséphine Pencalet comme conseillère municipale. Mais l’élection de celle-ci sera annulée pour non virgini... heu pardon je m’égare... parce que les femmes n’ont pas le droit de vote à cette époque.

    1926 : Ce sont les Bigoudènes qui se mettent en ordre de marche pour manifester (avec leurs coiffes !). Elles réclament une augmentation pour s’aligner sur leurs consoeurs de Douarnenez ;

     


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 6 juin 2008 19:05

    Je sais pas pourquoi , j’ aime bien cet article j’ ai eu l’ occasion de voir Douarnenez , me semble me souvenir d’ avoir mangé des galettes de première fabriquées par des femmes avec ce chapeau blanc genre choucroute à dentelles , quel régal ces galettes et ce pays de traditions , Concarneau son musée de la marine tout ça ...


  • moebius 6 juin 2008 21:02

    j’aime bien les sardines en boite


  • Yohan Yohan 6 juin 2008 22:48

    Cet article sur les sardinières manque d’huile de coude. Mais à quoi bon gâcher l’huile sur des arêtes


  • morice morice 7 juin 2008 08:40

     rocla : vous aimez cet article parce qu’il est bon  mais ça vous écorche la gueule de le dire car vous détestez la Taverne : dans le genre, Calmos lui a su dire qu’il appréciait un de mes articles tout en étant d’un bord différent : vous avez encore à apprendre ce qu’est une démocratie, Rocla, et vous prouvez par l’exemple votre forme d’extrêmisme ! 


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 7 juin 2008 08:49

    Je comprend maintenant sur quoi se base notre Morice national pour traiter les gens de crétins . Sur son intime con viction ....

     

     

     


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 7 juin 2008 09:33

    J’ aime bien les Douarne nénés


  • Plum’ 7 juin 2008 10:58

    On savait faire grêve à l’époque. Ce n’était pas un jour par ci, un jour par là pour évacuer la grogne...


    • La Taverne des Poètes 7 juin 2008 14:40

      Et oui la nostalgie ne remonte pas que jusqu’à mai 68 (pour certains quand même à 36) ! Il faut savoir remonter plus loin dans le temps. Demandez à Morice : c’est un connaisseur.

       


  • chmoll chmoll 7 juin 2008 11:52

    en c’moment ont na nos 2 sardines nationales,qui chantent autour d’un lit

     


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 7 juin 2008 18:22

    j ’crois c ’est à Brest qu’ ils ont inventé la douche ...


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