lundi 28 janvier 2008 - par Voris : compte fermé

Plozévet ou l’élevage de cerveaux

Grâce à Edgar Morin, le pittoresque bourg de Plozévet (dans le Finistère) a acquis le statut de commune possédant le plus fort taux d’agrégés au kilomètre carré ! Tout est parti d’une étude qu’il a menée en 1967, « La Métamorphose de Plozévet », qui reste la plus grande enquête sociologique menée en France à ce jour.

A Plozévet, vous avez des Bigoudens bien sûr. Mais vous risquez de croiser bon nombre de surdiplômés, un phénomène déjà exploré par Edgar Morin dans les années 60.

40 années après sa célèbre enquête, Edgar Morin revient sous le feu des projecteurs à cause de deux simples mots employés par Nicolas Sarkozy à l’occasion de ses vœux officiels : "politique de civilisation". Entre 1961 et 1965 à Plozévet, c’est bien la civilisation qui fut étudiée à la loupe. Pas moins d’une centaine de chercheurs se sont succédé sur ces cinq années. Puis sont venus les rapports, les films et des délégations de chercheurs accourant de l’étranger : en mars 2005, des chercheurs japonais (et organisation en septembre 2005 à l’université de Nishinomiya d’un colloque consacré à Plozévet), une délégation de chercheurs mexicains. Plozévet devenu microcosme (terme employé par Morin lui-même dans son livre La Métamorphose de Plozévet), un microcosme devenu international !

Et, puisque l’on parle de civilisation, Edgar Morin, dans un entretien à la revue Bretons de février 2007, évoque, avec le recul, sa prise de conscience d’alors que quelque chose d’important se passait : un mouvement culturel breton qui gagnait la jeunesse et qui était le signe d’un réveil, d’une lutte contre le modèle unique de civilisation qui, tel un rouleau compresseur d’identités, venait tout aplanir, tout homogénéiser.

Mais revenons à nos études. A Plozévet, tout a été passé au crible par les chercheurs : les costumes, les repas, les pêcheurs, les agriculteurs, tout, absolument tout ! Et même, disent de mauvaises langues, les ragots de la vie privée. Le sociologue s’en défend en disant que malgré la grande discrétion de son enquête, certaines personnes se sont reconnues ou bien ont été identifiées pour avoir des problèmes avec l’alcool par exemple.

Pourquoi ce choix de Plozévet ? Pour le folklore dira-t-on, mais aussi pour des raisons génétiques ! Le centre d’études démographiques de l’époque (le CADES) opte pour ce bourg isolé où les vieilles femmes qui se promènent encore en coiffes bigoudènes croisent de jeunes filles en jean. L’autre motif du choix est la consanguinité de la population qui dénote une fermeture culturelle et sociale de cette microsociété, comme l’avouera, en 2002, André Burguière, professeur d’histoire anthropologique à l’EHSS. Le problème médical héréditaire de la luxation de la hanche est en effet attribué alors à la consanguinité.

L’enquête fut tellement riche d’informations sur la civilisation de Plozévet et ses mœurs qu’il serait impossible de la résumer ici. Toujours est-il que le Quid publia dans son édition de 1975 un article affirmant que Plozévet possède "le plus fort pourcentage de licenciés, docteurs et agrégés de France". Cette affirmation exprimée comme une vérité établie serait difficilement combattue par une preuve contraire. Ce qui est certain, c’est que le goût des études s’est répandu dans Plozévet à partir, dit Jean-Claude Stourm (qui participa à l’enquête), de la famille Le Bail laquelle connut en son sein un député et sénateur qui oeuvra pour l’éducation publique.

Reste qu’Edgar Morin sait de quoi il parle quand il reprend au poète Leopold Sedar Senghor le concept de "politique de civilisation". C’est, explique le sociologue, remettre l’homme au centre de la politique, en tant que fin et moyen, et promouvoir le bien-vivre au lieu du bien-être. Cette notion de politique de civilisation s’inspirerait aussi des travaux de l’économiste Henri Bartoli, qui appelle à replacer l’homme au centre de l’économie.

"Partant du constat que la civilisation moderne génère souvent mal-être profond et individualisme, il propose de s’attacher à régénérer les cités, à réanimer les solidarités, à susciter ou ressusciter des convivialités, à régénérer l’éducation" (wikipedia).

Alors à quand la revitalisation des communes rurales et l’"élevage de cerveaux" dans les cités sensibles ?

NB : Document complémentaire : Edgar Morin, journal de Plozévet. Bretagne, 1965.



13 réactions


  • La Taverne des Poètes 28 janvier 2008 11:48

    Quel intérêt de publier un article si c’est pour le cacher ? "Cachez cette coiffe bigoudène que je ne saurai voir !"


  • La Taverne des Poètes 28 janvier 2008 12:13

    Nouveau ! L’article "publié-caché" !

    Est-ce un concept qu’Agoravox veut tester ?


  • Ajax Ajax 28 janvier 2008 13:29

    Ah ! Vous voilà de retour monsieur ! J’ai craint un instant que la très courte éclipse qui nous a privé de votre prose ne signifie une quelconque maladie due à l’épuisement. Car vous avez ma foi un rythme de redacteur qui fait, je vous le confesse, mon admiration !

    Or donc il ne s’agissait que d’une erreur technique sur l’un des serveurs de ce site... (Vous ne pensiez pas réellement à une machination contre vous n’est-ce pas ?)

    Mais l’essentiel est de pouvoir vous lire à nouveau. Avec passion.

    Merci !


    • La Taverne des Poètes 28 janvier 2008 14:00

      Ajax, j’étais sûr que tout le monde complotait contre moi. La preuve : même l’univers, si j’en crois votre avatar qui le représente. Et pourtant, les extraterrestres seraient bien plus intéressés par cette étude sur les Bigoudens et les Bigoudènes que par les moeurs de notre président.

      Merci Dark Vador. "Très fort je suis".

       


  • La Taverne des Poètes 28 janvier 2008 16:00

    La haute stature de la coiffe bigoudène a pour fonction de dissimuler l’excroissance exceptionnelle du cerveau des femmes bretonnes de la région.


  • Fergus fergus 28 janvier 2008 17:00

    Rien de particulier à dire sur cet article.

    Si ce n’est que les coiffes bigoudènes ont totalement disparu, sauf lors des "pardons" où quelques-unes sortent encore des placards. Même à ND de la Joie (Saint-Guénolé), les vieilles dentelières coiffées sont définitivement rentrées chez elles pour regarder "Les feux de l’amour " en attendant que la camarde vienne les faucher.

    Si ce n’est qu’ à Plozevet vivent autant de Bigoudens que de Capistes (les habitants du Cap Sizun), comme en témoigne la plaque-frontière apposée à Pors Poulhan, le petit port de la photo dominé par sa Bigoudène.

    Un détail encore : "Stourm" signifie combat ou lutte en breton. Ce mot figure dans "Stourm Ar Brezhoneg" (lutte pour le breton), raison sociale du mouvement qui, durant fort longtemps, a surchargé les plaques routières d’entrée dans les villages de leur nom breton pour revendiquer la double écriture.

    Kenavo ar wech all ! (ce que l’on peut traduire par "Salut, à la prochaine !)


    • Termaji 2 octobre 2008 13:33

      Les dentellières existent toujours (au pied du phare). Elles ne portent simplement plus la coiffe


  • grangeoisi grangeoisi 28 janvier 2008 19:36

    Noz vat ha trugarez


  • masuyer masuyer 28 janvier 2008 20:43

    Mad ar jeu La Taverne ?

    Et, puisque l’on parle de civilisation, Edgar Morin, dans un entretien à la revue Bretons de février 2007, évoque, avec le recul, sa prise de conscience d’alors que quelque chose d’important se passait : un mouvement culturel breton qui gagnait la jeunesse et qui était le signe d’un réveil, d’une lutte contre le modèle unique de civilisation qui, tel un rouleau compresseur d’identités, venait tout aplanir, tout homogénéiser.

    Edgar Morin se serait-il fait rouler ? Car si l’Emsav porte nos "Bigoudened" en coiffe (ce qui est un pléonasme) en français, il leur porte un profond mépris en breton.

    Merci toutefois d’évoquer cet épisode de Plozévet, un peu oublié de nos jours.

    Keno dit

     


  • Hervé Torchet 28 janvier 2008 22:22

    On disait aussi que Plozévet (Ploe Demet au Moyen Âge) possédait l’un des plus forts QI moyens d’Europe.


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