lundi 8 mars 2010 - par AJ

Alvaro Uribe sur le départ, la Colombie tourne une page

Le président colombien Alvaro Uribe ne pourra pas se porter candidat aux élections présidentielles du 30 mai prochain, la Cour constitutionnelle colombienne ayant décidé, à 9 voix contre 2, d’invalider le projet de loi suspendant à un référendum la possibilité pour Alvaro Uribe de briguer un troisième mandat. Élu à deux reprises dès le premier tour, avec 53% des suffrages exprimés en 2002, et 62% en 2006, ce populiste, qui a fondé sa popularité et sa notoriété internationale sur ses diatribes sécuritaires et sa lutte acharnée contre les FARC, après huit ans de présidence (un record de longévité en Colombie) s’apprête donc à passer la main et c’est un pays tout entier qui tourne une page. L’homme de la "sécurité démocratique" a bouleversé l’échiquier politique colombien en mettant fin à l’alternance entre le Parti Conservateur et le Parti Libéral, qui rythmait traditionnellement la vie politique colombienne depuis 1886. Son mouvement, El Partido de la U, crée dans le seul but de le servir a donc mis fin à l’hégémonie des deux mouvements traditionnels mais sa pérennité est loin d’être assurée sans son leader naturel.

Alvaro Uribe est une exception. Une exception dans cette première décennie du XXIème siècle, où l’Amérique Latine a basculé au rouge. Au rouge clair certes, avec Michel Bachelet, Fernando Lugo et Lula mais au rouge carmin avec Hugo Chavez, Rafel Correa et Evo Morales. Cette décennie sud-américaine à gauche, qui touche à sa fin comme en atteste la victoire au Chili de Sebastian Pinera, aura donc dû cohabiter avec la Colombie d’Uribe et les tensions entre Caracas et Bogota auront atteint leur paroxysme ces dernières années. Relations diplomatiques suspendues, menaces de poursuites judiciaires devant la Cour Pénale Internationale, accusation de participer à l’élaboration d’un coup d’état : Hugo Chavez et Alvaro Uribe auront huit ans durant, mené une véritable guerre froide.

Uribe_Bush_2.jpgEn matière de politique internationale, Alvaro Uribe aura mené une étroite coopération avec les Etats-Unis, en dépit des réticences de ses homologues sud-américains. Le "Plan Colombie" du président Bush a contribué à hauteur de 5 milliards d’euros, ainsi que l’envoi d’hommes, dans la lutte contre les narco-traficants. L’intervention américaine en Colombie s’apparente à une véritable guerre de l’ombre. L’été dernier, les deux états ont signé un accord portant sur sept bases militaires colombiennes dont la gestion serait assurée par les Etats-Unis, dans le but officiel d’intensifier la lutte contre les FARC et les narco-traficants. Coup d’éclat de Caracas, qui fustige, preuves à l’appui, un accord permettant également à l’aviation américaine de survoler et d’espionner le sous-continent.

La lutte contre les narco-traficants et les FARC n’a cessé d’être le dossier prioritaire de la présidence d’Alvaro Uribe. Son héritage personnel n’y est pas étranger : son père a été assassiné par les FARC lorsque ces derniers ont pris d’assaut sa ferme en 1983. L’an dernier, dans une interview à l’Express, il assurait ne pas être habité par l’esprit de vengeance : si j’avais l’esprit de vengeance, je n’aurais pas été candidat à la présidence.Elu en 2002 à la faveur d’un discours sécuritaire, Alvaro Uribe a amorcé le déclin de la guérilla initialement habitée par des idéaux marxistes, qui ne compterait plus que 8000 combattants sur les 30 000 acquis à sa cause en 1960. La politique d’incitation à la désertion a porté ses fruits et Alvaro Uribe revendique 8000 désertions durant son mandat : des chiffres qui seraient cependant légèrement surévalués. Les FARC n’ont pas pour autant rendu les armes : ils détiendraient environ sept centaines d’otages et poursuivent les coups d’éclat : l’assassinat, fin février, du gouverneur Luis Francisco Cuellar par strangulation, en est le meilleur exemple. Mais l’assassinat de Raul Reyes, le N°2 de la guérilla, qui est intervenu quelques mois après le décès du leader fondateur des FARC, Manuel Marulanda, ont profondément affaibli le mouvement, et la libération de la meilleure arme des FARC, Ingrid Betancourt, a été un véritable coup de poignard, d’autant plus qu’elle a été obtenue à la faveur de guérilleros achetés par l’armée colombienne.

farc048n1mun-1.jpgLe président colombien s’est également attelé à l’éradication des narco-traficants : la Colombie reste le premier producteur mondial de cocaïne et cette politique s’inscrit en parallèle de la lutte contre les FARC qui sont intimement liés avec la production de cocaïne. Mais l’entreprise d’Alvaro Uribe a été un échec : les cultures de coca ont augmenté de plus de 26% en 2007 selon l’ONU. De plus, les méthodes employées par l’armée colombienne sont loin de faire l’unanimité : en aspergeant à l’aide de pesticides les champs de coca, les cultures agricoles des paysans locaux sont également aspergées et détruites par la même occasion, précarisant une population rurale qui vit dans une zone de non-droit, où l’état peine à imposer sa loi et prendre le pas sur les guérilleros.

Enfin, le scandale des paramilitaires aura éclaboussé la présidence d’Alvaro Uribe sans mettre à mal sa cote de popularité, qui s’est maintenue tout au long de son second mandat entre 70 et 85% d’opinions favorables. Les enquêtes d’opinion assuraient d’ailleurs un plébiscite au référendum qui, si il avait été approuvé par la cour constitutionnelle, aurait permis de trancher quant à la possibilité pour le président de briguer un nouveau mandat. Les paramilitaires, présents en Colombie depuis les années 80, ont dévié de leur mission initiale, et leur combat contre les FARC s’accompagne d’atrocités commises contres les civils, et leur lien avec l’exportation de cocaïne n’est plus à démontrer. Les "paras" sont accusés d’exproprier violemment des paysans colombiens de leur terres, qu’ils s’approprient par la suite. Alvaro Uribe a moyenné le retrait de "paras" contre des peines clémentes : d’où les révélations qui ont abouti en 2006 au scandale de la parapolitique. Accusé d’avoir reçu l’appui des paramilitaires pour obtenir son élection en 2002, Alvaro Uribe n’aura pas été le seul à avoir été impliqué dans le scandale des paramilitaires, mais c’est toute la classe dirigeante colombienne qui fut mise en cause. Son cousin, Mario Uribe, avec qui il a partagé les hauts et les bas de sa carrière politique, a été écroué, comme des dizaines de députés, qui, comme le président, sont accusés d’avoir eu recours aux paramilitaires pour faire pression sur l’électorat.

Retrouvez cet article sur mon blog, http://lenouvelhebdo.com



14 réactions


  • frugeky 8 mars 2010 10:52

    Encore une fois bravo au jeune homme : sujet, style... rien à jeter
    Plus la vente de chars Leclerc à la Colombie, sans doute pour aller combattre les FARC dans la jungle.
    L’aide des USA pour combattre le narcotrafic de la cocaïne s’est soldée par une augmentation de la production tout comme en Afghanistan la présence des mêmes a permis une explosion de la production de l’héroïne. Que l’on retrouve à bas prix dans nos campagnes...


  • morice morice 8 mars 2010 12:05
     Après un narco-président, ils vont avoir quoi ?


     « Le »Plan Colombie« du président Bush a contribué à hauteur de 5 milliards d’euros, ainsi que l’envoi d’hommes, dans la lutte contre les narco-traficants ».

    résultat ? La Colombie n’a jamais autant produit de cocaïne....

    ... la libération de la meilleure arme des FARC, Ingrid Betancourt, a été un véritable coup de poignard, d’autant plus qu’elle a été obtenue à la faveur de guérilleros achetés par l’armée colombienne.

    ah, donc vous reprenez ma thèse, et je vous en remercie... à part que ce n’est pas l’armée colombienne mais la CIA.

    . L’été dernier, les deux états ont signé un accord portant sur sept bases militaires colombiennes dont la gestion serait assurée par les Etats-Unis, dans le but officiel d’intensifier la lutte contre les FARC et les narco-traficants. 

    ben non, puisque la production augmente...

  • Arno 8 mars 2010 12:27

    J’ai regardé votre blog.. de la bonne vieille propagande occidentale :

    « Hugo Chavez aurait en effet versé aux FARC plus de 197 000 000€ et était sur le point de leur vendre des produits radioactifs permettant la fabrications de bombes. »
    toujours sans preuve bien entendu.. 
    Regardez par exemple cette vidéo sur le coup d’état de 2002
    et diversifiez vos sources d’information avec Michel Collon entre autre :

  • Augustule pipo 8 mars 2010 16:38

    Un article digne d’un journaliste du Monde !

    "Le président colombien s’est également attelé à l’éradication des narco-traficants : la Colombie reste le premier producteur mondial de cocaïne et cette politique s’inscrit en parallèle de la lutte contre les FARC qui sont intimement liés avec la production de cocaïne.« 

    Vous êtes jeunes et bien naïf mon cher Alex
    Avez vous vu le film »Lords of War" au sujet du trafic d’arme ? Bien sachez que c’est exactement la même chose pour la drogue.

    Allez je vous mets quelques pistes pour vous éclairer :
    Un jet lié à la CIA s’écrase au Yucatan avec un chargement de drogue
    Karzai, la CIA et le trafic de drogue
    Trafic de drogue... Trafic d’États
    chief of DEA admitt import of cocaine


  • furio furio 8 mars 2010 18:20

    On va pas pleurer le départ de cette ordure !! Il faudrait le faire comparaître devant un TPI pour avoir massacré des DIZAINES DE MILLIERS DE COLOMBIENS avec les paramilitaires et la CIA à la gouverne, d’avoir développé la production de COCAÏNE jusqu’à maintenir son pays au PREMIER RANG DE LA PRODUCTION MONDIALE !
    Nous français on a aussi autre chose a reprocher à ce salopard ! LA DETENTION D’INGRID BETTANCOURT que Uribe a fait attrribuer à des farcs alors que les paramilitaires détenaient la franco-colombiennne.


    • Darkfox 9 mars 2010 13:57

      @furio
      Bonjour, il faut arrêter de dire n’importe quoi, Mme de Bettancourt a bien été détenue par des farcs... Sinon elle aurait clairement dit qu’elle a été kidnappé par des paramilitaires...
      Arrêtez de dénigrer un pays dont vous ne connaissez que des cartes postales...


    • furio furio 14 mars 2010 11:34

      Ah ! oui dark... ; elle aurait clairement dit qu’elle avait été détenue par des « paramilitaires » !!!
      Justement, vous même seriez vous capable de reconnaître un paramilitaire jouant le rôle d’un farc ? Seriez vous capable de discerner un espion de la cia jouant le rôle d’un FARC ou d’un paramilitaire ? Non ! Moi non plus d’ailleurs !!
      Et figurez vous que Ingrid Bettancourt non plus. D’ailleurs la preuve nous est donnée lors de sa libération puisque « selon les sources » officielles il y avait des « agents » militaires infiltrés parmi les FARCS. et que justement notre « belle captive en bonne santé » ne s’est rendue compte de rien !!!
      Alors je dis que les agents infiltrés n’étaient pas au nombre de 2 ou 3 MAIS qu’ils étaient 100% tous des paramilitaires et agents de la cia. 


  • anty 8 mars 2010 20:04

    Uribe part mais un autre démocrate le remplacera qui continuera la lutte contre les sbires de farc.

    Venezuela toute proche connaîtra telle bientôt un dénouement démocratique aussi heureuse ?


  • Bleu Montréal 9 mars 2010 03:11

    Ahh Alex Joubert,

     vous écrivez des choses complétement ridicules !

    Vous ne connaissez rien de la réalité Colombienne. Uribe est un narco-traficant (98ème sur la liste éditée par les USA) et est très lié aux milices paramilitaires qui terrorisent les Colombiens à l’heure actuelle. La police sous Uribe est très répressive : tous les Colombiens savent qu’il ne faut pas émettre de critique envers le gouvernement à voix haute sous peine d’être arrêté et éventuellement, torturé.

    Depuis Uribe, la Colombie actuelle, narco-État, se porte très bien. La production de drogue (coca et marijuana) et toute la violence que cela engendre se porte au mieux.

    La Colombie est un pion de l’empire américain et a confié sa souveraineté aux mains de l’empire américain pour devenir un protectorat des USA.

    Espérons que les prochaines élections apporteront la paix dans cette région (Uribe étant l’agresseur, ne vous y méprenez pas)
     


  • Darkfox 9 mars 2010 11:03

    Bon article , bien que beaucoup de gens d’Agora soient partisan tu « tais toi c’est moi qui est raison point barre » .
    Mr Uribé a tout de même amélioré la vie en Colombie , diminué l’étendu du territoire controlé par les farcs ...
    La production de drogue a baissé passant de 96% à 51% (ONU et confirmé par le département d’Etat des USA)

    quand aux idées selon lesquels Ingrid de Bettancourt auraient été kidnappé par des paramilitaires , je ne connaissais pas cette théorie et elle est très amusante ...(Tiens pourquoi Mme de Bettancourt et les autres otages n’ont ils pas déclamé cela devant tout le monde ???

    Tout comme l’idée que le simple fait de critiquer qui vous fait torturer , je pense que vous connaissez mal le pays.. sinon beaucoup de monde devrait être torturé ...

    @bleu montréal
    pour information au Vénézuela , Secretaria del ministro de Finanzas de Venezuela s’est fait séquestré par la police de Caracas... ;)

    Bref discutons , ok .. critiquer, ok mais raconter n’importe quoi d’un pays qu’on ne regarde que depuis son salon sur sa map monde , faut arrêter .


  • furio furio 14 mars 2010 11:47

    Votre article Alex Joubert ne donne pas envie d’aller sur votre blog croyez moi.
    Pourquoi ?
    Eh ! parceque vous relatez mots pour mots ce que des journalistes « bien pensants », appointés par les grands médias, dociles aux propagandistes états-uniens et sionistes, et trés sensibles au fric, etc..écrivent mieux que vous.
    Derrière les infos officielles il y a dire. Et c’est là que devrait se trouver votre « créneau ».
    Pourquoi aller sur votre blog alors que sur « le Monde » il y a mieux ?
    uribe est une saloperie comme il en existe peu sur terre. De la trempe des mussolini et autres hitler. Ce type est en place par la volonté des états-unis qui souhaitent bien évidemment maintenir la production« mondiale de cocaïne. Eh ! oui le bon peuple des états-unis a bien besoin de cela et comme le trafic est juteux. Ce nazillon d’uribe va pouvoir se retirer dans un palace aux states en attendant il sera certainement »condamné" pour des crimes atroces quand on aura révèlé l’immense charnier de ses victimes mais il faudra attendre 50 ans !!!.


  • staybehind 14 mars 2010 14:05

    +1 @furio
    rien as rajouter....tout est dit.
    enfin juste une petite chose...que la CPI,se penche sur son cas..


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