Arezou Khavari, nouvelle victime de la dictature du hijab
« Aucune fille ne devrait avoir à choisir entre la liberté et la vie. Sa douleur fait écho aux cris silencieux de beaucoup ! » (Daughters of Persia, le 6 novembre 2024 sur Twitter).
Tristesse malgré ce visage de joie et de victoire. Quand on est une adolescente, on vit avec ses rêves, ses insouciances, ses légèretés, mais aussi avec sa fragilité, sa sensibilité. Même quand on vit dans un pays au régime rétrograde, on vit sur la même planète de modernité que les autres. Les jeunes filles d'Iran ne sont pas différentes des jeunes filles de France, d'Europe et d'autres contrées qui ont beaucoup de chance de vivre en régime de liberté. Peut-être pas sans en avoir pris vraiment conscience. Hélas, il y a quelques tristes événements qui viennent rappeler cette chance de vivre en France de 2024 et pas en Iran de 2024. Arezou Khavari est bien, hélas, une nouvelle victime de la dictature du hijab. Ce régime terroriste, parce qu'il terrorise sa propre jeunesse, ses propres filles, qui veut cacher ses femmes parce qu'elles sont trop belles, est une honte à l'humanité, à la féminité, à l'universalité.
Le 4 novembre 2024, Arezou Khavari est morte. Sa mort, on aurait pu l'éviter. Ce n'était pas une fatalité. Elle n'était pas malade, elle n'a pas eu d'accident, elle n'était pas victime de guerre. Mais elle était victime du régime islamique. À 16 ans, elle s'est suicidée du haut d'un immeuble de six étages, à Chahr-e-Rey, à 10 kilomètres au sud de Téhéran, la capitale de l'Iran. Sa mort vient juste après l'arrestation brutale et l'internement forcé de l'étudiante Ahou Daryaei (sur laquelle je reviendrai certainement).
Arezou Khavari était une jeune fille scolarisée qui a participé avec ses camarades à une sortie scolaire. Elle et ses copines étaient habillées de pull, manteau et hijab. Elles ont tiré les rideaux du bus qui les transportaient, et ont enlevé leur manteau, ont fait la fête, ont dansé joyeusement, jusqu'à ce que la directrice adjointe de l'école ne soit intervenue pour réprimander cette légèreté. Arezou a été particulièrement blâmée parce qu'en plus de porter un jeans, elle ne portait pas de hijab.
On l'a menacée d'exclusion de son établissement scolaire. La direction de l'école lui a montré une vidéo la montrant dansant sans hijab. Ses parents étaient convoqués le lendemain à l'école. On lui a dit que si elle ne venait pas avec ses parents le lendemain, elle serait exclue. Or, ce n'était pas la première menace. Elle était même harcelée par la police des mœurs parce qu'elle ne portait pas les vêtements réglementaires ("appropriés"). Cette menace d'exclusion était si forte que l'état psychologique et émotionnel d'Arezou en a été complètement bouleversé. Une fois rentrée dans l'établissement, elle a trouvé une excuse bidon pour le quitter toute seule et elle a disparu. Elle était allée en haut d'un immeuble chez un ami, et s'est jetée du sixième étage.
Le père et le frère d'Arezou, sans nouvelle d'elle, se sont rendus à l'école en fin de journée et ses camarades ont cru qu'elle avait disparu. Ils ont hélas vite su qu'elle s'était suicidée. Le père ne comprend toujours pas comment sa fille a pu sortir de l'établissement sans avoir été arrêté par une autorité de l'école.
Le père d'Arezou a en effet déclaré à Rokna News, un média local basé à Téhéran, que les autorités de l'école lui avaient dit qu'Arezou avait quitté les lieux sans autorisation. Il a porté plainte contre la direction pour négligence car l'école est dotée de caméras de surveillance et son départ des lieux aurait dû être observé. Le père a également ajouté, selon ce média : « L'année dernière, ils ont également essayé d'empêcher son inscription, en utilisant des excuses comme le fait d'avoir trop d'amies ou de laisser apparaître une partie de ses cheveux. ».
Le père a aussi reproché à la direction de l'école son insensibilité après le drame car elle a refusé de présenter ses condoléances et a même refusé de venir en soutien psychologique à ses camarades complètement effondrées. Une source explique en effet : « Pas un seul message de condoléances n'a été posté dans le groupe virtuel de l'école. La directrice adjointe a évité de se présenter devant les élèves. Lorsque les élèves l'ont approchée une fois pour lui proposer des rendez-vous en guise de geste, elle leur a dit : "Ne demandez aucun de rendez-vous à personne". ».
Ces harcèlements de jeunes femmes par la police des mœurs pour cause de violation du code vestimentaire sont très nombreux, et ont été intensifiés depuis l'assassinat de Masha Amini le 16 septembre 2022. J'avais cité le nombre de 551 femmes tuées par la police des mœurs en raison de l'obligation du port du hijab et autres sacs à patates noir qui devraient stupidement emballer toutes les femmes iraniennes. Il est probable que les suicides ne sont pas comptabilisés parmi les victimes, et pourtant, Arezou est bien une de ces victimes de ce régime débile.
La preuve que cette police des mœurs est choquante, c'est qu'elle ne fait pas l'unanimité au plus haut niveau du régime. Le nouveau Président de la République islamique d'Iran Massoud Pezechkian (en fonction depuis le 28 juillet 2024) a promis, pendant sa campagne électorale, de mettre fin au "Projet des lumières", un projet déposé le 13 avril 2024 pour renforcer le déploiement de la police des mœurs dans la société iranienne afin d'imposer ces vêtements (uniformes) féminins. Mais le conseil des gardiens de la révolution a au contraire approuvé, en octobre 2024, ce projet sur le hijab et la chasteté, et le projet sera probablement adopté par le parlement dominé par les conservateurs. Des universités comme l'Université Al-Zahra à Téhéran ont déjà installé un système de reconnaissance faciale à leurs entrées pour garantir le respect des règles vestimentaires et réprimer le cas échéance tout écart. C'est cela, la modernité à la sauce rétrograde.
Tel Cassandre, le journaliste Emmanuel Razavi, auteur du livre "La Face cachée des mollahs, le livre noir de la République islamique d'Iran" sorti le 23 janvier 2024 (éd. Cerf), a mis en garde sur Twitter ce mercredi 6 novembre 2024 : « Tous ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité en Iran en répondront un jour devant une juridiction pénale internationale. Ceux qui les soutiennent en France, et qui se sont compromis en prenant l'argent des mollahs, auront aussi à rendre des comptes devant la justice française. Des avocats, des élus et des journalistes y veillent désormais. ».
Oui, un jour ou l'autre, tous ces crimes contre l'humanité seront jugés et les responsables seront châtiés. Depuis plusieurs décennies, on connaît la fin des dictateurs et de leurs complices, et peu passent désormais au travers des mailles soit d'un lynchage populaire (regrettable), soit d'un procès par un tribunal national ou international pour les juger (préférable). Des avocats, des journalistes, des militants sont là, en vigiles quotidiens, pour instruire précisément chaque dossier à charge. Ce n'est pas la vengeance mais de la justice qui sera à l'œuvre. Ce n'est qu'une question de temps.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (06 novembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Arezou Khavari.
Ahou Daryaei.
Ebrahim Raïssi.
Khosro Besharat.
Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
Alireza Akbari.
Mehran Karimi Nasseri.
Claude Malhuret contre la mollarchie.
Mahsa Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
L'Iran de Bani Sadr.
De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
Incompréhensions américaines (1) et (2).
Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
Dennis Ross et les Iraniens.
Un émissaire français à Téhéran.
Gérard Araud.
Stanislas de Laboulaye.
Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.