jeudi 23 mars 2006 - par Europeus

Biélorussie : l’Europe et les Etats-Unis laissent l’opposition à son triste sort

Le patron du « Jurassic Park » du stalinisme défunt va-t-il mettre ses menaces (de mort) à exécution ? Le fait est que celles-ci n’ont pas empêché aujourd’hui encore, comme hier, plus de 7000 personnes de crier leur soif de justice et de liberté dans le centre de Minsk... Le fait est aussi que ce survivant du stalino-fascisme défunt bénéficie du soutien de Poutine qui préside le G8 et va présider le Comité des ministres du Conseil de l’Europe... Un « rideau de fer » existe toujours aux frontières orientales de l’Union européenne... Aurions-nous peur de ce « petit chef » d’un autre âge ? Si oui, les démocraties sont vraiment mal dans leur peau... Quelque 7000 personnes, donc, se sont à nouveau rassemblées dans le centre de Minsk, à l’appel du candidat d’opposition Alexandre Milinkevitch, pour réclamer l’annulation de l’élection présidentielle de dimanche, dont des observateurs indépendants ont dénoncé les irrégularités. Alexandre Loukachenko, crédité d’un score de 82,6% des suffrages, a défendu sa réélection en affirmant que le scrutin avait été « libre et démocratique ». Deux mots qui sont autant de vraies insultes à Minsk... Le président russe Vladimir Poutine, pour qui l’arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux en Géorgie et en Ukraine a été interprétée comme un signe de déclin de l’influence russe sur ces ex-républiques soviétiques, s’est empressé de féliciter Loukachenko. « Les résultats de l’élection témoignent de la confiance des électeurs dans votre orientation », dit son message de félicitations, rendu public par le Kremlin. Poutine en l’occurence devrait avoir des comptes à rendre : son ami de Minsk ne peut pas être notre ami. Et chacun est jugé aussi sur ses amis...

En revanche, les Etats-Unis, qui avaient présenté l’an dernier (avec raison) Loukachenko comme le « dernier dictateur d’Europe », ont dénoncé sa victoire en disant que le scrutin s’était tenu dans un climat de terreur. « Nous soutenons les appels à une nouvelle élection », a déclaré Scott Mc Clellan, porte-parole de la Maison blanche. Et celui-ci de mettre en garde les autorités biélorusses contre « les menaces ou l’arrestation, dans les prochains jours et au-delà, de ceux qui exercent leurs droits politiques », allusion aux manifestations de l’opposition biélorusse. « Les Etats-Unis n’acceptent pas les résultats de l’élection. La campagne électorale s’est déroulée dans un climat de crainte, avec des arrestations, des coups et des fraudes », a poursuivi Mc Clellan. On peut regretter l’absence d’une prise de position aussi nette de l’Union et des autorités du Conseil de L’Europe... Cela va venir, peut-être (?) Sur la place d’Octobre de Minsk, Milinkevitch - officiellement crédité de.... six pour cent des suffrages ! - a prévenu ses partisans qu’il faudrait faire preuve d’opiniâtreté. « Soyez prêts à rester où vous êtes, leur a-t-il scandé. Notre action sera longue. Nous, peuple libre de Biélorussie, nous ne reconnaîtrons jamais cette élection. Ils ont peur de nous. Le pouvoir repose sur des mensonges ».

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe avait peu auparavant dénoncé le scrutin, affirmant qu’il n’avait pas respecté les normes requises par la communauté internationale pour des élections libres et démocratiques. « De nombreuses preuves matérielles appuient ces conclusions (...) La démocratie en Biélorussie n’en est qu’à ses balbutiements », a déclaré Alcee Hastings, coordinateur spécial de la mission d’observation de l’OSCE, forte d’un demi-millier d’experts. « L’usage arbitraire du pouvoir, évidemment destiné à protéger le président sortant, est allé largement au-delà des pratiques acceptables », a renchéri l’organisation dans un communiqué. « Dans un pays où les libertés d’expression et d’association sont si totalement et violemment supprimées, une élection n’est pas un exercice démocratique, c’est une farce », déplore de son côté Terry Davis, secrétaire général du Conseil de l’Europe, dans un communiqué publié depuis Strasbourg. On aurait pu espérer une prise de position plus nette de la part du bouclier de la démocratie dans l’espace paneuropéen. Mais sans doute Terry Davis est-il trop soucieux de ménager Moscou : la transition démocratique est si difficile....

Le chef de l’Etat biélorusse s’est quant à lui félicité que « la révolution que beaucoup évoquaient et que certains préparaient ait échoué », assurant qu’il ne pouvait en être autrement. « Malgré la pression et les ordres venus de l’étranger, ils n’ont pas réussi à nous briser », a-t-il insisté, évoquant le soutien occidental dont l’opposition aurait bénéficié. Les ministres des Affaires étrangères des vingt-cinq se sont réunis à Bruxelles pour évoquer le scrutin. Si aucune décision définitive n’est attendue dans l’immédiat, l’inclination de l’Union est claire. « L’atmosphère d’intimidation et de harcèlement à l’encontre de l’opposition est inquiétante », a déclaré Ursula Plassnik, ministre autrichienne des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence de l’UE. Quand l’Union sortira-t-elle des litotes diplomatiques ? Elle a, en l’occurrence, les mêmes défauts que le Conseil de l’Europe. Comme le disait Paul-Henri Spaak dans les années 1950, le manque d’audace, d’imagination et de courage sont des vraies « plaies d’Europe ». Quant à Scott McClellan, le porte-parole de la Maison blanche, il n’est guère plus à l’aise dans ses baskets, déclarant à des journalistes que Washington était prêt à coopérer avec l’Union européenne pour prendre des mesures contre les responsables des fraudes électorales et des atteintes aux droits de l’homme en Biélorussie. Washington est prêt à imposer de nouvelles sanctions limitées contre la Biélorussie, en étendant, par exemple, la liste des personnalités biélorusses persona non grata aux Etats-Unis, a dit Mc Cormack. Mais un responsable américain a reconnu sous le sceau de l’anonymat que les Etats-Unis disposaient de peu de leviers sur Loukachenko. « La vérité est que nous avons peu de moyens de pression sur lui, parce que nos relations économiques ou diplomatiques, tout comme celles de l’Europe, sont limitées. De sorte que cela dépend vraiment des Russes, qui entretiennent des relations étroites avec la Biélorussie. Mais ils ne paraissent pas prêts à donner une claque à Loukachenko ». Constats d’impuissance et d’hypocrisie. Désespérant.



5 réactions


  • mardel (---.---.226.134) 25 mars 2006 19:41

    LOUKACHENKO dispose d’un électorat âgé, qui se complait dans ses libertés limitées. Il les entretient de par les pensions qu’il leur verse et achète de cette manière cet électorat influent. Les jeunes plus ouverts à la démocratie ont soif de liberté. Cependant, le soulevèment d’un pays ne peut se faire sans son peuple. L’Europe et les Etats Unis ont effectivement des pouvoirs limités pour faire bouger les choses. Nous ne sommes pas en Ukraine et le chemin sera long pour que la dictature cesse.


  • Polski hydraulik (---.---.220.120) 26 mars 2006 12:01

    Juste une remarque puisque le projet ici est de faire du journalisme citoyen. Pourquoi Europeus ne cite-t-il pas ses sources, Reuters, AFP ou AP ? ou que sais-je encore ?

    Ou bien veut-il nous faire croire qu’il était à la fois à Bruxelles pour écouter Mme Plassnik et à Washington pour entendre le porte-parole de la Maison blanche ?

    Si j’ai bien lu le projet d’Agoravox, chaque citoyen doit être un capteur d’information, de manière à réaliser un travail qu’aucune agence de presse ne peut mener. Ici, Europeus est un simple capteur d’information... des agences de presse et des autres journaux.

    L’honnêteté serait d’écrire à la fin du papier : « avec Reuters » ou « avec AFP ». Mais ce serait peut-être avouer qu’il est difficile de s’informer sans les médias traditionnels.


    • Christophe Nonnenmacher (---.---.209.138) 26 mars 2006 15:42

      Polski hydraulik,

      Bonne question que celle que vous soulevez. Les propos de Terry Davis, viennent-ils de l’AFP ou Reuteurs ? Non. Les propos de l’OSCE, non plus. Les Déclarations des Américains ou de la présidence autrichienne de l’Union sont-elles livrées en exclusivité aux agences de presse ? Non plus. Des communiqués de presse existent, des conférences de presse existent et l’AFP ou Reuters ne sont pas les seuls à y être présents. Prenez simplement ce qui se passe et se dit au Parlement européen : croyez-vous sincèrement que les propos tenus ne le sont qu’à destination des agences ? Bien évidemment, non. Les auteurs des citations sont également cités dans l’article. Demandez-vous peut-être, pourquoi dans certains journaux des textes de l’AFP sont repris mot pour mot sans aucune mention de l’AFP, par exemple ? Là est un véritable problème.

      Effectivement, Europeus, ne peut pas être physiquement partout, bien qu’il dispose d’un réseau d’auteurs basés dans différents centres politiques internationaux. Mais qui peut être partout ? Les propos repris existent. L’analyse est personnelle à l’auteur de chaque chronique. Qui plus est, les auteurs signent sous leur propre nom et n’ont pas besoin de se cacher derrière un pseudo pour donner de grandes leçons. Quant au « reporter citoyen », Europeus est effectivement repris par Agoravox, mais a également son existence propre, antérieure à celle d’Agoravox, donc non calquée sur le concept que « reporter citoyen ». Europeus a été créé en 2004 suite à un coup de gueule : l’imopossiblité de parler d’Europe dans la presse traditionnelle. Parce que disait-on dans de nombeuses rédactions, « L’Europe n’intéresse pas, est trop compliquée, n’est pas assez vendeuse, etc.. » En résumé (certes, je caricature un peu), « les gens sont trop cons pour être demandeurs d’information, d’analyse et de débat européen ». Cette vision de l’information n’était à notre sens pas recevable. Au nom de quoi peut-on affirmer que l’Europe n’intéresse pas ? Que les gens sont « trop cons » pour comprendre ? Au nom de rien en fait. La preuve, passé la campagne référendaire (où europeus était l’un des très rares médias à donner la parole aux deux « camps ») europeus est toujours là, avec un lectorat sans cesse croissant. L’information européenne, le débat européen, ont eux quasi disparu des médias traditionnels, malgré le grand mea culpa post référendaire. Quant au reste, Europeus n’a pas pour vocation à donner de grandes leçons, comme beaucoup se plaisent à en donner. Europeus existe et continuera à exister, avec ses partisans et ses opposants. En s’appuyant sur des auteurs de sensibilités différentes, de droite ou de gauche, eurosceptiques ou fédéralistes, etc.. En poussant au débat sur les questions européennes et en ne se contentant justement pas de dépêches AFP. Mais pour le comprendre, faudrait-il encore en suivre son évolution. D’ailleurs, pour reprendre la chronique incriminée, je doute que vous ayez-vu le point de vu exprimé par Daniel dans de nombreux médias...

      Cordialement,

      Christophe Nonnenmacher, Cofondateur de http://www.europeus.org


    • Polski hydraulik (---.---.226.134) 27 mars 2006 00:57

      Belle et longue réponse. Mais réponse à côté. Vous vous inspirez des pires pratiques du journalisme français pour justifier de ne pas citer vos sources (agences ou journaux). Prenez un journal américain ou allemand et vous verrez qu’ils citent leurs sources.

      Cela m’amuse simplement de voir qu’on fait croire aux lecteurs d’Agoravox et d’Europeus que l’on n’a pas besoin des médias traditionnels, tout comme L’Est Républicain fait croire à ses lecteurs qu’il a des correspondants dans le monde entier en ne donnant pas ses sources.

      Je pense sincèrement que vous serez plus crédibles en donnant des sources, un point c’est tout.

      Ma critique s’en tenait là et ne visait pas l’ensemble du projet Europeus comme votre réponse semblait le faire croire. Je suis au contraire très heureux que des gens s’intéressent à l’actualité de l’Europe et du Belarus .


    • Christophe Nonnenmacher (---.---.209.138) 27 mars 2006 01:08

      Polski hydraulik,

      Un article ne fait pas tout un média. Alors, oui, peut-être aurait-il été plus judicieux de renvoyer vers la déclaration de Terry Davis sur le site du Conseil de l’Europe, idem pour l’OSCE, etc.. Maintenant, il n’y a pas rétention de sources. Rien ne vous empêche d’aller vous-même sur ces sites. Quant à l’expression « avec Reuters » ou « avec APF », elle est communément utilisée quand il s’agit d’un rewriting (du genre on change deux-trois mots pour se donner bonne conscience", ce qui n’est pas le cas de cet article. L’auteur ne cherche d’ailleurs pas à cacher ses sources : allez voir par vous même s’il le fait sur un autre blog où il est présent (http://relatio.blogspirit.com). Quand une dépêche est reprise, cela est signalé.

      Quant aux médias traditionnels, bien sûr qu’ils sont essentiels. Je n’ai jamais dit l’inverse. Simplement que dans de nombreuses réactions (le groupe Est Républicain n’est d’ailleurs pas le dernier malgré une volonté en son temps de Gérard Lignac d’inverser - vainement - la tendance)les questions européennes sont volontairement écartés ou prises par dessus la jambe pour les raisons déjà mentionnées. Ceci est tout simplement absurde et incompréhensible vu les enjeux politiques et économiques qui découlent des questions européennes.

      Christophe


Réagir