Cameroun : quand le président a raison
Compte tenu de son discours du 14 août 2007 qui était fort évocateur, il va sans dire que le chef de l’Etat Paul Biya a amorcé une nouvelle ligne politique : « Il ne s’agit évidemment pas, comme certains l’ont dit, de recréer le parti unique qui appartient à une autre époque. Au contraire, l’idée que je me fais de la démocratie est de faire converger des forces venues d’horizons différents, mais qui s’accordent sur l’essentiel, c’est-à-dire sur la primauté de l’intérêt national(...) »
Les castors de la pensée unique
Ils sont de retour, plus hâbleurs que jamais, une fois de plus, ils sont passés à l’action, Paul Biya et ses sbires. Le « démocrate », avant que les élections ne soient achevées, c’est-à-dire le 30 septembre, a créé à la surprise générale un réaménagement du gouvernement le 7 septembre 2007. Si nous respectons l’esprit du discours, ce gouvernement, qui n’est que provisoire, s’élargira en fonction des résultats du prochain scrutin. A l’époque du parti unique il procédait souvent ainsi. Qu’en est-il de la volonté du peuple qui aurait dû s’exprimer lors d’élections ? La Constitution dit que le chef du gouvernement est issu de la majorité. Comme au bon vieux temps du parti unique, ce dernier n’a jamais voulu se soumettre au suffrage universel. Il en est de même de la plupart des membres du gouvernement qui répondent plus aux besoins ethniques, qu’à une véritable idée de volonté populaire. Le discours de Biya est plein de cohérence. Une fois de plus il a raison.
Les castors de la pensée unique, ce sont ces hélio-diplômés qui confondent les amphis d’université avec la politique. Ils ont encore pris le peuple pour cible. Ils en ont fait des ouailles, qu’ils ont bourrées de calembredaines teintées de nestorisme. Pauvre Cameroun !
A regarder de près, ces hommes du savoir insultent l’intelligence, surtout Platon et sa conception de la République. Condorcet également, différenciait l’intellectuel du politique. La politique est une affaire de conviction, de loyauté et de dignité. Cette dignité doit prévaloir, quand même on échouerait. Le spectacle offert par Soundjock et Hogbè Nlend laisse à désirer. Ils ont une double casquette : d’abord celle d’enseignants, ensuite celle de prétendus politiques. Ils ont l’ambition d’exercer un jour le pouvoir suprême au Cameroun, ou de diriger un parti politique. Je ne saurais contester leurs compétences, encore moins leur liberté, c’est la démocratie. Abhorrer l’étiquette de son parti politique, et battre la campagne d’un parti politique adverse, n’est que félonie. Et Platon disait à ce propos : « Il faudrait pour le bonheur des États que les philosophes fussent rois ou que des rois fussent philosophes... » La République. La bourde de ces deux comparses a été applaudie par une certaine presse dite déontologique, rationnelle et objective, faisant croire qu’en politique, on s’attaque aux individus et non aux idées. On combat au lieu de débattre. Paul Biya a eu raison de donner à ces assoiffés de pouvoir des strapontins. Ils s’assemblent et se ressemblent, hélas ! Mais ce qui est grave dans la démarche dite intellectuelle et nationaliste de Hogbè et consorts, c’est de galvauder l’histoire. Nul n’ignore en lui le transfuge de l’UNC-RDPC, autant que Kodock et bien d’autres. Ces hommes qui ont toujours eu raison à l’instar de leur mentor Paul Biya, sont d’une classe politique totalement embuée d’autosuffisance, de clairvoyance, d’orgueil, d’individualisme. Je les renvoie à cet historien : « Il faut toujours en revenir aux sources et s’en remettre à soi-même. Un esprit clair et un bon sens bien droit doivent distinguer, naturellement, entre le possible et l’impossible... (Et) il s’agit, pour loi, de la possibilité inhérente à la matière d’une chose donnée. » Discours sur l’Histoire universelle - Al-Muqaddima
« Faire converger des forces venues d’horizons différents »
Ces forces venues de divers horizons, ce sont ces Camerounais de l’étranger qui n’ont pas le droit de voter, comme si on n’avait pas de représentations diplomatiques et consulaires dans presque toute la planète. Ces pratiques du passé nous viennent de l’époque d’Ahijo. On se méfiait des Camerounais de l’étranger, dont la majorité se révélait être des opposants au régime. Et quand bien même ils eussent été des opposants, que veut dire démocratie ? Si ce n’est l’acceptation de la pluralité d’opinions. C’est une forme de parti unique où ceux qui ne sont pas d’accord sont voués aux gémonies.
Les convergences à la manière de Biya, c’est s’évertuer à renforcer le fameux « triangle équilatéral » du professeur Nlep. A titre de rappel le triangle équilatéral signifie, le partage du Cameroun entre trois grands groupes ethniques : le Nord, l’Ouest et le Centre. Cette biaiserie répondra naturellement aux exigences des bailleurs de fonds, pardi ! Ces maîtres du monde, en l’occurrence le FMI et la Banque mondiale ont exacerbé les inégalités, ont accentué les privatisations, bradé le fleuron de notre économie, la dernière en date étant la SNEC (Société nationale des eaux du Cameroun), cédée aux Marocains. Dans une démocratie, ce genre de privatisation se discute au Parlement. Même si l’avis des parties adverses n’est pas valable, il s’agit quand même de susciter un débat public. Dans sa longue marche, nous avons franchi le summum de la démocratie !!!
« Le discours de la méthode »
« Face aux aléas climatiques, a relevé le président Paul Biya, le Cameroun a entrepris de nombreuses actions. Il en est ainsi de "l’opération Sahel vert", du plan national de gestion de l’environnement, plan national sur la gestion des forêts »Essama Essomba Cameroon Tribune du 25 septembre.
Le discours du président camerounais à la 62e session de l’ONU nous a laissé songeurs. Après avoir discrédité Ahidjo, évacué toute l’intelligentsia résistante, le voilà revenu à l’époque du parti unique. « L’opération Sahel vert » ! Une des trouvailles du feu président Ahijo. C’est sans doute pour la continuité que notre président a décidé de fermer le CENADEFOR, l’ONADEF (qui s’occupaient de la régénérescence des forêts), etc. Ce sont certes de nombreuses innovations qui nous permettront de ralentir le réchauffement climatique ! A-t-il su éviter la déforestation en bradant la CELLUCAM, COCAM à des industriels sans foi ni loi ? Dans la même perspective, avions-nous besoin de tant de diversités de ministères pour prendre en considération l’écologie du Cameroun, à savoir un ministère chargé de l’Environnement et de la Protection de la nature, un autre chargé des Forêts et de la Faune, un troisième chargé de l’Agriculture et du Développement rural, un quatrième chargé de l’Energie et de l’Eau, enfin un cinquième chargé de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire. Voici le nouvel Al Gore du continent africain ! Pourquoi Biya n’adopte-t-il pas ce rationalisme prôné dans le rationalisme « qui entend doter la philosophie de la logique propre aux sciences exactes. » Le Discours de la méthode, Descartes. La pratique de ce discours apporterait à la société camerounaise ces évolutions nécessaires, les réformes indispensables pour améliorer l’effort de protection envers les plus démunis, les malades. Ces évolutions passent par des modifications d’attribution des budgets ministériels, et la réduction du nombre de ministres, dans un esprit cartésien, comme dans les pays nordiques. La Norvège est un exemple mondial en matière d’environnement, mais ne compte pas autant de ministères grotesques (dix huit à ce jour contre une soixantaine pour le Cameroun). C’est donc ça la primauté de l’intérêt national ?
L’euthanasie politique
Paul Biya, après des années de flottement, dès l’avènement du multipartisme, vient de prendre une revanche à la Pyrrhus sur les forces du changement de 1991-1992 : Fru Ndi, Ben Muna, Hameni Bieuleu, Garga Haman, Bello Bouba, Hogbè Nlend, etc. Ce sont les hommes d’affront qui osèrent défier Paul Biya, d’abord aux législatives de mars 1992, ensuite à la présidentielle d’octobre 1992. Le fait même de mettre en ballottage le RDPC lors des législatives sema l’horreur dans ses rangs. Ils attaquèrent à coups de pic l’establishment de l’époque. Cela fit mal, d’autant plus qu’ils frappèrent le coeur du système. Garga Haman démissionna du gouvernement, Claude Tchepanou rejoignit l’opposition... Les fondations de la République furent soumises à rude épreuve. Que ce soit aux municipales, législatives, ou présidentielles de 1996 jusqu’à ce jour, l’opposition a montré son incapacité à s’unir pour former une véritable coalition parlementaire. Pour ne pas faire piètre figure sur le plan international, il y a de grandes chances que Biya sacrifie un de ses caciques afin que le SDF ait un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale pendant cette législature. Certains thuriféraires de la présidence ne sont pas d’accord. Mais qui vivra verra !
Aimé Mathurin Moussy
Paris