samedi 2 février 2013 - par Jules Elysard

De la guerre

Bien entendu, il sera difficile de se faire entendre pendant « un certain temps ». Le temps que le fût du canon médiatique se refroidisse un peu.

Deux points de vue sur la guerre sont devenus des lieux communs. La guerre serait, en général, « la continuation de la politique par d’autres moyens » ; et la guerre offensive, extérieure, en particulier « le moyen de garantir la paix intérieure, la paix sociale à l’intérieur de ses frontières ».

Le premier point de vue a été exprimé par Clausewitz et est repris en chœur par tous les pouvoirs en place. Le second a été inspiré surtout par l’expérience de la Première Guerre mondiale[1], puis par les conflits qui ont émaillé le XXè siècle. Il avait déjà été formulé par Maurice Joly [2] et sera exprimé clairement par George Orwell après la Deuxième Guerre mondiale : « La guerre, c’est la paix ».

Avant de conclure si nous sommes entrés dans la Troisième Guerre mondiale, nous allons opérer un petit repérage opérationnel en suivant un ordre à la fois alphabétique et aléatoire.


[1] « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. » (« Lettre ouverte à Marcel Cachin », L'Humanité, 18 juillet 1922)

[2] Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.

 

De la guerre 1 (A, F, G, S)

Alibi et Libye

L’alibi de l’intervention au Mali est comme toujours humanitaire. C’est celui qui a permis d’intervenir en Irak par deux fois, en Lybie plus récemment, mais qui n’a pas permis d’intervenir en Syrie.

Cet alibi est généralement récusé par les minorités bruyantes :

  • l’extrême gauche et la gauche de la gauche qui n’y voient qu’un cache-sexe des intérêts industriels et financiers ;
  • l’extrême droite et la droite de la droite, toujours promptes à dénoncer pêle-mêle le droit d’ingérence, le droit-de-l’hommisme, la pensée unique…
  •  

Cette fois, seule l’extrême gauche (trotskiste, marxiste-lénéniste-stalinienne) récuse absolument cet alibi humanitaire de l’ex-puissance coloniale. Provisoirement, l’extrême droite et la droite de la droite (Marine Le Pen et Eric Zemmour), qui ne voulaient pas entendre parler d’intervention en Syrie, n’émettent que des réserves de méthodes sur la façon de corriger des islamistes.

L’unanimité provisoire autour de cette intervention n’empêche pas une remarque de se faire insistante : les turbulences du Mali seraient une conséquence de l’intervention en Lybie.

Arakis et Mali

« On ne trouve l'Épice que sur la planète Arrakis, la planète des sables que ses habitants, les Fremens, appellent « Dune ». Cet endroit intéresse donc toutes les factions importantes de cet univers. Du fait de l’absence de précipitations, l’eau est rare et extrêmement précieuse sur Arrakis. Elle constitue une monnaie d’échange et de nombreux dispositifs permettent de l’économiser ou de la récupérer. »

Wikiped

« L'or occupe la première place dans les recettes d'exportation du Mali (75 % en 2009). suivi du bétail, du coton et du fer. D'autres produits comme l'arachide (360 000 tonnes produites en 2003) s'exportent fortement. »

Wikiped

Fremen ou fascistes ?

Avec un peu d’exagération, il est possible de voir les combattants islamistes comme les Fremen de Dune en lutte contre la Guilde des Marchands et l’Empire du Grand Satan. Mais il est plus raisonnable de les voir comme les bras armés d’un fascisme contemporain.

Le fascisme est un phénomène historique issu de la première Guerre Mondiale, apparu en 1919 en Italie, et en 1920 en Allemagne sous le nom de nazisme. Dans le langage courant, le terme de fascisme, plus ancien, s’est imposé dans un sens plus général de totalitarisme.

Le fascisme prétendait s’opposer à la fois à la « révolution bolchevique » et au « grand capital ». On sait ce qu’il advint. Après la Deuxième Guerre mondiale, quand l’alliance de « révolution bolchevique » et du « grand capital » auront eu raison de la version allemande, (plus brutale et devenue dominante) du fascisme, les services secrets des deux empires sauront récupérer un certains nombres de dignitaires nazis et de techniciens de la mort.

Mais, très tôt, le terme de fascisme sera utilisé par les staliniens pour discréditer leurs adversaires politiques, puis galvaudé par la vulgate de gauche[1]. Il reviendra à Wilhelm Reich d’analyser la psychologie du fascisme et de voir son essence dans le concept de « peste émotionnelle ». Une seconde définition reviendra à Guy Debord : « Le fascisme est l'archaïsme techniquement équipé »[2].

Le fascisme du XXème siècle est apparu dans la chrétienté européenne. Pour parler comme Emmanuel Todd, on peut dire que ses deux formes principales se sont développées dans le cadre de la famille communautaire italienne et dans le cadre de famille souche allemande.[3] Les premières victimes du fascisme italien l’ont été sur le sol italien. Les premières victimes du nazisme allemand l’ont été les étrangers sur le sol allemand, à commencer ceux à qui la nationalité était refusée en raison de leurs origines religieuses ou de leurs opinions incorrectes. La différence principale entre ces deux « archaïsmes techniquement équipés », c’est que le fascisme italien se référait à l’Empire Romain pré-chrétien, alors le nazisme allemand, plus raciste, plus violent et mieux équipé, se fantasmait comme la résurgence de la barbarie aryenne, régénératrice de la civilisation catholique et romaine.

Les premières victimes du fascisme musulman sont les musulmans eux-mêmes, en terre d’Islam. Leur est archaïsme celui des « bédouins » (charia, soumission des femmes, violence tribale, goût pour les armes qu’il partage avec celui des « cow-boys ») techniquement équipés (armement occidental, internet, réseaux sociaux, etc…). Dans son dernier livre, Emmanuel Todd : « L’endogamie patrilinéaire est le problème fondamental des anthropologues. Leur discipline associe traditionnellement le clan patrilinéaire à l’exogamie. Chez les nomades de la steppe eurasiatique l’interdit le plus absolu pèse sur le mariage entre les enfants des deux frères. Mais dans le monde arabe cette règle s’inverse et, de tabou, le mariage dans le groupe patrilinéaire devient préférence. »[4]

La psychologie de masse de ce nouveau fascisme, c’est donc « la peste émotionnelle réactivée », fondée, non pas sur la défense de l’Etat ou de la race, mais du système endogame ébranlé par l’alphabétisation et le contrôle des naissances. Ses manifestations ne limitent pas au terrorisme que dénoncent les Occidentaux. C’est d’abord la propagande islamiste dans les minorités musulmanes en terre de tradition chrétienne et le sort fait aux femmes dans la vie quotidienne.

Guerre de colonisation ou guerre d’Espagne ?

Selon la réponse que l’on fera à la question précédente, on pourra donc envisager la présente intervention au Mali comme une guerre de (néo) colonisation ou comme la première réaction des « démocraties » face au fascisme du XXIè siècle.

On sait que le Front Populaire Français n’avait apporté qu’un soutien modéré aux « Brigades Internationales ». Et on sait que les régimes allemands et italiens n’avaient pas hésité à soutenir activement la « rébellion » franquiste.

J’ajoute que je sais qu’en proférant une telle comparaison j’entends hurler les chœurs des extrêmes gauches, d’obédience trotskiste ou mao-stalinienne, voire anarchiste traditionaliste. Mais je ne peux m’empêcher d’y prendre plaisir.

Serval ou Sardaukars ?

L’opinion publique a découvert récemment l’existence de ce « chat serval », qui ne semble pas abondant au Mali, mais dont on a dit en souriant qu’« il peut uriner 30 fois par heure pour marquer son territoire ».

Raison pour laquelle l’Etat major français aurait choisi ce nom pour baptiser son opération.

http://www.manimalworld.net/pages/felins/serval.html

Mais Serval est aussi le nom que portait dans les bandes dessinées de notre enfance le personnage connu sous le nom de Volverine dans les films X-Men. Et ça a pu faire tilt dans l’esprit d’un militaire étoilé.

http://www.dailymotion.com/video/xc4qsm_inertie-x-men_tech#.UQwAJ_JCPTo

http://www.dailymotion.com/video/x51v8_wolverine_creation#.UQwAkPJCPTo

http://fanette.wordpress.com/2009/04/29/wolverine-cest-serval-ou-linverse/

Quant aux Sardaukars, ce sont, dans le roman Dune de Franck Herbert, les troupes d’élites d l’empereur Shaddam, vaincu par Paul Muad’Dib et ses Fremens quand il s’avisa de conquérir Arakis.

(à suivre)


[1] Pour faire bonne mesure, la vulgate de droite voyait des « communisses » partout et des chars russes à Paris.

[2] La société du spectacle (1967), thèse 109 : « Le mouvement ouvrier révolutionnaire, entre les deux guerres, fût anéanti par l'action conjuguée de la bureaucratie stalinienne et du totalitarisme fasciste, qui avait emprunté sa forme d'organisation au parti totalitaire expérimenté en Russie. Le fascisme a été une défense extrémiste de l'économie bourgeoise menacée par la crise et la subversion prolétarienne, l'état de siège dans la société capitaliste, par lequel cette société sauve, et se donne une première rationalisation d'urgence en faisant intervenir massivement l'Etat dans sa gestion. Mais un telle rationalisation est elle-même grevée de l'immense irrationalité de son moyen. Si le fascisme se porte à la défense des principaux points de l'idéologie bourgeoise devenue conservatrice (la famille, la propriété, l'ordre moral, la nation) en réunissant la petite-bourgeoisie et les chômeurs affolés par la crise ou déçus par l'impuissance de la révolution socialiste, il n'est pas lui-même foncièrement idéologique. Il se donne pour ce qu'il est : une résurrection violente du mythe, qui exige la participation à une communauté définie par des pseudo-valeurs archaïques : la race, le sang, le chef. Le fascisme est l'archaïsme techniquement équipé. Son ersatz décomposé du mythe est repris dans le contexte spectaculaire des moyens de conditionnement et d'illusion les plus modernes. Ainsi, il est un des facteurs dans la formation du spectaculaire moderne, de même que sa part dans la destruction de l'ancien mouvement ouvrier fait de lui une des puissances fondatrices de la société présente comme le fascisme se trouve être la forme la plus coûteuse du maintien de l'ordre capitaliste, il devait normalement quitter le devant de la scène qu'occupent les grands rôles des Etats capitalistes, éliminé par des formes plus rationnelles et plus fortes de cet ordre. »

[3] Ces idées sont développées dans L’invention de l’Europe (1991) et L’origine ses systèmes familiaux (2012). Pour être complet, une forme voisine du « fascisme » s’est développée à l’autre bout de l’Eurasie dans le cadre de la famille souche japonaise.

[4] L’origine ses systèmes familiaux,  chapitre 11, page 479.

 



3 réactions


  • L'enfoiré L’enfoiré 2 février 2013 10:28

    La guerre, une arme à double tranchant avec laquelle on crée facilement des amalgames de l’histoire.

    Je retourne pour xième fois au Musée de la Guerre ce matin.

    « Le fascisme est un phénomène historique issu de la première Guerre Mondiale, apparu en 1919 en Italie, et en 1920 en Allemagne sous le nom de nazisme. »
    Non. Vous oubliez l’affaire Dreyfus bien antérieur

  • Jules Elysard Jules Elysard 2 février 2013 11:00

    J’ai certainement oublié des choses et il y en a que je n’ai pas prévu d’évoquer longuement dans la suite que j’envisage.

    Parmi ces choses, l’antisémitisme que j’ai évoqué en passant en écrivant : " Les premières victimes du nazisme allemand l’ont été les étrangers sur le sol allemand, à commencer ceux à qui la nationalité était refusée en raison de leurs origines religieuses ou de leurs opinions incorrectes."

    L’antisémitisme est antérieur au fascisme et n’était pas au centre de l’idéologie du fascisme italien. C’est le nazisme allemand qui, pour des raisons historiques et anthropologiques, a mis l’antisémitisme au centre de son idéologie.

    Bonne visite au musée.


  • Kookaburra Kookaburra 15 février 2013 12:35

    Merci de votre message. On peut continuer sur le fil d’Alinea si vous voulez.


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