jeudi 17 avril 2008 - par Mathias Delfe

East of Eden : Haïti aura toujours faim

Surpopulation, malnutrition, politiciens corrompus, militaires factieux, classe dominante sans scrupules, comment Haïti peut-elle s’en sortir ?

« Avec 8,5 millions d’habitants, Haïti est le pays le plus pauvre du continent américain, dont 80 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour ». La presse.

Il est de ces endroits où il ne fait pas bon naître, Haïti en fait partie. Dommage, parce qu’une fois payé le prix d’un cyclone annuel, ça pourrait être l’Eden. Il fait toujours chaud, la mer est toujours tiède, les frais de vêtements et de chauffage s’en trouvent réduits au minimum. Pas besoin de superflu ici, il y aurait tout pour le bonheur des hommes à condition qu’ils partagent les minces richesses et qu’ils ne soient pas trop nombreux à le faire.

Problème : il n’y a pas grand-chose à bouffer et le peu qu’il reste est accaparé par une mafia de truands, ailleurs nommés spéculateurs, peu soucieuse des intérêts vitaux de ses concitoyens comme presque partout dans le tiers-monde, où accéder à des postes de pouvoir autorise avant tout à s’en mettre plein les poches avec un mépris total du sort de ses propres congénères. Haïti a faim. Même si on le redécouvre ces jours-ci avec la nouvelle flambée foncièrement artificielle des prix des denrées alimentaires, ce n’est pas nouveau : Haïti a pour ainsi dire faim depuis toujours. Trop de bouches à nourrir.

Pour tromper l’ennui et oublier un moment leur existence sans espoir, les pauvres font des enfants vite autonomes, quand ils ne meurent pas prématurément, qui pour tromper l’ennui et la faim lancinante - un perpétuel creux dans l’estomac, ça mine le moral - font le plus tôt possible des enfants qui feront des enfants. Et ainsi de suite. Le « procréationnisme » morbide est l’une des pires plaies des pays déshérités, qui reproduit à l’infini le terreau de la déréliction et de la désespérance avec la bénédiction empressée des autorités civiles et religieuses.

Pour ses dirigeants temporels et spirituels, toute nation aspire à devenir une grande nation, si ce n’est par la richesse, du moins par le taux de natalité et la production d’âmes destinées à faire du Paradis le rival de Mexico Ciudad, de Shanghai et de Bombay réunies. Demandez aux Palestiniens. S’agit d’être plus nombreux que les Israéliens, quitte à transformer le mouchoir de poche de Gaza en timbre-poste et à réduire un peu plus tous les ans la portion de semoule dans l’assiette.

Calculs « d’élites » et de présidents à vie, car des peuples la masse n’aspire ni à la grandeur ni au nombre ni encore moins à jouer un quelconque rôle international, mais au bien-être, à la paix. Haïti devrait précipiter à la mer, en même temps que les politiciens qui la gouvernent vaguement sous la pression constante de militaires aussi volontiers séditieux qu’inutiles pour protéger un pays sans ennemis, son indépendance sans substance, sa liberté purement conceptuelle, et les Haïtiens exiger de l’Amérique bushiste le rattachement de leur Etat à l’Union puisque aussi bien aucune dictature comme celle de Duvalier père, aucune pseudo-démocratie depuis la chute de Duvalier fils ne se fait ici sans l’imprimatur d’un Uncle Sam si idéologiquement préoccupé que ne naisse nulle part en Caraïbes un nouveau Cuba, comme si Cuba qui découvre aujourd’hui l’électroménager cinquante ans après le reste de la planète était une menace sérieuse pour Wall Street.

Ou bien, dans l’hypothèse d’un refus frileux de Washington que l’on subodore plus soucieux d’instrumentaliser la misère orbi que de l’accueillir urbi, exiger de l’ancienne puissance coloniale française si complaisante avec les anciens tyrans* qu’elle crée ici un nouveau département d’outre-mer avec tous les avantages dus aux métropolitains, car vue de Port-au-Prince, Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre avec ses touristes, ses ressorts, sa paix sociale, et même avec ses mouvements autonomistes, c’est Byzance au temps de sa splendeur.

*Jean-Claude « Baby Doc » Duvalier est toujours résident de luxe au pays des droits de l’homme et ne désespère pas de rentrer triomphalement chez lui à la première occasion.

Mathias Delfe



11 réactions


  • Internaute Internaute 17 avril 2008 14:53

    Que veut dire « quand ils ne défunctent pas prématurément » ? Voulez-vous dire « quand ils ne déféquent pas prématurément » ?
     

    Encore un article manichéen qui cherche le coupable partout sauf là où il est.
     

    Un taux élevé de natalité n’est jamais l’oeuvre d’une décision politique. A l’inverse, la dictature maoïste a réussi à le faire baisser par stérilisation forcée des populations. Donc, les thèses avancées sont idiotes.
     

    La solution proposée par l’auteur tient du néo-colonialisme. Car faire de Haïti un nouvel état américain ou un nouveau département français revient simplement à dire que les noirs sont incapables de se gérer eux-mêmes et ont besoin d’un maître blanc pour vivre heureux. Cet article est fondamentalement raciste.
     

    Les haïtiens en sont là où ils sont par leur propres fautes. Ceux qui valent quelque chose s’en vont professer à l’étranger au lieu de développer leur pays. Par exemple le ministre canadien de l’immigration est une haïtienne qui serait plus utile au gouvernement d’Haïti qu’à celui du Canada.

    J’ai été snobé par le « déréliction » et j’ai appris un mot nouveau - merci.
     


  • phiconvers phiconvers 17 avril 2008 15:54

    Pas inintéressant, mais trois petites précisions :

    - Il n’y a plus d’armée en Haïti depuis 15 ans et les militaires haïtiens, qui n’existent plus, ne sont donc pour rien dans les tourments actuels de ce pays ;

    - il y a une dimension écologique majeure dans le drame haïtien : à peine 2% du territoire est boisé, suite à deux siècles d’inepties dans la gestion de la terre ;

    - le salut d’Haïti ne passe probablement pas par la formulation d’exigences à Washington ou Paris, qui ne sont pas responsables des calamités locales que vous dénoncez à juste titre. Le salut d’Haïti, première République noire, passe par Haïti et par un redressement moral, politique, écologique et culturel qui ne viendra pas de l’extérieur. Le refuge français de Baby Doc n’est pas un facteur du délabrement d’Haïti.

     


    • Mathias Delfe Mathias Delfe 17 avril 2008 16:54

      Vos précisions sont intéressantes, et j’avoue avoir péché par excès synthétique, mais, à ma connaissance, l’armée haïtienne n’est pas constitutionnellement dissoute et ses (ex)cadres représentent toujours un danger potentiel pour la très fragile démocratie*.

      Sinon, vous vous doutez bien que je n’ai aucune illusion quant au fait que frappant à la porte des Etats-Unis pour souhaiter en devenir le 51e ou à celle de la France pour rejoindre ses DOM, Haïti se verrait opposer une fin de non-recevoir en bonne et due forme.

      Bien entendu, aucune trace de néocolonialisme quand il est question de libre adhésion populaire et non pas de conquête.

      *voir :http://journals.aol.com/yap991/AYITICHERIECONNEXION/entries/2006/03/17/diss olution-ou-non-de-larmee-dhaiti/1224


  • samedi 17 avril 2008 17:19

    Au contraire, vous n’avez rien lu donc rien compris. C’est votre arrogance puante qui vous empêche de lire et d’accepter les faits. La surnatalité et la démographique galopantes en Haïti sont un fait religieux encouragé par le fait politique. Si vous connaissiez cette île, mais je soupçonne que vous la connaissez, vous je critiqueriez pas cette analyse de l’auteur.

    Oui, les enfants miséreux et affamés d’hier ont fait les enfants miséreux et affamés d’aujourd’hui qui procréeront dès que possible, souvent à partir de 13/14 ans les miséreux et affamés de demain. Parce que l’église catholique est omnipotente, elle a remplacé le vaudou d’hier et règne sur les esprits, en dépit des programmes de planning familiaux, en dépit de la contraception gratuite, en dépit de la famine endémique qui frappe la population la plus pauvre et la plus nombreuse.


    • PUCK 17 avril 2008 23:12

      Je suis restée 3 semaines en Haïti alors que BB Doc était encore au pouvoir .

      J’ai gardé le souvenir d’un peuple ,certes ,extrêmement pauvre mais avec de la nourriture en suffisance .Il n’y avait aucun symptome de dénutrition .Même dans les villages reculés (les Cayes par ex.),les enfants allaient à l’école et en uniforme !

      On pouvait traverser le quartier du Soleil à Port aux Prnces sans risque et circuler la nuit en toute sécurité .J’ai même pris des stoppeurs en pleine nuit .L’ambiance générale était joyeuse .Le grand drame ,déjà très apparent ,était de voir ces collines chauves ,cette terre pelée ,ces feux de bois devant toutes les maisonnettes ,un désastre écologique .Mais la dictature Duvallier malgré les si honnis tontons macoutes (que je n’ai pas vus ) semblait 1000 fois meilleure que la situation actuelle .

      Maintenant Haïti fait ses enfants aux Antilles Françaises qui croulent sous le poids de cette immigration non désirée (Marigot à St Martin est avec Mayotte la + grosse maternité de France ) et les rues sont pleines de cracqués haïtiens ou dominicains qui ne se privent pas de dealer .


    • Internaute Internaute 18 avril 2008 11:53

      Puisque maintenant ils naissent en France ce sont de vrais français comme vous et moi. Ainsi en ont décidé Sarkozy et les bien-pensants de Paris intra-muros qui ont modifié le code de nationalité pour la donner à n’importe qui, n’importe quand, n’importe où . Les autres français paieront les pots cassés.


  • Dalziel 18 avril 2008 12:18

    On devrait pouvoir vivre avec ça...


  • Mathias Delfe Mathias Delfe 18 avril 2008 12:20

    J’ignore qui est le cuistre qui s’amuse à réécrire mon texte en remplaçant « défunctent » par « meurent » (défuncter ou –variante- défunter est si peu inusité que l’esprit curieux en trouvera des pages entières sur le Net), mais il se ridiculise et le rend incompréhensible en ajoutant un « s » à resorts (genre de ClubMed importés des States). Ah ! les Antilles ! les cocotiers, les plages, les ressorts hélicoïdaux…Conseil : avant de charcuter un texte sans autorisation, mieux vaut s’assurer d’en savoir davantage que l’auteur.


    • Internaute Internaute 18 avril 2008 12:39

      Je ne sais pas qui est cuistre mais « défuncter » n’apparaît ni dans le Larousse, ni dans le Littré, ni dans le dictionnaire de l’Académie Française. D’autre part, est un cuistre celui qui étale sa science. Par conséquent le cuistre est celui qui utilise un mot que personne ne connaît et surement pas celui qui le remplace par un mot que tout le monde comprend.


    • Mathias Delfe Mathias Delfe 18 avril 2008 13:03

      Défuncter in Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, que tout le monde a vu ou lu. Sinon, des pages entières sur Google. Les dictionnaires, y compris les mieux faits comme celui des "mots rares et précieux " (10/18) ou des "mots perdus" (Larousse) oublient plein de mots, hélas, nobody’s perfect.

      J’ai l’impression que le jour où je rédigerai un texte en employant une terminologie vraiment savante, vous n’y entraverez que dalle.


  • armand armand 18 avril 2008 18:47

    Il ne serait pas mauvais de remonter dans l’histoire pour essayer de comprendre pourquoi Haiti est dans un si triste état.

    en effet, il pourrait avoir tout pour réussir - on pourrait ajouter une culture florissante, de riches traditions, la fierté de s’être libéré de l’esclavage dans un premier temps les armes à la main.

    Les Haîtiens à l’étranger, notamment aux USA, ont d’ailleurs une excellente réputation.

    Mais il semblerait que les réparations énormes que la France a extorquées vers 1830 pour reconnaître l’indépendance d’Haïti ait cassé son économie pendant des générations.

    Il existe des parallèles avec le Libéria : dans les deux cas les puissances esclavagistes ont dit à leur anciens esclaves : débrouillez-vous. N’aurait-il pas fallu des accord d’association et de parrainage permettant l’évolution vers l’autonomie par étapes ?

    Il n’est peut-être pas trop tard.

     


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