vendredi 5 août 2005 - par ÇaDérange

Effet de Serre : un concurrent au protocole de Kyoto ?

Vous savez tous qu’un certain nombre de pays ont refusé de signer le protocole de Kyoto sur la lutte contre le réchauffement climatique et qu’il a été admis que d’autres pays étaient dans une situation économique qui ne permettait pas de leur appliquer pour l’instant les règles contraignantes qui en découlent. Il s’agit pour la première catégorie des États Unis qui ont toujours considéré que le protocole de Kyoto était trop néfaste pour leur économie pour qu’ils puissent y adhérer. Pour la seconde catégorie, il s’agit de la Chine et de l’Inde qui ne voient pas de quel droit ceux qui ont profité d’émissions sans contraintes de CO2 pour alimenter leur développement économique pendant des années viendraient maintenant limiter le leur pour la seule raison qu’ils arrivent plus tard dans cette phase de développement !

Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous en faire part, le problème des émissions de CO2 et de l’effet de serre vient de ce que le CO2 n’est pas un polluant à proprement parler, mais que c’est l’effet secondaire de l’augmentation de la température qui en fait un gaz dangereux pour l’avenir de la planète. L’autre planète. L’autre problème, essentiel et qui vient seulement d’être reconnu par le Etats Unis au sommet du G8, est que les émissions de CO2 sont liées indissolublement à l’Activité Humaine. Y toucher ou les restreindre aboutit automatiquement à limiter ou à rendre plus compliqué le développement économique.

L’autre aspect important du protocole actuel est que ce sont les pays les plus émetteurs de CO2 du monde qui ne l’ont pas signé ! En effet les émissions respectives des Etats Unis, de la Chine et de l’Inde se classent aux 1er,2eme et 5eme rangs des pays émetteurs avec respectivement 6236 Millions de Tonnes émises, 3958 et 1112. A signaler que grâce à notre option nucléaire pour la production de notre électricité, la France n’émet que 420 millions de tonnes annuelles de CO2 ce qui nous met en position relativement favorable pour réduire nos émissions tout en continuant à nous développer économiquement.

Le mécanisme du protocole de Kyoto consiste pour chaque pays signataire à prendre des engagements de réduction de ces émissions (chaque pays se charge de mettre en place ces réductions). Dans la pratique cela se traduit pour chaque entreprise par des quotas d’émissions de plus en plus sévères à respecter ou, dans le cas d’impossibilité de respect de ces quotas par le rachat de "droits à polluer", si on en trouve, sur le marché qui vient d’être institué à cet égard. L’action de l’Etat est donc purement réglementaire et il appartient aux entreprises de trouver les moyens de respecter leurs quotas par amélioration de leurs équipements et processus de fabrication, réduction de leur production ou même délocalisation.

Les non signataires du protocole de Kyoto, Etats Unis, Chine, Inde mais aussi Japon, Australie et Corée du Sud viennent d’annoncer l’élaboration d’un protocole alternatif à celui de Kyoto pour réduire autant que faire se peut leurs émissions qui représentent quand même 40pct des émissions mondiales. L’approche, non encore dévoilée dans le détail, n’est pas d’ordre réglementaire comme celle de Kyoto, mais plutôt d’ordre technique puisque ledit protocole prévoit le développement et la mise en oeuvre de techniques nouvelles moins émettrices de CO2. C’est vrai qu’il semble que cette annonce ressemble plutôt à une déclaration d’intention de bien faire qu’à un véritable engagement à réduire ses émissions comme celui de Kyoto. C’est sans doute le prix à payer pour que la Chine et l’Inde s’y joignent. Attendons donc de connaître les détails du programme qui doivent être révélés bientôt avant de juger.

L’élément très positif néanmoins est que ces pays donnent un signal clair qu’ils ne sont pas insensibles au problème et qu’ils entendent bien s’en préoccuper, dans le cadre de leur situation particulière. Et comme ils représentent 40pct des émissions actuelles et sans doute beaucoup plus dans les dix ans à venir....

A suivre donc avec attention.



5 réactions


  • PM (---.---.71.248) 5 août 2005 14:11

    « Les non signataires du protocole de Kyoto, Etats Unis, Chine, Inde mais aussi Japon, Australie et Corée du Sud... »

    En fait tous ces pays ont signé le protocole de Kyoto (voir http://unfccc.int/parties_and_observers/items/2704.php) mais les USA et l’Australie ne l’ont pas ratifié par la suite. C’est un détail c’est vrai.

    Par contre la Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud ont bien signé et ratifé le protocole de Kyoto.

    Le Japon est soumis à un objectif contraignant.

    La Chine, l’Inde et la Corée du Sud n’ont pas d’objectif contraignant mais coopèrent avec les pays à objectifs pour les aider à en réduire les coûts. Ils leur permettent d’obtenir des crédits de CO2 à bas coût en échange de transferts de technologie (Mécanisme de Développement propre).

    Bush dénonce Kyoto parce que les futurs gros pollueurs comme la Chine et l’Inde n’ont pas de contraintes.

    Pourtant il est connu que l’idée de Kyoto était que les pays riches devaient donner l’exemple jusqu’à 2012 pour convaincre les pays en développement (Chine, Inde, Bresil...) d’accepter des contraintes pour la période post-Kyoto.


  • CaDerange (---.---.106.86) 7 août 2005 12:26

    Réponse de CaDerange:Merci de ses précisions qui rectifient mes dires sans en changer le fond(sauf dans le cas du Japon).

    Sur le but du protocole de Kyoto qui était que les pays développés montrent l’exemple jusqu’en 2012, l’accélération de l’histoire et peut être la lenteur des obtentions de signatures rend cet objectif initial obsolète.Quand le 2eme et le 5eme émetteur mondial de CO2 n’ont pas d’objectif de réduction, l’ensemble du programme commence à manquer de cohérence.Personne n’avait vraisemblablement prévu la rapidité de montée en régime des économies Chinoises et Indienne(ou hindou ?)


  • PM (---.---.71.248) 8 août 2005 12:30

    Le vrai manque de cohérence de Kyoto est le retrait des USA et de l’Australie. Il est important de connaître la contribution des différents pays au problème mais il faut aussi la ramener au nombre d’habitants.

    Pour une population mondiale d’environ 6 milliards d’habitants : les émissions de CO2 sont de 4 tonnes par terrien alors que la capacité d’absorption de la Terre n’est que de 1.81 tonnes par terrien, d’où la perturbation de l’écosystème.

    Emissions par habitant de quelques pays (en tonnes de CO2 par habitant ) :

    Inde : 1.06

    (Capacité d’absorption de la Terre = 1.81)

    Chine : 2.20

    (Moyenne mondiale = 4)

    France : 6.16 Japon : 9.35 Royaume-Uni : 9.50 Allemagne : 9.57 Russie : 9.86 Australie : 18.00 USA : 19.80

    Il est irréaliste et injuste de fixer un objectif de réduction à la Chine et à l’Inde alors que leurs émissions par habitant sont en dessous de la moyenne mondiale !

    Il faut donc que les pays développés abaissent cette moyenne mondiale en réduisant fortement leurs émissions car ils sont de loin les premiers responsables du problème. Par ailleurs ils ont plus les moyens financiers et technologiques de faire cet effort que les pays en développement.

    Tant que leurs émissions par habitant sont inférieures à la moyenne mondiale, les pays en développement refuseront de réduire leurs émissions de CO2 mais on peut les convaincre de ralentir cette augmentation en leur fournissant des technologies moins émettrices et en leur proposant un modèle de société plus sobre (les transports en commun et le train plutôt que le 4X4 de luxe et l’avion, un niveau de vie correct malgré des émissions de CO2 basses...).

    Si ça tourne mal nous serons tous perdants mais c’est bien les pays développés qui peuvent et doivent montrer l’exemple. C’était l’idée de Kyoto (« protéger le climat, une responsabilité commune mais différenciée... »). Kyoto n’a jamais été une fin en soi mais le début d’un processus devant durer des décennies.

    Pour l’après-Kyoto, plusieurs idées circulent pour engager les pays en développement mais avec des contraintes moins fortes que pour les pays riches (Contraction & Convergence, multistage approaches...)

    N.B : On parle ici des émissions annuelles. Si on s’intéresse aux émissions cumulées année après année, la responsabilité des pays industrialisés est encore plus écrasante.


  • CaDerange (---.---.124.240) 8 août 2005 16:16

    Réponse de CaDerange:Il n’y a aucun doute que les pays industrialisés ont une responsabilité écrasante, comme vous le dites, sur le rechauffement de la Planète. Le problème de Kyoto et encore plus de l’Après Kyoto est celui de l’acceptabilité sociale de ces efforts, en particulier si cela se traduit par un recul économique.Comme il est plus facile de monter moins haut que de régresser,peut être serait il plus facile que la Chine surtout, et dans une bien moins grande mesure l’Inde, s’impose quand même une certaine prudence dans leur expansion économique à tout va.

    La Chine est déjà au delà de la capacité d’absorption de la terre et ceux qui profitent de l’expansion en Chine sont pour l’instant une petite minorité.Si l’ont faisait le même calcul par tête d’habitant pour les seules zones industrialiséées de Chine, on serait probablement dans des niveaux proches de la moyenne mondiale.Par ailleurs les attentes des Chinois sont les mêmes que celles des modèles occidentaux dont ils ont connaissance, voiture individuelle, logement,chauffage, confort, voyages etc et non pas transport publics et logement collectifs. Finalement , si je vous comprends bien, dans la mesure où il apparait difficile pour l’instant qu’ils puissent prendre des engagements de modération, la meilleure solution semble être celle de l’approche du traité de partenariat Asie/Pacifique de developpement et transfert de technologie pour mieux consommer et émettre moins.

    Cela n’enlève rien au fait que les Etats Unis et l’Australie doivent aussi faire un gros effort de réduction d’émission, bien entendu.

    Cordialement


  • PM (---.---.71.248) 8 août 2005 17:52

    Tant que la Chine et l’Inde resteront des nations souveraines n’imaginons pas qu’elles freineront volontairement leur rythme de croissance. L’effort demandé serait encore moins socialement acceptable pour leurs habitants les plus démunis. Par ailleurs ce serait d’autant plus hypocrite qu’une bonne partie de l’industrie de ces pays sert à fabriquer des produits vendus à bas prix dans les pays occidentaux.

    Demandons nous aussi quelle sera l’acceptabilité sociale future des effets du réchauffement climatique (voir rapport de l’ONERC par exemple) et de l’inaction de notre génération.

    Les attentes des chinois sont celles du modèle occidental d’où l’urgence pour les occidentaux d’en proposer un nouveau, nettement moins émetteur en CO2 !

    Attendons d’avoir les détails du partenariat Asie/Pacifique en novembre mais signalons que le protocole de Kyoto prévoit déjà les transferts de technologie (Mécanisme de Développement Propre de Kyoto). La différence pour le moment, c’est que dans le MDP, les pays en développement ont une incitation financière sous la forme d’achat de crédits carbone à cause justement des objectifs contraignants des pays développés.


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