samedi 6 février 2010 - par Yannick Harrel

Élection présidentielle Ukrainienne de 2010 : état des lieux

En ce 7 février 2010 va se jouer le deuxième tour de l’élection présidentielle Ukrainienne, un grand moment pour ce pays d’Europe de l’Est qui aura vécu ces dernières années de bien tumultueux évènements. De la révolution orange à l’animosité portée à son pinacle entre les deux anciens porte-étendards de celle-ci en passant par des crises du gaz récurrentes, l’Ukraine de par sa position éminemment stratégique comme ses richesses ne peut laisser indifférente les acteurs majeurs du grand jeu géopolitique.

Pour mieux comprendre les arcanes de cette élection aboutissant au choix des deux candidats actuels, permettez-moi de donner la parole à une journaliste d’origine Ukrainienne, analyste des problématiques liées aux médias contemporains, Ivanna Pinyak.

 
Choisir le moins pire des deux : un scénario classique des élections en Ukraine.
 
C’est d’ailleurs une pratique politique utilisée en campagne électorale depuis 1991, lorsque le pays a regagné son indépendance.
Les conseillers en communication des parties politiques exploitent intensivement les médias au point que la population – même la plus critique – soit saturée par la masse informationnelle des débats politiques, consistants, en réalité, en une suite de discours populistes, d’échanges et d’accusations mutuelles très éloignés des discussions politiques traditionnelles. En Ukraine, ce phénomène dernier est appelé la « RP noire » (Relation Publique noire). Et ceci pour parvenir au seul effet désiré : obliger le public à retenir les 2 candidats soi-disant favoris et rivaux, ceux qui s’affronteront au 2ème tour.
 
Ce phénomène a débuté en 1991. Même si c’était une autre époque, celle du mouvement pour l’indépendance, lorsque l’élite négociait pour éviter le pire des scénarios et consolider la nation ukrainienne au moment de l’effondrement de l’Union Soviétique.
Le 1er président démocratiquement élu – Léonide Kravtchouk, chef du parlement ukrainien – l’a été en partie grâce à l’image artificiellement alimentée de son rival. Arrivé deuxième aux élections, Taras Tchornovil – co-fondateur, membre et président du Groupe Helsinki en Ukraine, dissident et militant de droits de l’homme – s’est fait coller une image de « zapadenec’ nationaliste » (nationaliste originaire de l’Ouest de l’Ukraine).
 
Mais le plus flagrant a été la campagne présidentielle de 1999. Le 2ème président, Léonide Koutchma, ayant contribué à une ascension inédite au pouvoir du clan des oligarques, arrivait à la fin de son 1er mandat. Taras Tchornovil meure dans un accident de la route avant le début de la campagne présidentielle. Les autres candidats ont cependant la capacité de défier Koutchma.
Que se passe-t-il alors ? Les « conseillers technico-politiques » du président sortant ne s’acharnent pas à descendre ses rivaux. A la place, ils décident de lui créer un rival imaginaire : le leader du parti communiste Simonenko. Il y avait-il une solution plus aisée et plus efficace, que d’évoquer la menace « rouge » dans un pays récemment libéré du régime soviétique communiste ?
La mécanique était lancée. De nombreux sondages accordaient au candidat communiste fictif une « popularité incontestable » à l’est de l’Ukraine. Les médias, se définissant indépendants et progressistes, sonnaient l’alarme avec le scénario « back in URSS ». Les vedettes en tourné appelaient le public à « écouter la raison et voter pour Koutchma ». Etant assez connu dans l’establishment, il était le seul capable à vaincre « la menace rouge » ! Les leaders d’opinion publique mobilisaient la population, surtout dans les régions ouest de l’Ukraine, pour voter « ce candidat réel » contre les autres, n’ayant aucune chance et risquant d’éparpiller les votes. Les médias instrumentalisés ont ainsi soutenu l’image du pays « scindé en 2 » et en même temps, assuré la victoire du président sortant contre « le candidat du mal, largement soutenu à l’Est ».
Cette campagne informationnelle avait été d’une telle ampleur que finalement le résultat du vote au 1er tour n’a pas vraiment surpris : le président sortant et son rival communiste l’ont emporté sans majorité absolue. Un 2ème tour a été nécessaire avec encore des efforts médiatiques pour voir finalement la victoire de Koutchma.
 
La formule magique du « comment éviter le pire scénario » prouve toujours son efficacité dans un champ électoral ukrainien.
 
Revenons maintenant à l’élection présidentielle actuelle en Ukraine. Comment sommes-nous parvenu à conduire les 2 candidats « favoris » au 2ème tour, alors que la majorité de la population n’en souhaitait aucun ?
Ianoukovitch était à l’origine d’une fraude massive lors de la présidentielle en 2004, ce qui a été un des principaux déclencheur de la « Révolution orange ». Il était également soupçonné d’avoir été l’instigateur de l’empoisonnement de son adversaire, Viktor Iouchtchenko, bien que les accusations n’ont jamais été prouvées. En outre, le casier judiciaire du candidat au présidentiel est marqué par 2 peines de prisons. Peines révisées soigneusement et levées rétrospectivement au moment de son passage de la politique régionale vers les plus hauts échelons du pouvoir étatique. Il a tout de même perdu son capital soutien du fait d’autres raisons, notamment le clivage idéologique apparu au sein de son propre parti.
Quant à Yulia Timoshenko, c’est à elle, dotée d’un grand talent diplomatique et d’une capacité à convertir ses ennemies en alliés, que le « camp orange » doit en grand partie sa réussite dans les régions hostiles au président actuel Viktor Iouchtchenko. C’est elle aussi qui l’a définitivement enterré. Hélas, elle n’a pas su faire passer au moment crucial les intérêts d’Etat devant ses ambitions politiques. La bataille pour le poste de premier ministre, l’acharnement contre le président, son ancien allié et les accusations brutales en public, lui ont causé une chute dans l’opinion publique. De plus, ses mesures populistes et le déficit budgétaire provoqué ont entamé une partie de son électorat.
 
Comme le remarque bien un observateur sur le site unian.net, une agence presse indépendante réputée en Ukraine, une des solutions serait de pouvoir conduire le 3ème candidat au 2ème tour, pour rompre enfin avec ce cercle vicieux. Sera-ce pour la prochaine fois ? Rien n’est moins sûr…
 
Malheureusement, avec certains clichés déjà prédominants et sans tenter une analyse critique et objective de la situation, les médias occidentaux n’ont pas été aidés par cette guerre informationnelle en Ukraine.
En suivant de près les médias français, mais aussi canadiens francophones, lors du scrutin parlementaire ukrainien en 2005, certains stéréotypes pouvaient presque servir de mots-clés pour toute recherche d’articles sur la campagne électorale en Ukraine : « le président pro-européen Victor Iouchtchenko », « le premier ministre pro-russe Victor Ianoukovitch », « la blonde Yulia » ou encore « la femme politique à la tresse blonde » ainsi que des expressions liées au « conflit gazier ».
Ces clichés n’ont hélas pas changé depuis les événements de la Révolution orange et se sont parfois même accentués à l’instar d’un article paru dans L’Express du 14/01/2010 où l’auteur va jusqu’à affirmer : « Lors de cet énième épisode du conflit russo-ukrainien, le chef d’Etat au visage grêlé (…) avait, en effet, coupé les robinets des gazoducs ukrainiens afin d’empêcher la livraison du gaz russe en Europe ».
 
En 2010, ces poncifs gardent une place prédominante dans la couverture médiatique française sur la politique ukrainienne. Et, mis à part les 2 candidats « favoris » bien connus, en partie due aux clichés attribués par les médias étrangers, qui connait les autres ? Avec 18 candidats au total dans la course à la présidence de l’Ukraine, certains d’entre eux auraient mérité une attention plus soutenue de la part des médias nationaux et européens.
 


20 réactions


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 6 février 2010 14:21

      Bonjour,

      Si Iouchtchenko, le Président bientôt sortant, a été clairement désavoué lors du premier tour du scrutin (à peine plus de 5% des voix je précise) c’est qu’il a commis plusieurs erreurs de taille :

      * tirer à boulets rouges sur son Premier Ministre qui n’était que... Youlia Timoshenko ! Grossière erreur vu qu’elle était devenue par son habileté politique plus populaire que lui. Le Président n’ayant même pas hésité il y a quelques mois à l’affubler de la dénomination de traîtresse à la solde de Moscou ! Ambiance, ambiance...

      * son jusqu’au-boutisme pro-Américain (signalons que sa femme était de nationalité Américaine jusqu’en 2005 et est née à Chicago) et son manque de discernement en politique international ayant pris la forme d’une décision malheureuse en 2009 de couper les vannes des gazoducs en plein hiver. Grosse erreur sur le plan international.

      * sa volonté de lutter contre la corruption et les oligarques s’est effondrée sur des scandales impliquant sa propre famille politique et même un membre de sa famille (son fils ayant bénéficié de la « privatisation » de la révolution orange, un comble !).

      Cordialement


  • Hieronymus Hieronymus 6 février 2010 13:44

    bonjour
    a lire l’article (interessant) je ne vois pas bien qui sont en definitive les 2 candidats designes par le systeme pour s’affronter au 2eme tour des presidentielles ;
    ou plutot quel serait le 3eme candidat devant a priori etre ecarte ?
    Ianoukovitch, Iouchtchenko ou Timoshenko ?
    on hesite ...


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 6 février 2010 14:40

      Bonjour,

      En réalité l’auteur de cet article pose une problématique et une solution qui pourraient se calquer sur le modèle Français : 

      * les deux dernières candidats sont au final déjà connus avant même les résultats du premier tour, est-ce normal ? Certes ce sont des favoris, mais des favoris fabriqués...

      * l’introduction du candidat arrivé troisième au premier tour dans le round final changerait radicalement la donne, c’est une idée qui n’est pas saugrenue et qui mériterait d’être approfondie.

      Cordialement


    • Hieronymus Hieronymus 6 février 2010 17:21

      merci de votre reponse
      je comprends bien ce que vous exposez : les candidats au 2nd tour sont connus d’avance
      mais quels sont ils donc ces 2 candidats ? c’est cela qui n’est pas clair !
      J’ai ecrit le tierce Ianoukovitch, Iouchtchenko ou Timoshenko
      quel est l’intrus ou l’intruse ?
      cordialement


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 6 février 2010 18:10

      Bonjour,

      Je ne peux guère me substituer à l’auteur pour parler en son nom. Cependant il me semble qu’elle prend pour exemple l’arrivée dans les derniers mètres de la présidentielle de Timoshenko et Ianoukovitch pour démontrer que tout était déjà réglé par avance à travers la « relation publique noire ». D’où son idée d’élargir à un troisième larron pour éviter le non-choix ou le choix par défaut.

      C’est fort intéressant son propos car il m’incite à penser que ce que connait l’Ukraine est peu ou prou ce qui se déroule dans les démocraties occidentales. Il suffit juste d’ouvrir les yeux pour en prendre pleinement conscience.

      Cordialement


    • Hieronymus Hieronymus 6 février 2010 19:50

      merci de ces precisions
      donc le president sortant Iouchtchenko est donne battu d’avance ?
      c’est un cas de figure que je trouve assez etonnant !
      en France aussi 2 candidats « d’avance » (sauf en 2002)
      mais ds les 2, toujours (en principe) le president sortant ou son poulain ..


  • Alexandre 6 février 2010 16:59

    En France aussi n’y a-t-il pas eu une maneuvre de la droite politico-médiatico-sondagière pour amener à la candidature socialiste et au deuxième tour une candidate à la main de Sarkozy ?

    On peut remarquer que Ioulia Timochenko était la favorite (de coeur ?) de Poutine qui l’a ostentiblement reçue à plusieurs reprises pendant la campagne électorale et avec laquelle il a signé un accord sur la livraison et le transit du gaz.
    L’élection prévisible de Ianoukovitch marquera un nouvel échec de la volonté russe d’influer sur « l’étranger proche ». Bien qu’il soit présenté dans les médias occidentaux manichéens (c’est presque un pléonasme) comme pro-russe.


    • Myla 8 février 2010 02:59

      simple base américaine ? servira a délocaliser...mascarade de la « révolution orange » ?

      arrêtons d’être superficiels et d’avancer des choses dont nous ne connaissons rien, vous étiez peut être parmi ces gens lors de la « révolution orange » ? Vous avez vécu de nombreuses années en Ukraine pour être si sure de ce qui est ce pays ? Qu’est ce qui vous donne le droit d’appeler cette république de « base américaine » ?

       C’est triste de voir encore et toujours des gens si peu instruits qui se permettent de juger par des phrases légères et futiles la situation de tout un pays.

      Je ne veux en aucun cas vous offenser mais, malheureusement, votre manque de connaissances et surtout la légèreté avec laquelle vous maniez le sujet me dépassent. smiley


  • ZEN ZEN 6 février 2010 18:01

    "En Ukraine, ce phénomène dernier est appelé la « RP noire » (Relation Publique noire). Et ceci pour parvenir au seul effet désiré : obliger le public à retenir les 2 candidats soi-disant favoris et rivaux, ceux qui s’affronteront au 2ème tour.« 

    Etonnant ! on se croirait aux USA
    C’est à peut près ainsi que l’éditorialiste J.MacArthur décrit le système électoral de son pays, qu’il appelle un système de »castes"


  • pingveno 6 février 2010 18:47

    Enfin, il était temps !
    Non sérieux, je rappelle quand même qu’il y a eu un premier tour il y a deux semaines en Ukraine, comment se fait-il que le dernier article sur Agora Vox citant ce pays remonte à... un an ?!?
    Puisque les médias traditionnels semblent soit se désintéresser soit faire de la désinformation à propos de ce pays, il était temps qu’Agora Vox nous livre enfin quelque chose d’intéressant, et avec l’avis d’un journaliste local c’est donc un très bon premier pas.

    Évidemment, si d’un côté un journaliste ukrainien peut dire sur son pays des choses que personne ici ne sait, à l’inverse sur certains points elle manque cruellement de recul.
    Exemple :
    Ianoukovitch était à l’origine d’une fraude massive lors de la présidentielle en 2004, ce qui a été un des principaux déclencheur de la « Révolution orange ».

    Ce phénomène n’est hélas pas propre à l’Ukraine, il s’est reproduit à l’identique quelques mois plus tard en Géorgie puis en Biélorssie. Pourquoi pas le même succès ? Parce que ceux qui ont réellement monté la révolution Orange sont... les USA, qui ont envoyé des étudiants en Serbie pour apprendre comment on réussit une révolution. Des pays qui n’intéressaient pas les USA, faute de pétrole et/ou de gazoducs, n’ont pas eu cette « chance ».

    Par ailleurs Hieronymus a raison : on a oublié de citer le troisième candidat, qui n’est plus même Iouchchenko puisque plusieurs anciens ministres qui sont par ailleurs des chefs d’entreprise aguerris lui sont passé devant.

    Il faudrait maintenant des articles sur la position d’autres pays par rapport à cette élection. Car malgré tout ils en ont une...


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 6 février 2010 19:14

      Bonjour,

      Je suis d’accord avec vous, la couverture médiatique francophone (et a fortiori Française) sur l’Ukraine est réduite à une portion vraiment congrue. Pourtant l’enjeu est de prime importance, tant pour les Ukrainiens que pour les Russes et les Européens. Cette jeune journaliste a permis de combler quelque peu cette lacune, au moins sur Agoravox et je l’en remercie smiley

      Pour le reste, voici les résultats du 1er tour : 

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Élection_présidentielle_ukrainienne_de_2010

      Iouchtchenko n’arrive qu’en 5ème position ! Le troisième larron étant Sergueï Tiguipko, ancien Ministre de l’Economie et Président de la Banque Nationale. Avec son Parti Travailliste, il prônait notamment une approche plus centrale entre l’Europe et la Russie et... la légalisation de la prostitution (je ne sais s’il faut y voir là une des raisons principales de son succès électoral ^^ ).

      Cordialement


  • Proudhon Proudhon 6 février 2010 19:17

    Merci à l’auteur pour cet article intéressant.
    Quand à la phrase :
    Choisir le moins pire des deux : un scénario classique des élections en Ukraine.
    On pourrait dire un scénario classique dans les démocraties occidentales.


  • ykpaiha ykpaiha 7 février 2010 00:42

    Nous méfions nous encore des relents pestinentiels de la « révolution Orange » ?
    Un bref rappel pour ceux qui désirent connaitre l’Ukraine et son histoire :
    http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/la_formation_de_la_nation_ukrainienne_a_lom bre_du_grand_frere.asp

    Ceci donnera j’en suis sur un éclairage sur les tenants et aboutissants de ces élections.
    Loin de la propagande et des réglements de compte sur les évenements liés au communisme (Holomodor entre autre) l’Ukraine est un peuple slave et ont encore le choix, ce qui nous a été retiré et volé depuis 30 ans déjà.

    Toute tentative de mitoner un ’yalta" onusien se heutera a une triste finalité et cet asservissement la l’Ukraine l’a déja maintes fois subit, pas sur qu’elle en veuille un autre, n’en déplaise aux reveurs Euro-Atlantistes.

    5% au sortant !!

    Corruption ?, népotisme ?, clientelisme ? mensonges ? etc etc chez ce parangon de vertu qu’avaient érigé nos Zélites de la comm ? c’a me rappelle quelqu’un de chez nous, placé lui aussi par le meme aréopage bienfaisant.
    5% au sortant !!
    putain si c’a pouvait se dire et se reproduire ici , devinez pourquoi les « média-libres » n’en disent mot, ...on ne sait jamais. chut !!
    Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien.


  • Arunah Arunah 7 février 2010 02:15

    Bonjour Yannick !

    Merci pour cer article intéressant sur un sujet assez mal traité dans les média français.

    On ne sait que souhaiter à l’Ukraine prise entre le marteau et l’enclume... La tutelle de la Russie est en effet insupportable - les camarades étant totalement dénués de tact et c’est un euphémisme - le nationalisme ukrainien ne peut que déboucher sur un appauvrissement culturel et la tentation de l’Occident pouvant se terminer en sécession, hypothèse sur laquelle travaillent les stratèges américains...

    Tout de même, l’option Yanoukovitch serait la pire...


  • Arunah Arunah 7 février 2010 18:09

    Voici un commentaire pertinent trouvé dans le courrier des lecteurs d’un article du Figaro « Ianoukovitch laboure les terres de l’Est de l’Ukraine »
    http://www.lefigaro.fr/international/2010/02/06/01003-20100206ARTFIG00154-ianoukovitch-laboure-les-terres-de-l-est-de-l-ukraine-,php?mode=comr


  • Arunah Arunah 7 février 2010 18:12

    Voir le commentaire de castorp001


  • Ivanna 7 février 2010 20:18

    Bonjour,
     
    Tout d’abord, je tiens à remercier Yannick pour avoir diffusé mon point de vue auprès des lecteurs d’Agoravox. Ensuite, je vous remercie, chers lecteurs, pour vos remarques et commentaires.
     
    Une des remarques que j’ai lue avec un intérêt tout particulier portait sur la Révolution Orange. Je n’irai pas jusqu’à contester le fait que les Etats-Unis soient fortement intéressés dans les processus politiques en Ukraine, ni l’existence et l’activité des ONGs étudiantes serbes. Mais encore une fois, la vision répandue en France - et pas seulement - tend à assimiler les acquis de la Révolution orange en Ukraine à la stratégie et surtout au financement états-uniens.
     
    Hors, la Révolution Orange a été financée par les PME ukrainiennes et a d’ailleurs réussi grâce à ces dernières. M. Philippe de Suremain, ancien Ambassadeur de France en Ukraine, a vécu les événements de l’intérieur et partageait cet avis lors d’un entretien que j’ai eu avec lui sur ce sujet. Observateur actif du processus et en fonction jusqu’à 2005, il confirmait que cette réussite était due à la classe moyenne ukrainienne.
     
    Pour preuve, un événement en Ukraine probablement aussi méconnu dans les médias que dans l’opinion publique : en 2001, la campagne « Ukraine sans Koutchma » déclenchée suite à l’assassinat d’un journaliste indépendant, charismatique et opposant au régime du président Koutchma, Georgiy Gongadze, suivi de la publication, grâce à l’ancien gardien au cabinet du président, Melnytchenko, des enregistrements audio réalisés clandestinement dans le bureau du chef de l’Etat. Tout le pays a entendu la voix du président Koutchma employant un langage cru et donnant l’ordre d’éliminer le journaliste. L’authenticité des preuves est toujours en cause. Vous vous en souvenez peut-être : la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg, donnant raison à Miroslava Gongadze, la veuve du journaliste assassiné, et condamnant l’Etat ukrainien pour ne pas avoir fait le nécessaire afin de protéger la victime et d’effectuer les investigations appropriées dans cette affaire…
    Bref, la campagne populaire de la résistance « Ukraine sans Koutchma », a été initiée et menée par 3 forces : le Parti socialiste, une ONG - « Le Comité civil pour la vérité » - essentiellement étudiante, et un mouvement de droite à tendance radicale UNA-UNSO. J’aurai appelé cette campagne la répétition principale (« dress rehesle ») de la Révolution Orange. Financée par les Etats-Unis, la manifestation de Kiev a connu un échec total. Pourquoi ? Parce qu’elle n’avait pas suscité le support total de toute le population ukrainienne. Les étudiants de l’Ukraine de l’Ouest, appuyés par les militants socialistes des autres régions ne représentaient pas la résistance du pays entier. La mentalité n’avait pas encore mûri.
    Et le financement américain ? Qui a touché - ou même vu - l’argent américain à l’époque mis à part les quelques chefs politiques du mouvement ! Idem pour la Révolution Orange, tout a été payé par les PME ukrainiennes : frais de transport, essence, vêtements chauds (les conditions climatiques furent très sévères lors des événements), nourriture… etc. Les PME savaient que si le leader du clan - « à moitié » criminel - des hommes d’affaires de Donetsk arrivait au pouvoir, les règles changeraient à jamais. De plus, la population voulait en finir avec la manière ouvertement cynique de négliger ses choix.
     
    Et maintenant, l’intrigue du 2e tour… Le vendredi 5 février - à 2 jours du résultat - la nouvelle rédaction de la loi sur « l’élection du Président de l’Ukraine » est entrée en vigueur. Les modifications ont porté avant tout sur le quorum exigé qui n’est plus nécessaire (auparavant 2/3 des membres de la commission électorale). Au risque de perturber le calcul des résultats ?
    En tous le cas, la Commission de Venise du Conseil de l’Europe avait déconseillé à l’Ukraine d’apporter ces modifications entre les 2 tours. Ce qui est chose faite. Connaissant les méthodes des 2 candidats à la présidentielle en Ukraine, le calcul définitif des votes du 2e tour ne se fera certainement pas dans la tranquillité requise. De plus, avec ces modifications de « dernières minutes », le candidat battu disposera-t-il d’arguments supplémentaires pour multiplier les procès-verbaux auprès des tribunaux de toute instance pour contester le résultat du vote ? Nous le verrons bien très rapidement…
     
    Cordialement,
    Ivanna Pinyak

    • Alexandre 7 février 2010 21:02

      Il est de notoriété publique que Georges Soros (il l’a lui-même dit publiquement) et la NED ont directement financé et organisé la « révolution » orange.
       Pourquoi tenter de le nier ?

      De même que le gouvernement américain a fait pression sur les médecins autrichiens chargés de déterminer la cause de son empoisonnement qui aurait eu lieu au cours d’un repas avec son adversaire politique ( très vraisemblable !)
      http://www.rfi.fr/actufr/articles/103/article_68916.asp


    • Alexandre 7 février 2010 21:14

      l’empoisonnement de Iouchtchenko, of course


    • pingveno 8 février 2010 14:17

      Bonjour Ivanna

      Merci cordialement pour votre réaction et d’avoir pris le temps de bien lire les commentaires.
      Je n’avais pas parlé du financement, surtout de la stratégie, mais il est vrai que ça peut sans doute aller de pair.
      Ce que vous dites montre que les américains ne gagnent pas à tous les coups (du moins à la première tentative). N’empêche que je doute que sans eux l’évolution des événements eussent été différents de ceux survenus en Biélorussie quelques mois plus tard. Je n’encense pas pour autant les américains loin s’en faut : pourquoi donc n’ont-ils rien fait pour la Biélorussie ? Pourquoi après avoir aidé la Géorgie à se débarrasser de Chevarnadze, laissent-ils désormais le dictateur qui lui a succédé faire ce qu’il veut ? Tout simplement parce que ce nouveau président leur plaît bien. Alors je me doute que si la perspective de manifestations annoncée par Timochenko se confirme, les américains choisiront vite leur camp...

      Pendant la Révolution Orange, un ami américain qui accompagnait sa petite amie ukrainienne témoignait d’une certaine consternation devant la pauvreté des arguments avancés par les révolutionnaires. Ющенко и всё... (oui, en russe, moi aussi ça m’a surpris) On avait vraiment l’impression que les manifestants étaient embrigadés et défendaient leur candidat sans trop savoir pourquoi, quitte à accepter une dictature chassant l’autre.
      Heureusement l’Ukraine a su dépasser ce stade, ce que n’a pas su faire le voisin géorgien.

      Voila pourquoi je vous trouve trop sévère avec votre peuple et sa jeune démocratie. Un président sortant qui fait 5%, on aimerait bien voir ça en France... Croyez-vous vraiment que les 30% d’électeurs de Sarkozy (du premier tour) l’ont tous choisi avec enthousiasme, plutôt que parce que c’était le « moins pire » ?
      Alors espérons que vous avez raison et que les candidats ne sont pas aussi marqués en politique étrangère que ne le présentent les médias occidentaux.

      En tout cas merci pour ces précisions qui enrichissent bien le débat.

      на все добре


Réagir