samedi 8 octobre 2005 - par Tahar Hamadache

Elections en Kabylie : pour quel sens ?

Il y a quelques années, le phénomène des commémorations et des hommages aux défunts prenait une ampleur inhabituelle en Kabylie (Algérie). Ce phénomène ne rentrera-t-il pas en compte lors des prochaines élections partielles qui s’y dérouleront ?

Dans cette Kabylie qui a acquis la notoriété de bastion des luttes démocratiques, où le réflexe de garder ou de reprendre l’initiative semblait définitivement ancré, nous avions assisté, notamment depuis le boycott scolaire (depuis 1995), à une dynamique nouvelle dont, c’est le moins que l’on puisse dire, le maître mot est « recueillement », avec gerbes de fleurs et minutes de silence.

On pouvait s’attendre à ce que cette humeur soit le point de départ pour que la société civile rejoigne ainsi les cérémonies officielles et leurs clientèles, ce qui ne s’était pourtant pas produit et était, en tous cas, improbable : le mode opératoire, les attributs et les parements (sauf pour ce qui concerne le drapeau qui a connu un usage populaire exponentiel, gêné seulement très épisodiquement par l’apparition de « l’armoirerie » MAKiste après le ‘’Printemps noir’’), les sites (n’importe où : de ‘’Houbbel’’, le monument aux martyrs d’Alger à la moindre tombe isolée), les dates (n’importe quand : du 1er Novembre au 1er ou au 100e anniversaire de la naissance ou de la mort de la « mémoire » élue à l’occasion), les personnages (on y trouvait aussi bien des personnages plus ou moins illustres que de brillants footballeurs du hameau ou du village voisin) ne coïncidaient pas parfaitement. On pouvait se rejoindre sur la date et pas sur le site, sur le choix d’un site et pas sur le reste. Il y avait aussi une sorte de sélectivité qui ne se déclinait qu’à l’ultime moment : cela ne concernait que les cérémonies officielles, dont l’affluence dépend moins des organisateurs et du programme que d’un intervenant donné ou de rares originalités.

Quand on est impliqué dans des associations bénévoles, on ne peut ignorer ce phénomène, ni se passer de comprendre les rapports qu’il entretient avec la ‘’philosophie’’ qui les anime à l’origine, et les objectifs que nous nous efforcions d’atteindre à l’occasion de réflexions collectives conduites le plus souvent laborieusement. De cette dynamique et de ces efforts de réflexion, intenses mais problématiques, est venue comme un fruit naturel, par exemple, l’observation spontanée d’élus français invités de la ville d’Akbou, regrettant de n’avoir pas de tissu associatif aussi développé dans leur ville. Ils n’étaient, bien sûr, pas venus de Paris. Ils ne sont de plus pas sensés savoir que la ville d’Akbou, affichant vaillamment, à l’occasion de leur présence, de belles banderoles, où il était indiqué que « Il fait bon vivre à Akbou », n’en manifestait pas moins une indifférence ignorante, j’allais dire une indifférence agressive, à l’égard de nos réflexions, de nos doléances, de nos initiatives et de nos associations. Ce qui est valable à Akbou ne l’est pas moins dans des communes un peu moins visibles. Passons sur le fait que cette indifférence s’est avérée coupable lors des moments où, de manière manifeste, il n’était pas bon du tout de vivre à Akbou, par exemple lors des événements du ‘’Printemps noir’’.

Et quand on est sollicité, l’habitude en ayant été prise lors des années M.C.B., à propos de l’évolution politique, on ne peut faire l’économie d’une analyse profonde, aussi imparfaite soit-elle, de la situation socio-politique : puisqu’il fallait à cet égard satisfaire son entourage (sans lequel des choses manqueront), il fallait tenter de comprendre l’évolution politique et la faire sentir à ses interlocuteurs par des exemples toujours frais, toujours tirés de la réalité immédiate, telle qu’elle est vécue par les vis-à-vis. Un peu (à vrai dire, surtout) pour voir en quoi on peut faire évoluer les termes des problématiques auxquelles on faisait face, au sein des associations, au vu de ce qui se passe et de ce qui peut se produire en société.

Ceci nous aura permis de tenter d’impliquer des femmes, de la manière la plus adroite possible compte tenu des mœurs sociales, de l’expérience quasi-inexistante des sujets féminins ainsi que de leurs déterminismes propres ; des artistes, au sein de l’association des Amis de l’art d’Akbou, expérience soufflée, réduite à néant, par la fameuse Délégation exécutive communale, dont les éléments, matériels et humains, ont été comme reversés par enchantement à une association d’activités de jeunes (AAJ) sans aucune suite souhaitable ; des travailleuses et des étudiantes au sein d’une association (dénommée TLEJ, pour s’en souvenir) qui s’est effondrée au premier contact avec une fameuse association citoyenne et en même temps qu’elle ; des femmes entrepreneurs, avec l’association AGIR pour l’insertion et le développement d’Akbou, créée sur les cendres de l’Association Kabylie-Algérie-Méditerranée (AKAM), expérience vite obstruée par les événements du ‘’Printemps noir’’, etc.

Je ne parlerai pas, ici, de l’expérience tendant à former des femmes cadres syndicalistes au sein du SATEF (Syndicat autonome de l’éducation et de la formation) quoiqu’elle ait donné la seule femme déléguée (par son syndicat et par son seul syndicat, au sein du Mouvement populaire de suivi citoyen des événements du ‘’Printemps noir’’, avant que les délégués associatifs et syndicaux ne rejoignent leurs structures d’origine -c’était le cas du SATEF qui a pris cette décision le 12 juillet 2001, rendue publique le 22, et suivi en cela par le Comité de suivi et de solidarité d’Akbou le 02 septembre 2001, et avant que ce qui restait du mouvement ne s’ engouffre dans son ensemble sous l’appellation de ‘’Mouvement des aarchs’’) sur quatre mois d’affilée au sein de diverses structures populaires d’urgence lors du ‘’Printemps noir’’. L’expérience est, ici, plus large que ce que je ne peux décrire à moi seul, et elle a été sabotée de plusieurs façons distinctes, y compris par la tentative de plier une logique syndicaliste à une logique tribaliste, cette dernière n’ayant de surcroît plus cours de nos jours, « tajmaat » étant une forme d’organisation -parmi d’autres- villageoise, rurale, en danger de disparition totale, et les villages s’étant en tant que tels quasiment retrouvés hors du coup lors des événements du ‘’Printemps noir’’ ; cette tentativea été opérée par un universitaire français.

Le hic, concernant ce dernier, c’est que son travail, s’il ne contribue en rien à promouvoir la citoyenneté ni à développer le concept de ‘’Tajmmat’’, et s’il ne sert en rien à endiguer cette disparition, empêche que cette pratique auto-organisationnelle ne disparaisse sans laisser la moindre trace, à la suite de bon nombre d’aspects culturels et sociaux dénaturés par le colonialisme, dépassés par la citoyenneté algérienne et emportés par la crue de la mondialisation et ses divers affluents.

Pourtant, on en aura inéluctablement besoin, de cette forme d’auto-organisation, là-haut dans nos montagnes, là surtout là où l’attrait de l’urbanité n’a pas aggravé la désertion des villages, déjà largement entamée par les camps de regroupement coloniaux et du fait de l’engrenage barbare qui s’est abattu sur les zones rurales pendant les années 90. On en aura besoin partout en Algérie, et, dans l’absolu, dans toutes les agglomérations rurales désirant survivre à la magie mondialiste et à l’ultralibéralisme.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’a pas été commode -d’autant que les priorités abondent- de mettre à distance les thèses d’un « tribalo-laïcisme » constituant pourtant l’amorce d’un intéressant débat, et certains de leurs promoteurs qui semblent imbibés de réflexes néo-colonialistes et « intellecto-paternalistes » sentant de loin la récup, la manip, et l’infiltration.

C’est aussi l’une des importantes raisons pour lesquelles un débat est initié, à la fois par Internet et dans la réalité, notamment au sein de l’association culturelle et sociale ‘’AMSED’’, sur la nécessaire réorganisation de la vie sociale dans un village. On comprendra pour le reste aisément que tout ceci n’apporte quasiment aucune crédibilité aux assertions de ceux qui associent le concept vide : ‘’aarchs’’, ou les comités de villages au patrimoine immatériel que ‘’Tajmaat’’ constitue.

 

J’ai laissé libre cours à ma pensée. Revenons maintenant aux commémorations, à leurs significations, pour enfin déboucher sur leurs rapports avec les élections partielles prochaines qui, sans concerner la Kabylie de manière exclusive, la met tout de même au défi très sérieux de produire du sens, du fait qu’elle est mise en évidence. Puisqu’elle est ainsi mise au défi, il revient à ceux et à celles qui aspirent à la représenter au niveau local (et sénatorial ?) de prouver avec panache qu’ils saisissent parfaitement bien que, pour une fois peut-être, des élections locales revêtent une importance nationale cruciale et que, cette fois-ci du moins, les intérêts des populations locales se télescopent et répondent très fortement, très favorablement et tout à fait mutuellement, aux intérêts du peuple et de la nation algériens tout entiers. Il s’agit de ne pas se tromper. Pas cette fois.

Ce bastion des luttes démocratiques et identitaires s’est retrouvé, on s’en doute, et cela pour d’interminables années, au confluent infernal entre l’exigence du maintien des revendications qu’il a toujours portées, malgré des gouvernements successifs qui ne sont sensibles aux donnes de la politique intérieure que pour en réprimer les prémisses, et l’indécence, mais le refus sourd bien que largement partagé, de soutenir les seules luttes démocratiques, tandis que le pays s’enfermait et sombrait dans un deuil incommensurable du fait de la violence barbare (d’où qu’elle vienne). On notera à ce propos que le terme ‘’berbère’’ commençait tout doucement à être intérieurement rejeté du fait que, en arabe notamment, il prête à confusion avec le qualificatif ‘’barbare’’ ; on en venait à reprocher au MCB de n’avoir pas rejoint le MCA sur l’appellation, d’autant plus que plusieurs se souviennent de la préférence de Mohamed Haroun, un illustre militant de la cause identitaire, qui allait au ‘’Mouvement culturel amazigh’’.

Au même confluent, venaient se jeter des apparitions et des transformations qui affectaient la cohésion, faisaient douter de l’élite, rapprochaient de la perte de repères très sérieux que l’on croyait inaccessibles quand on ne prenait en ligne de compte que les parcours dont l’origine remonte à l’après-indépendance : 80 et 88 en particulier.

Ainsi, dans le désordre, comme il siérait à toute menace de chaos : montée du terrorisme (au sens absolu), aggravation de la pauvreté avec ses corollaires regrettables (prostitution, folie, charlatanisme, soumission au chef, etc.) ; peur quotidienne de la mort et du lendemain ; business électoraliste ; mort tragique ou départ en exil de repères physiques (on parlera longtemps à demi-mot de l’effet du départ en exil d’un grand nombre de cadres culturels -MCB-, associatifs, syndicalistes et partisans de l’effondrement de plusieurs structures, parfois indispensables, et de la suspicion qui a frappé les motivations des cadres restants, ce qui a peut-être conduit un grand nombre d’associations culturelles à cesser de regarder du côté du Congrès mondial Amazigh ; on en parlera longtemps à demi-mot, avant d’en saisir en toute conscience la portée et les conséquences) ; lotos d’émigration aux Amériques, farouchement concurrencée par l’octroi de la nationalité française ; appât des sources financières, en devises si possible qui, à un certain moment, a dû sembler à d’anciens collaborateurs volontaires et zélés de l’armée coloniale une occasion de prétendre avoir raison a posteriori, etc. Quiconque pouvait en vaciller à tout moment, et la terre même menaçait de s’échapper de sous les pieds de tout le monde ! Il fallait se surveiller les un(e)s les autres, se défier de tenir plus longtemps, se méfier et se rassurer en fonction de positions d’instants, guetter l’apparition furtive de repères collectivement reconnaissables... Tout ceci a concouru à tisser une abominable toile faite de sentiments d’impuissance et de culpabilité, qui donnent plus d’acuité à la nécessité d’efforts de réparation, de sentiments de menaces multiples qui rendent plus net encore le devoir de ne permettre aucune victoire décisive à toute force suspecte (et elles l’étaient toutes devenues), de sentiments d’échec aiguisant la production d’efforts inouïs pour les surmonter, efforts vaillamment contrés par l’état d’urgence, l’insécurité absolue et la peur, sans doute atroce, des responsables certainement rendus plus incompétents que nature par l’impérieuse autorité de leurs ‘’feuilles de routes’’ respectives, de voir de nouvelles têtes, surtout lorsqu’elles sont groupées, émerger.

N’ai-je pas, moi-même, entendu un important responsable de la culture dire qu’il y a danger à mêler des intellectuels en vue à des associations locales ? C’était, je crois, au cours de l’année de l’Algérie en France... Les paroles d’un tel responsable rejoignent d’ailleurs à point nommé les propos tenus par un responsable de lycée à l’égard d’un adjoint d’enseignement, lui enjoignant de ne pas réfléchir à son travail (« tu n’es pas payé pour réfléchir », lui avait-il dit) pour étayer l’hypothèse de feuilles de route qui cultivent l’incompétence et approfondissent l’écart entre responsables et subalternes, entre société civile et partis politiques, entre citoyens de tous horizons et les chapelles quelles qu’elles soient. A un autre niveau, le même comportement peut être décelé dans les rapports entre gouvernement et syndicats autonomes, entre « pouvoir » et partis politiques d’opposition.

Ainsi, au fur et à mesure des difficultés connues par le pays, l’émergence n’est plus associée à des idées nouvelles, qui peuvent être en meilleure adéquation avec la réalité, pour ne signifier plus que danger d’infiltration, lequel cache bien souvent la peur de la rivalité et l’embarras du choix de la promotion pour les parvenus, défonctionnalisant ainsi la tradition de l’association, de la collégialité, de la concertation, du partage et, partant, enrayant la perspective démocratique et citoyenne inscrite dans la continuité historique de la nation, et, culturelle, de la société.

La persistance pour de longues années de cette abominable toile, sans résistance, aurait signifié l’évidement progressif des âmes et des corps, l’érosion de la réalité et l’évanouissement progressif de l’existence sociale.

Il est extrêmement utile, il me semble, d’observer que même la religion a cessé de constituer un rempart suffisant. Même la mosquée avait cessé d’être un refuge sûr, sombrant ainsi dans l’époque des saints Califes où, de toute évidence, elle n’était pas encore soustraite au champ de la guerre, elle qui était, pour l’homme kabyle comme pour tout être humain de passage, un refuge protecteur plus sûr que la protection due à un enfant ou à une femme, comme elle était aussi pour toute femme plus qu’un bébé ou un métier à tisser, comme étaient la source d’eau et le gîte pour les proies animales.

Les islamistes, ayant gravement entamé la cohésion des rangs des pratiquants lors de la prière même, par l’introduction de diverses manières de se tenir pendant la prière (parce qu’il n’y en eut pas seulement une puis deux, mais progressivement plusieurs), n’ayant pas favorisé la cohésion sociale face à d’autres menaces survenant par les pratiques tout à fait fractionnantes qu’ils introduisaient par faits accomplis successifs, et les autorités, pour de solides raisons sans doute, ayant soumis la mosquée à la fermeture à clefs hors du temps de prière et l’imam à diverses manières de contrôle, la religion -et la mosquée !- étaient elles-mêmes intégrées dans l’inventaire de ce qui est menacé et à sauvegarder. C’était à ces moments que l’on pouvait rencontrer des non-pratiquants (nom générique) se soucier de la stabilité de la mosquée de leur quartier ou de leur village, et frayer, à un imam jaugé et jugé « normal », des voies de sympathie parmi les leurs, et même s’intéresser aux petites disputes entre gens pieux au point d’y intervenir par moments pour les intérêts des vénérables ‘’belligérants’’, pour enfin répondre le plus sérieusement du monde par « Nchallah ! » quand l’un d’un d’eux écope de la prière rituelle mais toujours sincère : « Ad k-id-ihdu Rebbi » (Que Dieu te montre la voie -de l’observance-).

« Asmar ad yfak u3erd’i, ad tenger ddunnit » (Quand il ne se trouvera plus aucune personne vertueuse, la vie -la terre- s’anéantira), dit un proverbe berbère de Kabylie. Ainsi, la notion de « 3naya » (protection) a dû se déplacer, portée, pour la traversée de l’effroi, par des épaules et des lieux pour lesquels la forme ne militait pas même s’ils y sont intrinsèquement ou intelligemment prédisposés.

Ces préoccupations inédites dans la vie du « bastion de la démocratie », ce « cœur palpitant de l’Algérie » soumis à l’électrochoc chaque fois que l’on veut prouver qu’il y a de l’électricité dans l’air, à défaut de courant qui passe, on ne peut pas les intégrer dans le confluent infernal : leurs retombées immédiatement bénéfiques et rassurantes faisaient de ces occupations des moments de régénérescence, de réjouissance intime, presque de loisir pour ceux qui s’y appliquaient. Il arrive que l’on s’y ennuie, mais comme l’ennui qu’on en a peut être doux et édifiant, comparé au désarroi né des questions pour lesquelles les réponses n’étaient pas encore inventées !

C’est face à cette abominable toile que le génie juvénile, progressivement suivi dans son mouvement par les autres franges de la population, a opposé ce stratagème, innocent mais puissant, de commémorations - hommages.

On n’organisait pas comme naguère de collation pour qui rentre d’exil (sauf pour quelques cas triés sur le volet, dont des exceptions majeures connues de tous) ; il était même arrivé que des émigrés se plaignent d’une ignorance de leur présence. Suspendue à un point invisible, l’enseigne « Ruh na& qqim » (pars ou reste) est deviné par plus d’un(e). D’usage, on se raconte mieux des aventures individuelles, mais on partage mieux les peines collectives. On ne discutait plus ouvertement et on ne sanctionnait d’aucune manière les attitudes jadis sévèrement réprimandées, mais on ne cessait pas du tout de les réprouver et, parfois, de les reprocher discrètement quand on escompte un possible rapprochement. Mais on organise un tournoi sportif, une soirée artistique, une exposition, à la mémoire d’un valeureux, d’un vertueux, d’un martyr (de la révolution ou du devoir), d’un militant honnête ; on commémore des dates historiques, révolutionnaires, guerrières (tel ou tel accrochage avec l’armée coloniale inscrit dans la mémoire collective locale) ; on participe aux cérémonies et célébrations officielles dans lesquelles un élément ou un autre inclus est élu dans les cœurs...

Quand on pense à la somme d’énergies déployées, de mobilisations solidaires suscitées (notamment, lors des préparatifs, sur le plan financier), d’enthousiasmes et de contenus significatifs donnés à ces activités (éparses pour qui, paradoxalement, ne peut les voir que de haut), il serait tout bonnement absurde de s’arrêter au seul intitulé commémoratif ou de recueillement qui constitue, à n’en pas douter, un contenu connexe et d’égale valeur, du reste.

Puis il est inutile de le souligner, quand on a vu ce que cette parade religieusement festive, démocratique et pacifique, opposée à l’abominable toile, peut produire face à un ‘’Printemps noir’’.

N’est-ce pas que la preuve a été donnée qu’aucun appât, aucune terreur, aucune démagogie, aucun manquement au mandat accordé (élu, délégué ou autre), aucun mensonge ni contrevérité, aucun oubli, aucune inattention, ne passe inaperçu(e) et ne méconnaît de suite appropriée, même cocasse ? N’est-ce pas que les adultes, quels qu’ils soient, ont été soumis à des épreuves de vérité, autant que faire se pouvait, au cas par cas, dussent-ils être président (d’APC ou autre), ministre, député, wali, commissaire, affairiste, militant ou autre ? N’est-ce pas que dans le temps même où la peur des balles est perdue, qu’elles soient en caoutchouc ou en ferraille, où la ‘’hogra’’ (que l’on devrait traduire par : toute tentative d’aliénation et de soumission) est mise au ban des pratiques politiques, policières et sociales, que des institutions ont été protégées (dans l’esprit des émeutiers) et que le contenu de la Révolution, faite par le peuple et pour le peuple, réapproprié et réhabilité (y compris par l’enterrement d’émeutiers aux côtés de leurs aînés révolutionnaires morts pour l’indépendance de l’Algérie ?

Une règle stipule que tout ‘’délégué’’, pendant la validité de son mandat, ne peut postuler à un mandat électoral. Il en est de cette philosophie diffuse. On aurait dû se l’expliciter davantage. Elle devrait d’abord signifier la fin des doubles et triples mandats exécutifs, et le début de l’ouverture à l’émergence de nouvelles capacités à même de transformer le système pour le rendre plus en phase avec la continuité historique et avec les exigences de l’heure. Les partisans du statu quo lui ont accolé, par la magie des mass-médias, l’absurde « départ du système », ce qui n’annule aucunement l’exigence initiale, ni son sens premier. Il devrait signifier aussi la fin de la propulsion de quiconque par les vagues populaires d’individus égoïstes à des positions de confort exclusivement personnelles : cela s’adresse aussi bien à d’éventuels indus élus (un indu élu est quelqu’un que l’élection transforme d’office en membre d’une classe privilégiée et arrogante, tels ceux dont on dit : « Muh nte3-na t’le3 » ‘’Notre Mouh est monté’’) qu’à d’autres sortes d’indus militants, à la quête qui d’un exil politique, qui d’une opportunité quelconque, dont le cursus militant devient monnaie d’échange.

Il devrait signifier, plus que tout, un degré de maturité politique en milieu populaire et juvénile en-deçà duquel il sera, à moins d’une catastrophe appropriée, impossible de revenir, quelles que soient les épreuves à venir.

Il reste que, lorsqu’on a été attentif au vivier initial d’un tel état d’esprit populaire, lorsqu’on a lucidement regardé à la fois l’abominable toile et l’attitude générale qui lui a été opposée, lorsqu’on se croit militant, on se devait d’ébaucher des perspectives d’espérance, d’éveil et de permanence, d’initier des expériences -jugées parvenues à maturité de réflexion- que l’on sait d’avance vouées à l’échec par la férocité des forces contraires ou contraignantes.

Il en était de même face aux manipulations, aux infiltrations, aux dévoiements et aux errements qui ont pu émailler le mouvement citoyen, sensé prendre instantanément la relève du chaos du ‘’Printemps noir’’.

Les expériences ayant échoué faute de puissance face à l’adversité sont-elles perdues ? Cela ne pourra se savoir qu’à travers l’imagination que déploiera la société pour se hisser au niveau de ses aspirations dans l’avenir. Pour notre part, nous pensons toujours ceci : proposez toujours des idées et des actions propres à voir, à comprendre, à s’initier, à s’expérimenter ; il en restera toujours quelque chose ! Et qui vivra y viendra, ou en fera les frais.

Dans un mois, une campagne électorale sera consacrée au bastion de la démocratie : il est quasiment certain qu’elle sera comme un moment de bilan des quatre années écoulées. Ceux qui l’animeront sauront-ils se hisser à la hauteur des sens porteurs et profonds délivrés par les événements passés sur l’étendue du territoire national ? Sauront-ils honorer ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous, et regarder sans fausse pudeur, sans méchanceté ni outrance, ‘’ce qui ne va pas’’ ? Si c’est le cas, la locomotive sera bien huilée et repartira bel et bien, et de plus belle, dans dix-huit mois.

Akbou, le 07 octobre 2005, Tahar Hamadache.



4 réactions


  • Alexandre Santos (---.---.166.143) 9 octobre 2005 03:18

    J’apprécie beaucoup la présence d’articles sur le Maghreb et la francophonie en général. C’est l’occasion d’échapper au tropisme franco-français des grands médias francophones (et français).

    Par contre je dois admettre que je ne suis pas parvenu à lire cet article. J’ai rencontré deux difficultés :

    - trop spécialisé : il est fait mention de beaucoup d’événements, concepts qui me sont totalement étrangers et qui m’empêchent de savoir de quoi parle l’auteur. Une introduction plus générale aurait été bienvenue...

    - un texte trop long ? Lorsque je me suis rendu compte que je ne comprenais plus rien, j’ai vu à la progression de l’ascenseur que je n’étais qu’à 25% de l’article, ce qui m’a définitivement découragé de poursuivre la lecture. Peut être que le tout serait plus digeste si le texte était divisé en plusieurs articles, une série ?

    Cela ne veut pas dire que je pense que l’article soit déplacé. Je me réjouis que cette tribune soit francophone et non uniquement eurocentrique.

    Mais vu que beaucoup de ses lecteurs ne sont pas forcément maghrebins, pourquoi ne pas en profiter pour leur permettre de prendre connaissance des réalités de l’afrique du nord en débutant l’article par une introduction qui présente le contexte ? Je pense que cela sera nettement plus profitable pour tout le monde sans forcément nuire au contenu de l’article lui même.


  • Tahar Hamadache (---.---.135.124) 9 octobre 2005 15:24

    L’article est si long pour plusieurs raisons. La raison capitale est qu’il s’agit d’un écrit militant qui rend toutefois compte d’enjeux et de réalités diverses, et parfois successives, qui peuvent intéresser des segments dynamique de l’opinion publique.

    Quand je parle d’écrit militant, c’est aussi pour dire qu’il est appelé à connaitre des suites, d’autres textes moins digressifs et plus précis, d’ici la tenue des élections partielles prévues pour le 24 novembre prochain. Celui-ci tient lieu d’amorce d’un débat à plusieurs directions.

    J’y pense, en effet, à la reconstruction de l’article en forme de série. C’est une bonne idée que vous venez de soutenir.

    Je vous remercie pour l’ensemble des observations que vous avez émises : j’en prend note :)

    Tahar.


  • kaci (---.---.100.99) 31 octobre 2005 13:54

    moi je pense que l’election est un enjeu importens et c’es la force dagire . C’est dire oui a la democratie et benificer des resultas de temps d’annes de soufranse et combats et comme ça le gouvernement corompus seras se que c est la kabylie et l’importance qu’elle as dans lAlgerie kaci


  • idir (---.---.130.11) 16 novembre 2005 11:50

    Elite conjoncturelle en Kabylie Il y a une fondamentale différence entre le concept que nous appellerons l’élite humaine, et ce qu’il est convenu d’appeler les élites socio-politiques, économiques ou professionnelles. L’élite, au sens que nous lui donnons, est universelle, de tout temps, de tout espace, de toute ethnie, de toute nation ou partie du monde, de toute religion ou conception du monde, de toute classe, de toute idéologie. aujourd’hui dans cette Kabylie livrer a elle même le système fait ériger des opportunistes de toute acabit, je pense qu’il faut redonner a chacun la place qu’il mérite,l’élite doit jouer son rôle dans la société. Le mouvement citoyen a permis a des gens sans scrupule d’être a l’avant garde. L’élite fuit le pays ou se trouve dans des cafés c’est là le vrai problème.


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