Et pendant ce temps-là... à Gaza et au Zimbabwe
Pendant que le président de l’Union Européenne succombe aux délices des voyages quotidiens et inutiles à l’autre bout de la planète, le monde change.
Si le plus grand brasseur d’air de l’Histoire de France n’en parle pas, cela ne veut pas dire que ces événements n’ont jamais eu lieu, mais plutôt :
- qu’ils ne sont pas assez nobles pour qu’il s’en occupe, pas assez bling-bling en somme
- qu’il ne peut rien y changer tout président qu’il est
- que ses amis, généreux contributeurs de sa campagne électorale, voient d’un très mauvais oeil une quelconque intervention ou allusion
- qu’il profite d’une autre rencontre - maintes fois décalée - pour faire parler de lui
Moyen-Orient
L’AFP, seule source d’informations a minima fiables de France, vient d’annoncer ce matin qu’Israël a arraisonné un bateau qui s’appareillait pour rejoindre Gaza. Ce bateau était chargé de vivres et de médicaments pour cette terre isolée de tout, véritable prison et mouroir de 1,5 million d’êtres humains, à ciel ouvert.
Un camp de la mort en plus moderne, où des êtres humains privés des plus banales libertés et des besoins vitaux pour assurer une vie quotidienne décente, comme l’eau potable et l’électricité, en deviennent fous au point, pour certains, de devenir des kamikazes. La pauvreté étant le meilleur terreau pour le terrorisme.
Ainsi donc ce bateau a été stoppé par TsaHal au seul motif qu’il allait enfreindre l’embargo décrété par le gouvernement israélien à l’encontre de Gaza, embargo décrété en représailles de la prise de pouvoir du Hamas à Gaza fin 2007 et d’énièmes attaques à la roquette contre des colons israéliens de l’autre côté de la frontière.
Alors même que l’Histoire nous a maintes fois prouvé qu’un embargo ne cible jamais les personnes, les groupuscules ou les régimes qu’il était censé affaiblir. Non, il n’a d’autre impact que d’affaiblir encore plus intensément les peuples qui vivent sous la coupe des responsables traqués comme en Irak, à Cuba, ou en Corée du Nord…
Evidemment si l’armée israélienne empêche le départ d’un tel navire, on imagine aisément qu’il y avait parmi les denrées et les secours, des armes, des explosifs voire des terroristes déguisés en marin.
Que nenni ! En plus d’un personnel humanitaire était présent à son bord : des députés arabes israéliens, ainsi que des militants pacifistes israéliens et des représentants du mouvement islamique israélien.
Pas de quoi aider les dangereux terroristes - ou résistants selon le point de vue - du Hamas.
Le député arabe israélien Ahmed Tibi a ainsi déclaré à l’AFP que “Les autorités israéliennes laissent faire les colons qui sévissent contre les Palestiniens en Cisjordanie et empêchent dans le même temps une action humanitaire en faveur de la bande de Gaza”.
Un apartheid vécu également au cœur même de la ville sainte de Jérusalem où, à l’instar de Berlin Est et Berlin Ouest du temps du bloc soviétique, la ville est économiquement et socialement coupée en deux, les hébreux israéliens d’un côté et les arabes israéliens de l’autre, la prospérité et la sécurité d’un côté, la misère et l’abandon des autorités de l’autre.
Zimbabwe
L’Afrique noire n’en n’a pas fini avec ses vieux démons de dictateurs, anciennement soutenus par des dignitaires occidentaux schizophrènes et amnésiques.
Robert Mugabe, pourtant battu aux dernières élections, continue de s’accrocher à son poste de président virtuel, en véritable drogué du pouvoir et de l’argent.
Pendant que son propre peuple meurt de faim et depuis quelques semaines du choléra, le vieux lion aveugle et désespéré se contente de faire éditer de nouveaux billets de banques, dont un de 200 millions de dollars zimbabwéens, pour endiguer l’inflation gigantesque que sa politique économique inflige à son pays.
Pays maintenant affamé pourtant considéré comme le plus riche en ressources naturelles et en productions agricoles faisant partie du grenier à blé de l’Afrique.
En tant que président de l’Union Européenne, il eut été normal que Nicolas Sarkozy intervienne. Pour une fois, sa prise de parole aurait été utile et sérieuse.
Mais devant la mollesse pesante du meilleur commercial de France, en déclarant lundi que l’adoption de nouvelles sanctions était “probable” contre le régime de Mugabe, c’est le Premier ministre britannique Gordon Brown, cherchant à redorer son blason à l’international, qui a exprimé vigoureusement son ras-le-bol, avec un “Trop c’est trop”, devant les atermoiements habituels de la bureaucratie européenne et onusienne.
Il a ainsi exigé de toute urgence une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire face à une crise devenue “internationale” : “Internationale, parce que la maladie (le choléra) traverse les frontières. Internationale, parce que le système de gouvernement au Zimbabwe est cassé, il n’y a pas d’Etat capable de s’occuper du peuple. Internationale, parce que nous devons nous lever ensemble pour défendre les droits de l’Homme et la démocratie et dire avec fermeté à Mugabe que trop c’est trop”.
Le ministre des Affaires Etrangères britannique David Miliband a enfoncé le clou en précisant qu’au Zimbabwe “l’économie est en chute libre” [...] “L’éducation et le système de santé sont en échec. Les infrastructures publiques sont en fin de vie et le gouvernement ne veut pas et ne peut pas s’occuper de son propre peuple”
Etant visiblement incapable d’assurer ses fonctions à l’échelle nationale, Nicolas Sarkozy à l’instar de son prédécesseur Jacques Chirac, se doit pourtant de réussir sur le plan international.
Manifestement, une fois de plus, le monde entier assiste à un fiasco diplomatique et politique qui enfonce une fois de plus l’image de la France dans les abîmes des pays pro-Bush, incapable d’être la voix de l’Europe.
Difficile d’être présent à la fois à un forum pour défendre, sans aucune sincérité, des quotas de pollution en Pologne - pays producteur de charbon - et de faire le pitre avec le Dalaï-lama en s’en justifiant auprès des autorités chinoises, tel un petit garçon pris en train de voler des bonbons, et dans le même temps s’occuper des relations internationales pour sauver des vies en Afrique. Bernard Kouchner et Rama Yade, qui auraient dû assurer l’intendance, étant certainement en pleine préparation de leurs fêtes de fin d’année.
Une bien pathétique et pitoyable image de la France qui préside actuellement l’Union Européenne.
Pour information, le choléra a déjà tué plus de 600 personnes, en a contaminé 13.000, tout cela sur fond de misère d’état avec une inflation de 231 millions pour cent. Le fléau se propage actuellement dans les pays voisins comme le Botswana et l’Afrique du Sud.
Finalement, en ce jour du 8 décembre 2008, Nicolas Sarkozy lors de son discours du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme s’est fendu d’un : “Le Zimbabwe a suffisamment souffert. Toutes les discussions ont été engagées (…) mais il est un moment où, quand un dictateur ne veut pas entendre, ne veut pas comprendre, les chefs d’Etat et de gouvernement doivent cesser de discuter. (…) Il doit partir”.
Mieux vaut tard que jamais.
Emachedé
Auteur du Blog CPolitic