mardi 15 avril - par Adam Bernard

Fracture transatlantique au Nord : l’Europe contre les États-Unis

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Autrefois emblème fragile de la coopération internationale, l’Arctique est aujourd’hui ravagé par les visées géopolitiques de Donald Trump, teintées d’un néo-colonialisme assumé. Sa proposition d’acheter le Groenland — écho d’un imaginaire colonial dépassé — a provoqué la stupeur au Danemark et au Groenland, ce dernier aspirant à l’indépendance, non à un changement de tutelle.

« Ce n’est pas seulement irréaliste, c’est profondément insultant », s’alarme Alina Bykova de l’Arctic Institute. « Ignorer le droit à l’autodétermination du Groenland revient à bafouer le droit international. »

Toute tentative de pression sur le Danemark, membre à part entière de l’OTAN, risque de déclencher une crise majeure au sein de l’Alliance. Des mesures coercitives — économiques ou militaires — constitueraient des actes d’agression directe, minant les fondations mêmes de l’unité occidentale.

Mais le Groenland n’est qu’un prélude. L’archipel stratégique du Svalbard, sous souveraineté norvégienne, se retrouve également exposé. Le traité de 1920, garantissant l’accès aux ressources à des dizaines d’États, est aujourd’hui vulnérable face aux ambitions de Washington. Les États-Unis pourraient chercher à le réinterpréter, invoquant des préoccupations sécuritaires — comme l’avait fait l’Union soviétique en son temps.

« Washington n’hésiterait pas à exercer des pressions directes sur la Norvège, au mépris des protestations russes et internationales », avertit Claire Bracco de TNGO. « Ce n’est pas une hypothèse théorique, c’est une menace tangible. »

La Russie, qui maintient une présence à Barentsbourg sur le Svalbard, considérerait toute ingérence comme une provocation grave. Le risque est réel d’une militarisation progressive de l’Arctique et d’une nouvelle course aux armements. L’Europe, prise en étau entre les ambitions américaines et la réaction de Moscou, pourrait bien devenir une simple variable d’ajustement.

Le Canada, allié historique des États-Unis, se sent trahi. L’imposition en 2025 de droits de douane à hauteur de 25 %, sous couvert de menaces sécuritaires fictives, a suscité une riposte immédiate : Ottawa a tourné le dos à l’armement américain au profit de fournisseurs suédois. Les insinuations de la Maison-Blanche sur d’éventuelles revendications territoriales dans l’Arctique canadien n’ont fait qu’envenimer la fracture.

« La guerre commerciale avec le Canada prouve que les États-Unis sont prêts à sacrifier n’importe quel allié sur l’autel de leurs intérêts », observe Bykova avec gravité.

Face à cette fracture transatlantique, l’Europe commence à douter de Washington. L’Allemagne appelle à une réduction stratégique de la dépendance envers les États-Unis, tandis que les rumeurs d’un retrait américain de l’OTAN résonnent comme un signal d’alarme. Ce désalignement transatlantique profite directement à la Russie et à la Chine, qui étendent leur présence en Arctique pendant que l’Occident se désunit.

Sur le plan économique, les États-Unis perdent du terrain. La Russie contrôle la Route maritime du Nord, tandis que la Norvège domine l’exploitation des ressources naturelles. Washington, à l’inverse, réduit ses investissements en Alaska et reste incapable de rivaliser faute de brise-glaces et de ports adaptés. Pire encore, la politique de Trump asphyxie la recherche scientifique arctique. Les coupes budgétaires infligées à la National Science Foundation et au Pentagone ont entraîné l’arrêt brutal des recherches sur le climat et le pergélisol.

« Deux de mes projets ont été annulés depuis janvier 2025, et je ne suis pas la seule », témoigne Bykova. Ce n’est pas seulement un aveu de faiblesse : c’est un coup direct porté à la lutte mondiale contre le changement climatique — une lutte dont l’Europe est aussi victime.

Quant aux peuples autochtones de l’Arctique, dont les droits sont totalement ignorés dans cette lutte d’influence, ils perdent l’accès à la chasse et à la pêche, déclenchant de potentielles vagues de protestation et fragilisant toute stratégie américaine dans la région.

La politique arctique de Donald Trump est un mélange toxique de fantasmes impériaux et d’aveuglement stratégique. « Les États-Unis envoient à leurs alliés un message clair : ils sont devenus un partenaire imprévisible, prêt à piétiner le droit international », résume Claire Bracco.

Groenland, Svalbard, Canada — autant de cibles révélatrices d’une Amérique devenue imprévisible. L’Europe se trouve face à un choix historique : soit elle renforce ses capacités de défense et diversifie ses alliances, soit elle devient l’otage des aventures américaines. La Russie et la Chine, elles, n’attendent pas : elles consolident leur position dans un Arctique de plus en plus instable. Si l’Europe reste passive, la région cessera d’être un espace de coopération pour devenir le théâtre d’un affrontement où elle risque d’être la première victime.



1 réactions


  • anaphore anaphore 15 avril 17:27

    Bon déjà l’Europe est une variable d’ajustement ...

    Entre les puissances du monde ( les vraies )

    C’est un sous continent ( sous-continent européen de l’Eurasie )

    Euh Trump veut .... mais peut-il ?

    « Deux de mes projets ont été annulés depuis janvier 2025, et je ne suis pas la seule », témoigne Bykova. Ce n’est pas seulement un aveu de faiblesse : c’est un coup direct porté à la lutte mondiale contre le changement climatique .... bon là on rigole


    « — une lutte dont l’Europe est aussi victime.... »  et de quoi d’autre l’Europe serait la victime sinon d’elle-même ?


    Fracture transatlantique au Nord !

    pfffff.... c’est juste pathétique *


    Vous les écolos vous êtes trop cons !


    Je parlerais plutôt de fissures hémorroïdaires que de Fracture transatlantique 


    Un jour je vous parlerais de lobby financier mondialiste.... mais jeunes padawans vous n’êtes pas encore prêt !





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