Grippe porcine : contact virulent avec le progrès pour les Indiens d’Amazonie
Et autres peuples indigènes...
« Les clients Noirs c’étaient des indigènes qui en bavaient d’envie. Les clients, c’étaient des indigènes assez délurés pour oser s’approcher de nous, les Blancs, une sélection en somme. Les autres de nègres, moins dessalés, préféraient demeurer à distance. L’instinct. Mais les plus dégourdis, les plus contaminés, devenaient des commis de magasin... »
Voyage au bout de la nuit -LF Céline-

Peuples indigènes : ce sont ceux qui peuplaient exclusivement ces terres avant leur colonisation, il y a seulement quelques siècles. Les peuples indigènes contemporains sont les descendants de ceux qui ont survécu aux massacres, aux maladies et à l’oppression, conséquences de la colonisation. Le continent asiatique a connu pendant près de 100 000 ans des vagues successives de migrations, de sorte que de nombreuses populations peuvent vivre dans la même région depuis des milliers d’années, sans en être pour autant les « premiers » habitants. La notion de peuple indigène se fonde alors sur un mode de vie dit « traditionnel » (...) et une relation particulière à leur territoire qui les distingue de la société dominante. (source : Survival )
Si ces peuples ne sont plus, officiellement, menacés comme le furent leurs ancêtres, ils constituent néanmoins les populations les plus vulnérables et les plus à risque d’extinction par épidémie. Disséminés par-ci par-là sur un territoire encore inexploité, source de toutes les convoitises, légales ou illégales, les peuples autochtones résistent comme ils peuvent contre la spoliation de ce qui reste de leur terre. Une terre, qui constitue encore aujourd’hui, un enjeu économique assez puissant pour plaçer la survie des indigènes au rang des préoccupations secondaires des gouvernements nationaux, alliés indéfectibles des industries étrangères, dans la fabrication de leurs destins tragiques.
L’histoire des Grands Andamanais, habitants d’une ile d’Asie, est un drame qui se répètera jusqu’à une fin probablement prochaine, de tous les peuples traditionnels, peu nombreux mais qui occupent les dernières régions vierges de la planète, ou en tous cas, encore dépourvues de Mc Donald et autres enseignes de notre temps. Alors qu’ils étaient 5000 avant l’arrivée des Anglais, il y a 150 ans, les Grands Andamanais ne sont plus qu’une petite quarantaine aujourd’hui. Très hostiles au comportement des colons qui voulaient les déloger de leur terre, les habitants de l’île furent les victimes d’une riposte inégale qui affecta grandement leur nombre mais qui ne les tua pas tous. Les colons décidèrent alors, dans un soubresaut d’humanité, de confiner les Andamanais dans des "camps-refuges" où ils étaient relativement bien traités, plutôt que de se fatiguer à les éliminer jusqu’au dernier. Les nombreux résistants cachés dans la forêt rejoignirent alors cette réserve, mais pour y mourir bientôt de maladie. Le choc "micobiologique" fut bien plus déterminant que le "choc civilisationnel" dans ce qui ressemblera bientôt à l’extinction d’un peuple.
Sur une autre ile de la région, les Jarawa, chassés de leur territoire côtier par les braconniers, s’exilèrent de plus en plus vers l’intérieur de la forêt, jusqu’à, ce que, poussés dans leur dernier retranchement, ils se sont retrouvés sur la route principale, et donc, en contact avec les premiers villages. Forcés de vivre dans cette "réserve", coincés entre les trafiquants et la grand route, les Jarawa firent rapidement les frais de leur déplacement et de leur nouveau mode de vie loin de leur statut séculaire de pêcheurs-cueilleurs, loin de l’océan et des poissons...au bord de la route. En 1999, la moitié de la population des Jarawa fut victime d’une épidémie de rougeole et de pneumonie. Devenus aujourd’hui l’attraction touristique du coin, quand ils ne sombrent pas dans la prostitution ou l’alcoolisme, les Jarawa, comme les autres peuples indigènes soumis au même sort malheureux, se suicident ou disparaissent à petit feu, dans la misère et la maladie, alourdissant encore le bilan morbide des populations autochtones décimées par le contact "brutal" avec le progrès, la modernité et donc la maladie.
Ces ethnocides des populations isolées entrées en contact avec la "civilisation" avaient alarmés dans d’autres régions du monde. Au Brésil, Sydney Possuelo responsable du Département des tribus inconnues au sein de la FUNAI - Fondation, sous la tutelle du Gouvernement brésilien, chargée de préserver les tribus isolés- fut un ardent défenseur de la cause au sein de l’institution, avant d’être licencié, après 30 ans de service, lorsque qu’il s’est opposé médiatiquement, à son boss, Mércio Pereira Gomes, président de la dite fondation, qui avait, en 2005, tenu à l’agence Reuters, des propos dignes d’un investisseur potentiel,
"Les Indiens brésiliens ont trop de terres et il faut que le Suprême tribunal fédéral fixe une limite et mette fin à cette situation. »
Alors qu’au début de sa carrière, Sydney, entrait systématiquement en relation avec les populations isolées qu’il avait repéré, il fut obliger de constater, au fil du temps, que chacune de ses visites avait eu des conséquences plutôt désastreuses sur la santé de ces populations à l’immunité vulnérable. Indigéniste devenu indigeste à ses employeurs, vendeurs d’ absurdités qu’il entendait et qu’il ne pouvait ignorer, Possuelo, continua malgré tout à côtoyer, cette fois de loin, les Indiens du Brésil, dans le souci de leur prodiguer aide ou protection et surtout pour tenter de délimiter leurs territoires en zones interdites à toute intrusion humaine étrangère. Sydney Possuelo, n’a pas caché pas ses regrets d’avoir péché par ignorance, lui qui a dirigé 8 "premiers contacts" avec des populations qui vivaient paisiblement avant de le rencontrer :
" Qu’ont gagné les Indiens à nous connaître ? Ils ont perdu leur autonomie, leurs traditions et contracté des maladies. Une expérience traumatisante. Dans leur univers mental, rien n’explique en effet cette rencontre. Ni leur cosmogonie, ni leur mythologie, ni leurs valeurs. C’est une forme de génocide ! »
Selon ce spécialiste de la mortalité des indigènes contactés, près de la moitié des individus d’un groupe meurent quelques mois après la première visite extérieure. Parfois la mortalité est plus importante et certaines tribus brésiliennes ont vu 3/4 de leur population décimée après un seul contact. Unique peut-être, mais suffisant pour permettre la diffusion de virus banaux comme ceux du rhume ou de la grippe. Inoffensifs pour nous, mais létaux pour ces populations démunies de toute immunité contre ces maladies à vecteur humain, la grippe, la tuberculose et d’autres pathologies apparues, souvent par la propagation de germes diffusés "malencontreusement" par des individus innocents. Parfois de simples ouvriers des usines de forage, des anthropologues ou des missionnaires évangélistes, sûrs de leur bon droit ou pleins de bonne foi, mais totalement inconscients de leur nocivité microbiologique.
Pour lutter contre les effets néfastes de ces "premiers contacts", Sydney a essayé tant bien que mal, avec quelques centaines de volontaires, d’assurer une surveillance des "points d’entrée habituels de ces territoires isolés d’Amazonie ; Mais tout le monde imagine aisément qu’il est difficile, voire impossible d’empêcher l’intrusion de virus aussi quelconque soit-il, au travers de ces misérables filtres humains pourtant plein de bonne volonté...
D’ailleurs, aujourd’hui, on apprend que le virus le plus craint de la planète, a touché la tribu Matsigenka, installée le long d’un fleuve de l’Amazonie péruvienne. Récemment 7 cas de grippe porcine auraient été détectés parmi les habitants du village, situé à proximité du territoire d’Indiens isolés volontairement et avec lesquels, ils entretiendraient, cependant, des contacts épisodiques. Si ces populations presque isolées étaient infectées par ce virus si contagieux, aucun doute ne serait plus permis quand à l’issue - annoncée - d’une telle épidémie : ce serait véritablement la fin d’un monde que tous les spécialistes prédisent dans leur pire scénario catastrophe... mais tout à fait plausible. Car aucun vaccin, aucun traitement, aucune aide, aussi providentielle soit-elle, ne pourra empêcher un virus de traverser une frontière par inadvertance. Nul ne pourra sauver les populations démunies contre un virus importé involontairement jusqu’au régions les plus reculées de la planète, même celles réputées les plus inaccessibles pour l’homme...Rien d’infranchissable pour les virus des alentours en somme...
Stephen Corry, directeur de survival International, s’exprime, à juste titre, sur ce foyer de grippe péruvien, avec pessimisme et gravité, même s’il oublie de citer dans sa liste des vecteurs potentiels de maladie, les ouvriers des compagnies minières qui nient purement et simplement l’existence de certaines populations autochtones dans les territoires qu’ils exploitent :
"Ces nouvelles sont très alarmantes. Les peuples isolés à travers le monde sont déjà confrontés aux bûcherons et fermiers illégaux ainsi qu’aux braconniers et touristes zélés qui empiètent sur leurs territoires et leur transmettent des maladies contre lesquelles ils n’ont aucune immunité. En période de pandémie, il est encore plus urgent de reconnaître et protéger leurs droits territoriaux avant qu’il ne soit trop tard (...) En Australie, près d’un Aborigène sur dix meurt de la grippe A, alors que leur espérance de vie est déjà de 15 à 20 ans inférieure à celle des non-Aborigènes. Au Canada, le taux d’infection parmi les communautés des Premières Nations au Manitoba est de 130 pour 100 000, alors qu’il n’est que de 24 pour 100 000 parmi la population dans son ensemble "
Le directeur régional des services de santé de Cusco, Santiago Saco Mendez, cité par l’agence officielle Andina se veut, quant à lui rassurant, pendant que les experts parlent d’une contagion qui serait dévastatrice :
"Le groupe d’Indigènes affectés a reçu le traitement adéquat. Ils ont réagi favorablement et sont en train de guérir. Il n’y a aucun problème majeur, ils sont hors de danger"
Le problème majeur n’est-il pas qu’on peut annoncer officiellement aujourd’hui, comme une prédiction fataliste mais irréfutable, que les derniers peuples indigènes d’Amazonie risquent de disparaître d’une manière inéluctable, presque naturelle et sans autre coupable qu’un germe banal... juste à cause de quelques postillons dans la sarbacane ?
vidéo survival :
http://www.survivalfrance.org/actu/4026
Sources :
Jo Woodman et Sophie Grig : "Le progrès peut tuer" :
http://www.survivalfrance.org/files/related_material/604_1098_progres_survival.pdf
Peuples indigènes des iles Andaman
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_peuples_indigenes_des_iles_andaman.asp
Nathalie Jouat : "peuples indigènes : foutons leur la paix"
http://www.naturavox.fr/Peuples-indigenes-Foutons-leur-la-paix.html
Bernadette Arnaud, Géo, mars 2003
Indiens d’Amazonie : Les tribus primitives sous haute protection
AU CŒUR DE L’AMAZONIE
Scott Wallace, National Geographic, août 2003
ces 2 articles 2003 à lire ici :
http://feelily.spaces.live.com/blog/cns !E7F772BC0E272C2C !162.entry
Jeanine Vidal : La Funai officiellement contre les Indiens
http://www.csia-nitassinan.org/lettre34_bresil.htm
Agoravox : la grippe H1N1 menace la survie des Indiens d’Amazonie
http://www.agoravox.fr/actualites/actu-en-bref/article/la-grippea-h1n1-menace-la-survie-60204
Pour plus d’informations
Sophie Baillon 00 33 (0)1 42 41 44 10
[email protected]
Pour plus d’informations sur les impacts du "développement" sur la santé des peuples indigènes : http://www.survivalfrance.org/campagnes/progrespeuttuer
http://www.andaman.org/BOOK/news_a&n/1995-99/1995-99.htm