Guinée : chaos, ou pas ?
Certains Français sont rentrés d’Afrique, du moins ceux qui n’avaient pas d’activités importantes dans ce pays. La situation en Guinée reste toujours bloquée, après un mois environ de manifestations antigouvernementales qui ont provoqué un peu plus d’une centaine de morts officiels, et ont conduit le président Lansana Conté à décréter l’état de siège, lundi 12 février. Les patrouilles militaires circulent toujours dans les principales artères de la capitale. Que veut ce « vieux » président ? Pourquoi il s’accroche autant à ce siège qu’il perdra si l’armée, qui le soutient, vient à le lâcher et le fait sauter ? Il aura fait tuer des gens inutilement.

La situation en Guinée reste toujours bloquée. Tout ceci à cause d’une obstination absurde et propre à beaucoup de chefs d’Etat africains, ne rien céder au peuple qui râle. C’est triste de mourir ainsi (même si c’est pour une cause juste) ou de se retrouver handicapé à cause d’un homme qui ne veut pas de la démocratie. Je suis écoeuré de voir qu’en 2007, il y a toujours des personnes comme ça en Afrique, qui ne pensent qu’à leur portefeuille et au pouvoir.
Pour en revenir à la Guinée, les premiers contacts en vue d’une solution de la crise ont eu lieu jeudi 15 février 2007 au Palais du peuple, entre les syndicats et les institutions de la République. Nul ne sait si cette amorce de dialogue a débouché, ou même abouti à une solution. Madame Rabiatou Sérah Diallo, leader de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), une des centrales syndicales à l’origine de la grève générale entamée le 10 janvier et relancée le 12 février, a en effet pu rencontrer les institutions gouvernementales et notamment, le président de l’Assemblée nationale, Aboubakar Samparé, ainsi que deux officiers envoyés par le chef d’état-major, Kerfalla Camara, qui est actuellement « l’homme fort du pays ».
Les deux parties ont ainsi pu établir un premier contact. La dirigeante syndicale a condamné les exactions commises "...viols envers les jeunes filles et les femmes..." par les militaires, dans certains quartiers, et elle a surtout demandé la levée de l’état de siège et le respect du protocole signé le 27 janvier, sur la nomination d’un Premier ministre de consensus. Les syndicats souhaitent un autre homme qu’Eugène Camara, nommé par le président Lansana Conté, pour diriger le gouvernement guinéen. Le président du Parlement a demandé aux syndicalistes de lever leur mot d’ordre de grève.
La réunion de samedi 17 février 2007 au cours de laquelle tout le monde devait se concerter, syndicalistes et société civile, n’a pas eu lieu. C’est le statu quo. C’est triste, car la situation est toujours dans une impasse et risque de s’aggraver. L’autre dirigeant syndical, Ibrahima Fofana, secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), ne veut pas discuter tant qu’il y a l’état de siège. Il estime qu’il y a impossibilité d’élaborer un ordre du jour tant qu’il y a des difficultés pour travailler.
L’armée se montre violente et zélée.
L’armée guinéenne, qui semblait jouer l’apaisement, se comportait plutôt comme une milice mafieuse. Le général Kerfalla Camara, le chef d’état major, âgé de soixante-cinq ans et formé en Union soviétique, est un fidèle du président Conté. Il s’est adressé à la télévision jeudi dernier pour inviter les Guinéens au dialogue en vue « ...d’une sortie de crise ». Il cachait en effet le jeu de l’armée qu’il dirige ; des centaines de personnes ont été arrêtées ces derniers jours, et ceci pendant la nuit. Les arrestations sont commanditées par les responsables du parti au pouvoir. Les prisonniers ou « otages » sont conduits dans des camps militaires et dans les brigades de gendarmerie. Nul ne sait quel degré de torture ou d’humiliation ils vont subir. L’idée du chef de l’Etat et de son « ami » Kerfalla Camara est de mater (voire de casser) tous les militants et manifestants opposés au pouvoir.
La population est particulièrement assommée par la brutalité de la répression qui s’est abattue dans le pays depuis l’instauration de l’état de siège. La ville de Conakry est totalement paralysée et les marchés sont fermés, quand ils n’ont pas été pillés par des voyous ou même, parfois, par des militaires. Une des grandes priorités est d’abord de soigner les blessés, ensuite de trouver de quoi se nourrir.
Inquiétudes de la communauté internationale
Les autorités guinéennes ont rejeté la demande du Parlement européen qui voulait envoyer sur place une commission d’enquête. L’Union africaine (UA) est toujours inquiète au sujet de la crise en Guinée. Le Conseil de paix et sécurité (CPS) de l’UA s’est réuni à Addis-Abeba, vendredi, pour plancher sur la situation très grave et très inquiétante qui prévaut en Guinée, depuis la déclaration, par le président Lansana Conté, de l’état de siège. Les responsables de l’UA se sont déclarés très préoccupés par les « violences et la répression » en Guinée. Le président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, a envoyé, mercredi, une lettre au président guinéen, condamnant « l’usage disproportionné de la force contre les populations civiles qui a entraîné de nombreuses pertes en vies humaines ». Dans cette lettre il a également souligné les risques « d’instrumentalisation des forces armées et de la sécurité », après l’entrée en vigueur de l’état de siège.
Une mission de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’est rendue, samedi 17 février, à Conakry pour des contacts exploratoires. L’ex-président nigérian, Ibrahim Babangida, et le président de la commission de la Cedeao, Mohammed Ibn Chambas, ont pu rencontrer samedi le président Lansana Conté et des diplomates occidentaux. Il a été demandé au président guinéen de revenir à la table des discussions avec les syndicats et les partis d’opposition.
Réagissant à cette démarche, le président Lansana Conté a fait dire, par son ambassadeur à Addis-Abeba, qu’il était favorable à « un règlement pacifique » de la crise dans son pays. « Nous sommes pour un règlement pacifique de la crise dans le respect des institutions. »
Le pape Benoît XVI a appelé dimanche 18 février 2007 « ...au respect des droits humains et civils en Guinée ». Le Saint Père souhaite que « la voie du dialogue permette de surmonter la crise ».
Il est à se demander si nos ressortissants en Guinée Conakry vont subir les mêmes déconvenues que les ex-Français de Côte d’Ivoire. Espérons que non.