Les nouvelles récentes qui nous parviennent du Tibet montrent que les zones tibétaines sont sous très forte tension, comme en atteste plusieurs tentatives de suicides de moines ces derniers mois. Sur la question du Tibet, comme sur d’autres aspects politiques, la Chine semble choisir une forme d’intransigeance. La justice chinoise a même condamné des moines qui tentaient de protéger un des leurs qui s’était immolé pour complicité de suicide. Le cas d’un prisonnier malade et en prison depuis 23 ans montre que les autorités chinoises ne sont pas prêtes à la clémence, et pratique une politique fortement répressive au Tibet. Alors que le dialogue sino-tibétain est dans l’impasse depuis fin 2010, l’Europe devrait se mobiliser d’avantage, et nommer un représentant spécial de l’Union européenne pour le Tibet.
Deux anciens moines se sont immolés le 7 octobre 2011 dans la province du Kham, région orientale du Tibet. Choepel, 19 ans, et Khayang (Lhungyang), 18 ans, anciens moines du monastère de Kirti à Ngaba, se sont immolés dans la ville, joignant leurs mains, ils appelèrent les Tibétains à s’unirent contre le régime chinois, pour la liberté du Tibet et le retour du Dalaï lama. Les forces de sécurités chinoises sont arrivées sur les lieux, et ont commencé à battre les deux malheureux sans discrimination tout en noyant le feu. Choepel est mort environ 1h 30 après s’être immolé tandis que Khayang a été amené à l’hôpital. C’est la sixième fois qu’un événement de ce type se produit dans cette région ces derniers mois.
Trois moines avaient été condamnés à de lourdes peines fin août 2011, ils étaient accusés de complicité dans le suicide par immolation d’un autre moine, Phuntsok, survenue le 16 mars au monastère de Kirti. En réalité, ils s’étaient interposés entre les forces de l’ordre qui battaient le moine qui s’était immolé, le mettant à l’abri dans un monastère. Lobsang Tsundue (Drongdru), 46 ans, a été condamné à 11 ans et les deux autres moines ont été condamnés à 10 et 13 ans de prison. La mort de Phuntsok est associée aux manifestations au monastère tibétain de Kirti qui ont entrainé son bouclage par la police. Ce geste de désespoir est liée au climat d’intense répression qui sévi dans les régions tibétaines ces dernières années.
Un autre moine, Tsewang Norbu, est mort après s’être immolé le 15 août dernier dans un autre monastère, dans le comté de Tawu, bouclé également par la police et l’armée.
Le cas de Lobsang Tenzin, un ancien étudiant de l’Université du Tibet, à présent le plus ancien prisonnier politique tibétain montre une forme d’intransigeance des autorités chinoises. Il est détenu depuis plus de 20 ans. Sa santé s’est fortement dégradée, atteint de diabète, il est presqu’aveugle. Il avait été arrêté le 5 mars 1988 alors qu’il avait d’une vingtaine d’années, lors d’une manifestation à Lhassa. Il a été condamné à mort et emprisonné à la prison de Drapchi. Il a été accusée avec 4 autres Tibétains du meurtre d’un policier, mais son implication dans la mort du policier est controversée et n’a jamais été clarifiée. En 1991, sa peine a d’ailleurs été commuée en prison à vie. En prison, il aurait organisé ou participé à une manifestation. Avec un autre détenu, il a remis une lettre à l’Ambassadeur des Etats-Unis, James Lilley, au sujet des prisonniers torturés. Tous les deux furent brutalement battus et placés en cellule d’isolement. En 1994, sa peine de prison à été réduite pour "bonne conduite" et il devrait être libéré en 2012. Il a passé 23 ans en prison faisant de lui le prisonnier politique tibétain le plus ancien, provoquant une forte détérioration de sa santé. De plus, il ne recevrait pas de soins médicaux appropriés. Sa famille est constamment surveillée et leurs lignes téléphoniques sont sur table d’écoute. Son frère a été arrêté plusieurs fois et sa mère âgée n’est autorisée à rendre visite à son fils qu’une fois par an et ne peut le voir qu’à travers un petit trou dans la porte de la prison.
Dans le même temps où elle apporte un soutien à certains régimes dictatoriaux dans le monde, la Chine semble se figer dans une intransigeance à l’égard des Tibétains, ignorant les appels des Tibétains en exil à reprendre le dialogue au point mort depuis 2010. L’Europe devrait se donner les moyens de faire entendre la voix du dialogue aux dirigeants chinois. Le Conseil et la Commission ont la possibilité de nommer un représentant spécial de l’Union européenne pour le Tibet pour promouvoir dans un avenir proche des négociations sérieuses entre le gouvernement chinois et le gouvernement tibétain en exil, comme l’a demandé à plusieurs reprises le Parlement européen. En France, dans cette période pré-électorale, cette proposition pourrait être reprise par les candidats aux présidentielles.