samedi 8 octobre 2011 - par Tibet Libre

Immolations de moines dans un contexte de tension et répression au Tibet

Les nouvelles récentes qui nous parviennent du Tibet montrent que les zones tibétaines sont sous très forte tension, comme en atteste plusieurs tentatives de suicides de moines ces derniers mois. Sur la question du Tibet, comme sur d’autres aspects politiques, la Chine semble choisir une forme d’intransigeance. La justice chinoise a même condamné des moines qui tentaient de protéger un des leurs qui s’était immolé pour complicité de suicide. Le cas d’un prisonnier malade et en prison depuis 23 ans montre que les autorités chinoises ne sont pas prêtes à la clémence, et pratique une politique fortement répressive au Tibet. Alors que le dialogue sino-tibétain est dans l’impasse depuis fin 2010, l’Europe devrait se mobiliser d’avantage, et nommer un représentant spécial de l’Union européenne pour le Tibet.

Deux anciens moines se sont immolés le 7 octobre 2011 dans la province du Kham, région orientale du Tibet. Choepel, 19 ans, et Khayang (Lhungyang), 18 ans, anciens moines du monastère de Kirti à Ngaba, se sont immolés dans la ville, joignant leurs mains, ils appelèrent les Tibétains à s’unirent contre le régime chinois, pour la liberté du Tibet et le retour du Dalaï lama. Les forces de sécurités chinoises sont arrivées sur les lieux, et ont commencé à battre les deux malheureux sans discrimination tout en noyant le feu. Choepel est mort environ 1h 30 après s’être immolé tandis que Khayang a été amené à l’hôpital. C’est la sixième fois qu’un événement de ce type se produit dans cette région ces derniers mois.
 
Trois moines avaient été condamnés à de lourdes peines fin août 2011, ils étaient accusés de complicité dans le suicide par immolation d’un autre moine, Phuntsok, survenue le 16 mars au monastère de Kirti. En réalité, ils s’étaient interposés entre les forces de l’ordre qui battaient le moine qui s’était immolé, le mettant à l’abri dans un monastère. Lobsang Tsundue (Drongdru), 46 ans, a été condamné à 11 ans et les deux autres moines ont été condamnés à 10 et 13 ans de prison. La mort de Phuntsok est associée aux manifestations au monastère tibétain de Kirti qui ont entrainé son bouclage par la police. Ce geste de désespoir est liée au climat d’intense répression qui sévi dans les régions tibétaines ces dernières années.
 
Un autre moine, Tsewang Norbu, est mort après s’être immolé le 15 août dernier dans un autre monastère, dans le comté de Tawu, bouclé également par la police et l’armée.
 
Le cas de Lobsang Tenzin, un ancien étudiant de l’Université du Tibet, à présent le plus ancien prisonnier politique tibétain montre une forme d’intransigeance des autorités chinoises. Il est détenu depuis plus de 20 ans. Sa santé s’est fortement dégradée, atteint de diabète, il est presqu’aveugle. Il avait été arrêté le 5 mars 1988 alors qu’il avait d’une vingtaine d’années, lors d’une manifestation à Lhassa. Il a été condamné à mort et emprisonné à la prison de Drapchi. Il a été accusée avec 4 autres Tibétains du meurtre d’un policier, mais son implication dans la mort du policier est controversée et n’a jamais été clarifiée. En 1991, sa peine a d’ailleurs été commuée en prison à vie. En prison, il aurait organisé ou participé à une manifestation. Avec un autre détenu, il a remis une lettre à l’Ambassadeur des Etats-Unis, James Lilley, au sujet des prisonniers torturés. Tous les deux furent brutalement battus et placés en cellule d’isolement. En 1994, sa peine de prison à été réduite pour "bonne conduite" et il devrait être libéré en 2012. Il a passé 23 ans en prison faisant de lui le prisonnier politique tibétain le plus ancien, provoquant une forte détérioration de sa santé. De plus, il ne recevrait pas de soins médicaux appropriés. Sa famille est constamment surveillée et leurs lignes téléphoniques sont sur table d’écoute. Son frère a été arrêté plusieurs fois et sa mère âgée n’est autorisée à rendre visite à son fils qu’une fois par an et ne peut le voir qu’à travers un petit trou dans la porte de la prison.
 

Dans le même temps où elle apporte un soutien à certains régimes dictatoriaux dans le monde, la Chine semble se figer dans une intransigeance à l’égard des Tibétains, ignorant les appels des Tibétains en exil à reprendre le dialogue au point mort depuis 2010. L’Europe devrait se donner les moyens de faire entendre la voix du dialogue aux dirigeants chinois. Le Conseil et la Commission ont la possibilité de nommer un représentant spécial de l’Union européenne pour le Tibet pour promouvoir dans un avenir proche des négociations sérieuses entre le gouvernement chinois et le gouvernement tibétain en exil, comme l’a demandé à plusieurs reprises le Parlement européen. En France, dans cette période pré-électorale, cette proposition pourrait être reprise par les candidats aux présidentielles.



18 réactions


  • Scual 8 octobre 2011 14:21

    Régime communiste ou théocratie moyenâgeuse... ça se vaut.

    Il n’y a rien qui permette de penser que sous la théocratie des lama la situation serait meilleure pour les habitants du Tibet. Les raisons qui font que l’occident soutienne le Dalai lama sont géopolitiques, pas morales.


  • MILAREPA 8 octobre 2011 21:01

    Moi ce qui me dépasse c’est comment en étant bouddhiste et de surcroit moine peut on s’immoler par le feu ?
    Lorsque l’on est un moine on travaille à pacifier son esprit,devenir un être meilleur mais en aucun cas s’enlever la vie !!!
    C’est totalement incongru et aller à l’encontre de l’enseignement de Bouddha qui considérait le suicide comme un acte a-normal puisque le but est de détacher l’esprit de toutes les scories mentales et d’atteindre le nirvana.
    Ces moines sont « à côté de la plaque » !


    • amipb amipb 9 octobre 2011 07:52

      La révolte, peut-être ? Vous rappelez-vous des moines zen au Vietnam ?

      Evidemment, le suicide est proscrit dans le bouddhisme, mais s’agit-il de bouddhisme, ici, ou de sacrifice ?


    • Pegasus Pegasus 10 octobre 2011 15:55

      Le bouddhisme n’est pas non plus une entité monolithique. Le bouddhisme tibétain, les sectes bouddhistes japonaises ou celui pratiqué en Asie du Sud-Est sont très différent, notamment sur cette vision purement contemplative. Au Japon les sectes disposent d’un pouvoir politique pas totalement négligeable (il fut même immense au début du moyen-age), pendant les années 60-70 on voyait régulièrement des moines s’immoler pour protester contre la dictature sud-vietnamienne. Pour certaines philosophie du bouddhisme l’implication politique forte est même nécessaire car seule permettant d’accomplir l’œuvre de compassion à grande échelle, ce qui a pu mener à la lutte armée, au martyr et à la mort.
      Le pouvoir bouddhiste thaïlandais a durement réprimé sa population musulmane du sud du pays, et au Sri Lanka certaines des plus hautes autorité religieuses ont directement appelé au meurtre des Tamouls.


    • Tibet Libre Tibet Libre 12 octobre 2011 13:28

      Pegasus, vos propos imprécis sont propagandistes : l’amalgame et absence de référence sont notables. 


    • Pegasus Pegasus 12 octobre 2011 19:11

      @Tibet libre

      Si cela vous fait plaisir, sourçons :

      - La puissance des grands monastères bouddhistes du Japon au moyen-age fut telle qu’ils forcèrent en 794 la Cour Impériale à déménager de Nara à Kyoto afin de s’éloigner de leur influence.
      Même ainsi les grands temples de Kyoto, comme le Kokufu-ji et l’Enryaku-ji, considérant leurs privilèges comme acquis n’hésitèrent jamais à employer la force pour les faire valoir, voire les étendre. Il s’en prirent ainsi au gouvernement, et en une occasion au moins à l’empereur lui-même.
      Ils luttèrent même contre les seigneurs de guerre samourais, les temples de Hongan-ji et Negoro étant même parmi les derniers et plus puissants adversaires des unificateurs du Japon que furent Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi au XVIe siècle
      - Actuellement la troisième force politique japonaise, le Komeito est originaire et est composée de membres de la Sôka Gakkai, organisation bouddhiste issue de l’école Nichiren possédant le 3e quotidien national et un trésor de guerre estimé à plus de 100 milliards d’euros
      - Au Vietnam, on a compté près de 100 auto-immolations de moines bouddhistes pour protester contre le régime de Diem entre 1963 et 1971, notamment celle, très médiatisée de Tich Quang Duc
      - En Thailande la région méridionale de Malay Pattani a subi pendant plusieurs dizaines d’années une agitation plus ou moins violente, en partie au sentiment des musulmans de la région d’être « occupé » par les bouddhistes (il y a bien sur une multitude d’autres raisons (brutalité policière, corruption, criminalité etc)). La situation actuelle est bien plus calme, mais a connu des pics de violence.
      - Au Sri Lanka le Jathika Hela Urumaya est un parti politique composé de moines et a été un farouche partisan de la repression violente des Tamouls par le gouvernement sri-lankais
      http://www.nytimes.com/2007/02/25/world/asia/25lanka.html?pagewanted=1

      Maintenant j’aimerais savoir où exactement j’aurais fait des amalgames. Je n’ai comparé à aucun endroit le bouddhisme tibétain aux appels ultra nationalistes des singalais, à la répression des années passée en Thaïlande ou au pouvoir politique exercé par les sectes japonaises. Je considère juste que considérer les écoles tibétaines comme seules representatives du bouddhisme a autant de sens que de comparer l’Islam aux seuls souffis, ou ismaéliens, ou à Al Quaida.


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 8 octobre 2011 21:14

    Pour être poussé à de telles extrémités il faut être plongé dans un désespoir que nous ne pouvons probablement pas imaginer.


  • phillyon 8 octobre 2011 22:11

    hallucinant les votes sur l’article...a moins que ces votes soient ceux des chinois commandites par le parti et sa propagande, bien sur !!


    • amipb amipb 9 octobre 2011 07:55

      Il y a ici un grand nombre de personnes qui croient que la Chine pratique le vrai communisme, et qu’elle a sauvé les tibétains d’un régime féodal moyen-âgeux, alors que les tibétains n’ont jamais demandé à la Chine de les sauver, et encore moins de venir les massacrer et détruire leur culture.

      Le paradoxe de notre époque, c’est qu’avec tous les moyens à notre disposition pour voyager et s’informer, l’ignorance, peut-être favorisée par la crise, se répande comme une traînée de poudre.


  • Vent d'est Vent d’est 8 octobre 2011 23:39

    Si on remplace « Tibet » par « Palestine » l’article aurait eu 95% d’accord et bcp plus de succès...
    Mais la il s’agit du Tibet et des Tibétain, et les oppresseurs ne sont pas juifs donc sa n’intéresse pas grand monde... Et le comble de tout ça, une grande partie des agoravoxiens sont pro-chinois car ils croyent que la Chine offre une résistance à la mondialisation libérale... Que nenni, ils essayent juste de la tourner en leur faveur.

    Enfin bon, le Tibet se meurt, sans que personne ne fasse rien...


    • amipb amipb 9 octobre 2011 07:59

      Non, il y a des personnes qui s’insurgent, et Agoravox n’est pas le miroir des actions pour le Tibet, ou même de la mentalité française sur ce sujet. Vous rappelez-vous des manifestations lors des JO de 2008 ?

      Quelques informations sur les événements tragiques des dernières semaines et sur certaines actions en cours, ici : http://lhakar.org/


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 9 octobre 2011 00:05

    Mélanchon a dit beaucoup de sottises à propos du Tibet, présentant le Dalaï-Lama comme un partisan de la théocratie, alors que c’est un démocrate qui ne souhaite pas cumuler le pouvoir spirituel et temporel, même s’il incarne pour le moment le symbole de la résistance au parti communiste chinois. Il n’y a pas d’hostilité entre Chinois et Tibétains, il y a seulement une agressivité de l’idéologie marxiste maoïste du parti officiel envers la philosophie bouddhiste très représentée au Tibet.


    • amipb amipb 9 octobre 2011 08:01

      Pas seulement cela : le Tibet est un endroit géostratégique particulier, qui de plus regorge de ressources naturelles.

      Pour rappel, le Dalaï Lama a abandonné sa fonction politique en mars dernier.


  • njama njama 9 octobre 2011 10:07

    L’article de Tibet Libre avance des choses, mais ne fournit aucun lien sur ses sources !

    Les tibétains ne sont pas tous moines. On aimerait entendre ou lire des témoignages de tibétains laïcs ...


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 9 octobre 2011 12:05

    Les Tibétains ne sont pas tous des moines, mais dans cette région du monde, comme en Birmanie, les moines constituent de fait une sorte d’élite reconnue par la grande majorité de la population (et pas seulement par les grands-mères). Tout simplement parce qu’ils ont reçu une instruction plus poussée que les autres. Dans chaque famille (au sens étendu), il y a un moine qui est « l’érudit ». C’est pourquoi la plupart des écrivains tibétains que nous connaissons sont des moines ou des anciens moines. L’occupation militaire et administrative chinoise n’a pas changé cela. Et c’est pourquoi aussi, comme en Birmanie, les mouvements de révolte viennent des moines. Ce n’est pas un signe d’une action politique cléricale comme le croient les plus ignorants des Occidentaux. Il en est ainsi parce que les jeunes moines sont l’équivalent des étudiants dans les autres pays !


    Il existe aussi des jeunes résistants laïques contestant la position pacifique qui fut toujours celle du Dalaï-Lama. Ceux-ci lui reprochent parfois sa trop grande modération, certains rêvant d’une opposition armée comparable à celle des Palestiniens. Ils lui reproche aussi de réclamer seulement une réelle autonomie culturelle plutôt qu’une totale indépendance constitutionnelle. 

    La situation est complexe, car d’un côté l’aspect traditionaliste de la société tibétaine constitue le dernier ciment de sa cohésion et de son identité, et d’un autre côté cette population doit trouver le moyen de créer des institutions adaptées aux exigences de son temps. 

    Et tout ça depuis un gouvernement en exil, car sur place il n’est pas question d’organiser une activité politique. La seule activité politique autorisée est celle du parti communiste point barre. Les peines de prison sont très lourdes - 20, 30 ans pour la moindre ébauche de contestation - et les prisons TRES inconfortables (pas de soins médicaux, corvées consistant à étendre à la main les excréments humains dans des champs, menaces perpétuelles concernant la famille, viols et tortures (nombreux cas de nonnes violées à la matraques électrique), etc. 

    Il faut bien comprendre que le maigre soutien apporté à ces gens occupés depuis un demi-siècle (et dont le territoire est dévasté par un pillage destructif des ressources naturelles), ne serait-ce qu’en dénonçant les injustices atroces qu’ils subissent, n’a strictement rien à voir avec un quelconque soutien à une idéologie théocratique. Pas plus qu’on ne marquerait son soutien au tribalisme chamanique en soutenant un peuple indigène d’Amazonie expulsé de sa forêt. Il s’agit simplement de droits humains fondamentaux. 

    Je suis aussi laïque que Mélenchon, mais mieux informé que lui ( le nombre de sottises qu’il a pu sortir sur le Tibet et son histoire est effarant ). Et contrairement à lui, je ne trouve pas qu’un camp de concentration communiste soit plus sympathique qu’un camp de concentration national-socialiste. Et contrairement à lui, je ne confond pas le parti communiste chinois avec le peuple chinois et sa très respectable culture. Dans quelques années, le parti communiste chinois aura disparu, mais il y aura toujours des Chinois et des Tibétains dans un siècle.

    Un point très important à préciser est qu’il n’y a aucune hostilité fondamentale entre le peuple tibétain et le peuple chinois, ni concurrence entre la culture chinoise et la culture tibétaine, même s’il s’agit de deux cultures très différentes. 
     

  • Crab2 9 février 2012 19:49

    Ajuster la mire

    Par le biais d’internet, en France, la propagande par des pro-thibétain spécialisés dans l’intox pour qui la notion de démocratie relève de quelques chimères bat son plein au mépris de cette idéologie moinesque une expression des pires régimes des théocraties connues sur notre planète


    Vous avez dit dictature ?

    Tout peuple ou ethnie épris de liberté ne peut considérer comme un bien de voir remplacer un régime même non pluraliste comme la Chine par un retour à une dictature encore plus moyenâgeuse

    Nul démocrate n’oubliera que le Tibet des moines était une dictature moyenâgeuse, que seules la passion et l’attirance de quelques occidentaux pour ces philosophies soi-disant tolérantes, continuent de défendre


    Quarteron d’occidentaux du même acabit que ceux qui soutenait Khomeini et la ’’ révolution ’’ iranienne


    Ce serait se faire beaucoup d’illusion que d’imaginer que la religion bouddhiste soit confinée dans la sphère privée

    Sans approuver, l’intransigeance, la répression aveugle des chinois, soutenir et prôner un retour du Dalaï Lama en tant que chef spirituel et politique, et donc le retour à une théocratie, est tout autant totalement absurde


    Des moines s’immolent sans compter la duplicité de ceux qui les préparent pour ensuite les présenter résistants ou héros de la résistance, c’est significatif de ce que deviendrait le Thibet si de tels individus fanatisés parviennent au pouvoir,


    En chine comme partout dans le monde, ce sont les Laïcs qu’il faut soutenir pour aider à l’avènement ou la construction d’un État démocratique – donc pluraliste – donc prochoix

    Crab – 09 Février 2012


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