samedi 22 décembre 2012 - par Thomas Martin

Implication frauduleuse d’une société Suisse en Russie

Une tradition presque ancestrale veut que les ressortissants russes se cachent en Suisse pour échapper à la justice de leur propre pays. La Suisse fut terre de refuge pour d'illustres russes comme Lénine, Trotski ou Nabokov. De nos jours ce ne sont plus des dissidents politiques ni des intellectuels persécutés qui cherchent l’asile dans notre pays, mais plutôt des scélérats de tout bord. J'ai déjà publié un article concernant la famille Makhlai sur mon blog. Voici la suite de la formidable épopée de cette famille qui montre encore une fois à quel point la Suisse offre un refuge à une certaine catégorie de ressortissants russes aux activités peu recommandables.

L’histoire commence avec une enquête lorsque des inspecteurs du fisc effectuent une descente dans le bureau russe de la société Ameropa SA. Ameropa est l'un des leaders sur le marché du négoce de produits agrochimiques. L’enquête porte aussi sur l'entreprise de la famille Makhlai qui possède une des plus grandes sociétés industrielles de production de produits chimiques en Russie, Togliattiazot. Cette société est la seule capable d'atteindre une production annuelle de plus de 3 millions de tonnes d'ammoniaque. Elle exporte ses produits dans le monde entier.

La famille de Makhlai est devenue propriétaire de la société lors de la vague de privatisation des sociétés russes dans les années 1990. Durant la décennie suivante la société connut des problèmes juridiques avec l'oligarque russe Viktor Vekselberg qui était alors propriétaire d'une participation minoritaire dans Tolgiattiazot ainsi qu'avec une société enregistrée en Irlande répondant au nom de Eurotoaz Ltd qui a également subi des dommages suite à une fraude.

Aujourd'hui la société Togliattiazot est dans le collimateur de la justice russe pour soupçons d'évasion fiscale orchestrée par ses propriétaires. Ceux-ci sont soupçonnés d'avoir détourné entre 100 et 200 millions de dollars. Une enquête a déjà été menée sur les propriétaires de Togliattiazot, entre autres sur la famille Makhlai dont les membres sont domiciliés en Europe ainsi qu'aux Etats-Unis. 

Le président et propriétaire principal de la société Suisse Ameropa SA, Felix Zivy est décédé en 2010. Celui-ci était un ami proche ainsi qu'un partenaire de l'actionnaire principal de Tolgiattiazot, Vladimir Makhlai. D'après certains documents, le conseil d'administration d'Ameropa SA a nommé les fils Makhlai, Andrei et Sergei, comme administrateurs de la société Suisse. Selon certaines informations et rumeurs, il est possible qu'Ameropa SA détienne une participation importante - voir même majoritaire - dans la société Togliattiazot.

Les opérations financières conjointes de Togliattiazot et d'Ameropa SA ont déjà à mainte reprise attiré l'attention de la justice russe. Il y a sept ans, une enquête pénale contre le propriétaire Vladimir Makhlai pour évasion et fraude fiscale a été ouverte. Ce dernier a quitté la Russie à fin d'échapper à une mise en examen.

L'enquête a permis de mettre à jour le montage utilisé par Makhlai et Zivy : la production de Togliattiazot était vendue à une filiale d'Ameropa SA à un prix inférieur à celui du marché, pour être revendue par cette dernière à sa juste valeur marchande. Ce montage a permis de rapatrier des profits vers la Suisse où ceux-ci sont taxés à 2%, permettant ainsi d'éviter une imposition de 20% sur le territoire russe. Les enquêteurs soupçonnent aussi la société Nitrochem Distribution SA, une autre filiale supposée de la société Ameropa SA, ainsi que son directeur général Beat Ruprecht d'avoir participé activement à cette évasion fiscale.

Depuis 2005 Vladimir Makhlai vit en Grande Bretagne. Son fils Sergei, qui selon différentes sources est citoyen américain et vit en Caroline du Nord, est devenu le président du conseil d'administration de Tolgliattiazot. Son deuxième fils Andrei vit dans le canton du Tessin en Suisse. Un autre membre de la famille, la femme de Vladimir Makhlai, Valentinja Semenova, est également installée en Suisse dans la ville de Bâle. La justice russe enquête aussi sur cette personne.

Après la mort de Felix Zivy en 2010, c'est son fils Andreas qui a repris les commandes de la sa société Ameropa, héritant ainsi avec son frère d'un fructueux partenariat russo-suisse.

Selon une estimation d'experts, 560 millions de dollars de marchandise furent exportés de Russie entre 2008 et 2011 ; les impôts non payés sur ces transactions s'élèvent à plus de 100 millions de dollars.

De manière plus générale, Ameropa SA est connue pour son manque de transparence. La société a été soupçonnée de participer à des projets douteux en Europe de l'Est ainsi qu'en Afrique du Nord. Ces projets furent fortement critiqués par les Nations Unies et d'autres organisations écologiques. Andreas Zivy a toujours évité le plus possible tout contact avec la presse et les tentatives d'enquête sur son entreprise se sont soldées par un échec. Il est probable que le fils Andreas Zivy engendre des profits juteux grâce au montage décrit dans cet article ainsi qu'à la construction du terminal dans la ville de Taman en mer Noire permettant de transporter la production de l’usine de Togliattazot .

Une source proche des enquêteurs a confirmé que Sergei Makhlai ainsi qu’Andreas Zivy ont été convoqués pour un interrogatoire en Russie, mais que les deux protagonistes n'ont pas donnés suite aux convocations. Entre temps les autorités russes sont en train de déposer une demande d'entraide auprès des responsables suisses à fin d'obtenir plus d'informations sur les actes frauduleux.

La probabilité d'obtenir l'extradition de Zivy et de Makhlai vers la Russie est infime. Cela étant dit, un mandat d'arrêt international d'Interpol resterait un énorme problème pour ces deux personnes qui verraient alors leur liberté et leur possibilité de voyager fortement restreinte. D'autre part une arrestation en dehors du territoire Suisse serait possible à tout moment. Dans le cas d'un verdict débouchant sur une accusation en Russie, les actionnaires de Togliattiazot pourraient alors déposer des demandes d'indemnisation à l'encontre de Zivy et de Makhlai en introduisant un recours à la cour internationale de justice.



3 réactions


  • Rensk Rensk 22 décembre 2012 12:10

    Je ne comprend pas votre « hargne » contre la Suisse qui n’est nullement responsable vu que vers la fin de l’article vous le dites vous-même...La boîte a été privatisée en 1990, il y a enquête du parquet Russe depuis quand ??? Et c’est seulement maintenant ???
    - Entre temps les autorités russes sont en train de déposer une demande d’entraide auprès des responsables suisses à fin d’obtenir plus d’informations sur les actes frauduleux.

    Si il n’y a pas de demande nos procureurs ne peuvent rien faire...

    En faite, saviez-vous que Genève empoche plus d’impôts des boîtes que l’Islande ?
    On a voté une augmentation des impôts pour Johnny... il n’est pas parti malgré les dires de vos « journalistes »... Pourquoi donc ??? Ce n’est plus a cause du fric qu’il reste en Suisse !


    • Thomas Martin Thomas Martin 16 janvier 2013 22:19

      Je n’ai aucune hargne contre la Suisse, juste une constatation que la Suisse est une terre d’accueil non seulement pour les stars comme Johnny mais aussi pour les sociétés douteuses (de Russie ou d’autres pays). Ceci est une évidence. L’optimisation fiscale a des limites et il faut espérer qu’une entraide judiciaire permettra de faire toute la lumiere sur cette affaire...


  • filo... 22 décembre 2012 19:21

    La Suisse ou plus exactement les banques suisse depuis la fin de 2ème guerre mondial sont trempées dans toutes les affaires le plus louches de ce monde et dans toutes les saloperies.

    Ceci est devenu très visible depuis 1989, depuis la chute du mur !

    Les banquiers suisse n’ont pas compris que avec cette chute du mur le monde a changé ! Et ils ont continués a se comporter comme de rien été.

    Pourtant sur la scène mondiale le paravent qui les cachait a disparu et maintenant ont voyaient ces banksters oeuvrer tranquillement au grand jour.

    Et les autorités suisse dans tout ça ? Elles n’ont rient faits ou presque, service minimum.

    Elles continuent à se comporter comme s’ils faisaient la politique à mi-temps, donc politiciens citoyens, pas des professionnels.


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