mercredi 11 janvier 2006 - par Europeus

Ioulia Timochenko gaze le gouvernement ukrainien

Croire que la vengeance d’une blonde se limite au titre d’un film serait une grave erreur. Destitué hier par son parlement, le gouvernement du premier ministre ukrainien Iouri Ekhanourov ne dira pas le contraire. A la baguette, Ioulia Timochenko, surnommée « la princesse aux nattes blondes », sorte de mélange physique improbable entre la princesse Leia et une méchante sorcière tout droit sortie d’un vieux Walt Disney, savoure sa revanche. Elle, l’égérie de la Révolution orange, promise à un grand avenir politique aux côtés de Viktor Iouchtchenko, avant que celui-ci ne l’évince en septembre dernier, au profit de son fidèle Iouri. En visite au Kazakhstan, le président ukrainien peut bien prendre l’affaire à la légère et plaisanter, songeant qu’il dispose devant lui de soixante jours pour confirmer son premier ministre à son poste. Mais l’affaire ne manquera pas de laisser quelques séquelles. Dans la perspective des législatives de mars prochain, tout d’abord, en rappelant aux Ukrainiens qu’une femme est tout à fait à même, si ce n’est plus qu’un homme, de défendre les intérêts de la nation face à Gazprom, le géant gazier russe, Vladimir Poutine. Car là est le motif (officiel) de ce petit coup d’Etat : l’augmentation par deux du prix du gaz russe à l’Ukraine, soit 95$ à 100$ les 1000 mètres cubes, contre 50$ il y a quelques jours encore. Une perspective inadmissible pour notre étrange princesse.

Etrange, car si le jeu qu’elle mène est susceptible de conforter son aura politique, il peut également (et paradoxalement) faire le jeu de Poutine. En cas d’ascension médiatique et populaire, c’est vraisemblablement une partie à trois et non plus à deux - entre Ioutchenko, Timochenko et Ianoukovitch (le candidat perdant du Kremlin au dernières présidentielles ukrainiennes) qui pourrait se décider dans deux mois. Une perspective qui n’a rien d’enviable pour la jeune démocratie ukrainienne et le camp « pro-occidental », les voix des deux « révolutionnaires orange » risquant, dans une telle éventualité, de se disperser au profit du fidèle serviteur de Moscou. Sur le plan européen, les choses risquent de n’être pas meilleures, l’ancienne république soviétique, désireuse de rejoindre à moyen terme l’Union, ne rassurant pas ses partenaires européens par sa fébrilité interne et ses réflexes quelque peu guébistes.

Christophe Nonnenmacher est journaliste



3 réactions


  • Ivtchik (---.---.101.242) 11 janvier 2006 19:25

    Bravo pour le titre... En tout cas vous avez bien eu raison de mettre officiel entre parenthèse... car visiblement l’occasion était trop bonne !

    Ce qui est sur,c’est que rien n’est clair en ukraine... qui dirige quoi et dans quel but. L’argument de la démocratie a permis à certains d’arriver au pouvoir, et d’en évincer d’autres. Mais quand à dire que tout va ou ira mieux depuis... Les trois protagonistes (majeurs, car ils sont un peu plus), de l’affaire sont tous de richissimes oligarques, propriétaire de leur parti politique et ayant tous un douteux passé :

    Viktor Ianoukovitch soupçonné de corruption et de quelques actions musclées

    Ioulia Timoshenko soupçonnée de détournement de gaz et de pétrole et de quelques malversations financières

    Viktor Iouchtchenko soupçonné de détournement de fonds publics ainsi que ceux du FMI

    Ce qui est sur, c’est que leur soif de pouvoir et d’argent est énorme.

    Bref, plutot que « La vengeance d’une blonde », je dirai que c’est « Petits meurtres entre amis »

    Quel que soit le vainqueur entre ces trois lascards, il est certains que le perdant sera le petit peuple ukrainien.

    Quand à la Russie, cela fait bien longtemps qu’elle a oublié l’Ukraine. Sa seule crainte est la perte non pas de son influence, mais des pays qui faisaient office de bouclier protecteur et maintenaient loin de son territoire tout agresseur potentiel.


  • Christophe Nonnenmacher (---.---.175.239) 12 janvier 2006 00:23

    Pour « petits meurtres en amis » j’avais déjà repris l’expression récemment dans un autre article smileyd’où la raison qui fait que je ne l’ai pas utilisée cette fois, même s’il est vrai que cela aurait été bien approprié. Sur « Leia », je ne connais que peu de choses sur les soupçons dont vous faites mention mais ce que vous dites est particulièrement intéressant. Auriez-vous plus d’infos à ce sujet ?

    Christophe


    • ivtchik (---.---.102.165) 12 janvier 2006 20:14

      Ioulia Timoshenko a été accusée par la Russie de detourner le gaz et le petrole des differents pipeline traversant l’Ukraine lorsqu’elle était à la tête d’une des entreprises importatrice de gaz en Ukraine. A tel point que un mandat d’arret avait été lancé contre elle, et que c’est une des raisons pour lesquelles, lorsqu’elle était premiere ministre, elle ne s’est rendue à Moscou que lorsqu’elle a eu l’assurance d’avoir une immunité.

      Certes, on pourra toujours argumenter que toute cette affaire a été montée par les services secrets russes ou par les hommes de Koutchma... Mais commançant à bien connaitre les histoires des oligarques de l’ex URSS, rien n’est impossible !

      ci joint le seul lien que j’ai pu retrouver.

      Je pense qu’un peu de recherche dans différentes archives devrait permettre de remonter l’affaire.


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