Israël : qui gouvernera demain ?
Pourrait-on imaginer le scénario suivant : Ellen Johnson Sirleaf à la présidence du Liberia, Michelle Bachelet à la présidence du Chili, Angela Merkel, à la chancellerie allemande, Ségolène Royal à la présidence française, Hillary Clinton à la présidence américaine, et Tzipi Livni au poste de première ministre en Israël ? Trois sont déjà élues, deux briguent les suffrages dans leur pays respectif et une dernière est en attente. Nous allons nous intéresser à la moins connue, Tzipi Livni. Portrait d’une femme d’action.

Une carrière organisée
Tzipi Livni est
née à Tel Aviv le 5 juillet 1958 et y vit toujours. Elle est mariée et mère de
deux enfants. Elle est la fille d’Eitan Livni, un immigré d’origine polonaise,
ancien de l’Irgoun, membre du Likoud et parlementaire. Elle a été lieutenant
dans l’armée et a travaillé pour le Mossad au début des années 1980. Elle est diplômée
de la faculté de droit de Bar Ilan, et a exercé en tant que juriste,
spécialisée dans le droit public et commercial. Tzipi Livni a été une grande supportrice du plan de désengagement des
territoires occupés d’Ariel Sharon
et s’est impliquée fortement pour que ce plan soit approuvé par la Knesset,
notamment en tentant une médiation avec les membres du parti opposés à cette
opération. Elle est également considérée comme faisant partie des membres
pacifiques du Likoud. Plus près des colombes que des faucons.
Depuis 2001, elle a accumulé une expérience ministérielle considérable, ayant occupé les portefeuilles de la Coopération régionale, de l’Agriculture et du Développement rural, de l’Immigration, du Logement et de la Construction, de la Justice, puis des Affaires extérieures.
Le 5 janvier 2006, suite à
l’hospitalisation du Premier ministre Ariel
Sharon, elle déclare aux journalistes : "Nous prions pour
Ariel Sharon, et je ferai personnellement tout mon possible pour aider le Premier
ministre par intérim à assumer ses fonctions et à prendre les bonnes
décisions", mettant fin en même temps aux rumeurs qui prétendaient
qu’elle pourrait succéder à Sharon à la tête de la nouvelle formation Kadima.
Tzipi Livni est troisième parmi les têtes de liste du parti Kadima aux élections législatives israéliennes de 2006. Elle devient donc membre de la 17ème Knesset après la victoire du parti aux élections. Tzipi Livni est le premier membre d’un gouvernement israélien à faire la distinction entre les attaques palestiniennes visant des cibles militaires israéliennes et les attaques terroristes contre des civils. Elle déclare ainsi à la télévision américaine, le 28 mars 2006 : « Somebody who is fighting against Israeli soldiers is an enemy and we will fight back, but I believe that this is not under the definition of terrorism, if the target is a soldier ».
Une pensée structurée
Devant les Nations-Unies, en septembre 2006, Tzipi Livni déclarait : « Chaque victime innocente dans un conflit est
une tragédie. Il n’y a pas de différence entre les larmes d’une mère
israélienne pleine de chagrin et celles d’une mère palestinienne pleine de
douleur. Mais il y a une différence morale entre les terroristes qui cherchent
à viser les civils, et les soldats qui ciblent les terroristes tout en cherchant
à éviter de porter atteinte aux civils. Pour protéger son intégrité, la
communauté internationale doit soutenir cette distinction morale essentielle.
Le terrorisme est du terrorisme, même quand on veut l’appeler résistance. Il ne
peut être justifié et il ne peut être mis sur le même plan que les actions de
ceux qui cherchent à s’en défendre ».
Le 25 janvier dernier, à Davos, en Suisse, Mahmoud Abbas a estimé que le
processus de paix pouvait reprendre, Shimon Peres a déclaré que la paix se
"rapprochait" et Tzipi Livni qu’un Etat palestinien était
"réalisable.
La citation la plus controversée
qu’on lui attribue date du 28 mars 2006 alors qu’elle a déclaré sur
les ondes d’une chaîne de télévision étasunienne « Quelqu’un qui combat les soldats israéliens est un ennemi et nous
riposterons. Mais je crois qu’il ne s’agit pas de terrorisme si la cible
est un militaire. »
Une gestion du risque
Tzipi Livni serait en délicatesse avec son chef. Tout s’est déroulé à la fin de décembre 2006. Le quotidien Maariv a dévoilé le nouveau plan politique de Tsippi Livni, qui prévoyait le lancement de négociations sur les sujets urgents, même en temps de conflit avec les Palestiniens. Parmi ces points considérés comme urgents figurait la libération des détenus (terroristes) palestiniens et la question de Jérusalem. Après la publication, les représentants du Bureau du Premier ministre ont affirmé qu’ils ne savaient pas du tout de quoi il s’agissait et qu’Israël n’accepterait pas un dialogue sur une des étapes de la Feuille de route. Ils ont ajouté que le Premier ministre, Ehoud Olmert, n’était pas au courant du plan politique de Livni. « Nous ne connaissons aucun plan. Nous ne connaissons que l’existence de quelques idées, entendues de la bouche de Livni » ont-ils précisé. Les représentants ont cependant indiqué que la situation entre Livni et Olmert ne s’était pas dégradée comme les relations de ce dernier avec Amir Peretz, le ministre de la Défense. Quoi qu’il arrive, les représentants du Bureau d’Olmert ne se laissent guère impressionner par le plan de Livni : « Il s’agit d’une rencontre avec Salem Fiad qui est déjà hors jeu et avec Yasser Abed Rabou, qui est pour sa part un homme d’Arafat. Nous, de notre côté, nous avons rencontré Abou Mazen et c’est ce qui est important ». Et vlan !
Madame la ministre a réagi ! Elle a déclaré qu’il « était nécessaire de réagir au terrorisme, tout en continuant d’examiner les possibilités qui s’offrent à Israël - et les exploiter ». Livni a ajouté qu’elle était convaincue que « trouver des solutions pour les modérés du camp palestinien faisait partie du combat contre le terrorisme ». La ministre a ajouté : « Les titres des journaux gênent généralement le gouvernement à agir ».
En janvier 2007, le Likoud
a, lors d’une de ses réunions hebdomadaires, annoncé qu’il comptait lancer une
vaste campagne contre la ministre des Affaires étrangères Tsippi Livni, de
Kadima. Cette nouvelle initiative vient essentiellement du député Israël Katz.
Ce dernier a indiqué que de profonds changements étaient à prévoir
prochainement au sein du parti au pouvoir, Kadima, suite à l’animosité
croissante entre le Premier ministre et Livni. Selon certaines évaluations,
cette dernière envisagerait sérieusement de présenter sa candidature à la tête
du parti et devenir ainsi la principale rivale d’Olmert et de ce fait,
l’adversaire directe du Likoud. La première cible du Likoud, dans le cadre de
cette campagne, serait bien entendu le fameux plan élaboré par la ministre dont
a parlé récemment le quotidien Maariv.
En dépit des sondages peu flatteurs pour Kadima,
plus d’un an après sa fondation par Ariel Sharon, la ministre des Affaires
étrangères Tsippi Livni parvient à échapper aux critiques. Elle parvient en
effet à poursuivre une carrière prometteuse sans être touchée apparemment par
la disgrâce de son parti. Il est vrai que Livni œuvre depuis des mois à soigner
sa popularité, tant à l’étranger qu’en Israël, et ne lésine sur aucun effort
pour se faire apprécier par ses interlocuteurs. A l’occasion du premier
anniversaire de Kadima, Livni a laissé entendre qu’elle envisageait de briguer
un jour ou l’autre la direction du pays mais elle a ajouté qu’elle préférait
attendre le moment opportun. Pour l’instant, a-t-elle encore précisé, elle se
contente d’inciter l’électorat israélien à s’inscrire à son parti afin
d’obtenir des voix le moment venu.
Agé de 61 ans, M. Ehoud Olmert, un homme au verbe acerbe qui convoitait
depuis longtemps le siège de Premier ministre, n’a pas cette chance auprès des
gens ordinaires ni même de ses alliés politiques. Son nouveau poste lui vaut
plus de soucis que de gloire. Un an après avoir pris le pouvoir à la suite de
l’hémorragie cérébrale qui a plongé Ariel Sharon dans le coma, le Premier
ministre israélien Ehoud Olmert a perdu les faveurs de la population choquée
par une série de scandales, selon un sondage du Dahaf Research Institute pour
Knesset TV rendu public au début de janvier 2007 : quelque 77% des personnes
interrogées désapprouvent l’action du chef du gouvernement, pourtant vainqueur
des élections législatives après avoir assuré pendant seulement trois mois
l’intérim d’Ariel Sharon. La moitié des Israéliens
estime que les événements de 2006 sont à l’origine de ses difficultés mais pour
31%, c’est sa personnalité. 60% s’interrogent sur son intégrité.
Questions
- Les
femmes s’élèvent de plus en plus au niveau des chefs d’État. Est-ce le
début d’un temps nouveau ?
- Avec
une réputation de colombe dans un environnement de faucons, Tzipi Livni
peut-elle accéder à des fonctions de chef d’État
- Comment
serait perçue l’arrivée d’une femme dans un État comme Israël ?