vendredi 27 mars 2020 - par Eliane Jacquot

L’autre cygne noir de l’année 2020, le pétrole

La récente chute spectaculaire des cours boursiers du pétrole représente certes un gain de pouvoir d'achat pour les particuliers et les industries consommatrices, mais se révèle source de profondes instabilités pour les Régions/ Pays producteurs. Depuis le début de l'année, on observe une chute des cours du baril de brut en $ de l'ordre de 60%, ce qui est considérable (cours au 27 Mars : 25, 92 $ le baril). La propagation du COVID-19 a créé un choc de demande dans un marché où l'offre était devenue excédentaire.

PLATEFORME PETROLIERE MER DU NORD {JPEG}

Les Majors et les Entreprises du secteur parapétrolier

Les sociétés pétrolières privées, nées de très importantes fusions à la fin des années 1990 sont aujourd'hui au nombre de cinq, dont Total en France. On observe de la part des majors une résilience aux fluctuations du prix du brut, du fait de leur diversification ainsi que de leurs efforts visant à abaisser leur point mort. Elles ont été très fortement affectées par la baisse des prix qui a fait chuter leur résultat net en moyenne de 67% en 2015. Dans le contexte actuel de cours en chute libre, elles vont être contraintes de réduire leurs ambitions en matière de forage de champs pétroliers, donc leurs investissements en Exploration-Production ainsi que leurs couts d'exploitation, incluant les recrutements. Leurs dépenses pourraient chuter de 15% avec un baril à 30$, ce qui représente 100 Mds de $ de coupes dans les investissements du secteur. En France, le groupe Total apparaît suffisamment solide pour affronter la tempête. Son point mort en 2019 est inférieur à 25$ le baril contre plus de 100$ en 2014. Un récent communiqué de presse de son Président prévoit d'accélérer son programme d'économies en investissements et dépenses d'exploitation.

Alors que les secteur parapétrolier avait déjà perdu 80% de sa valeur boursière depuis la chute des cours intervenue à partir de l'été 2014, les évènements récents vont impacter la rentabilité des ces sociétés, voire leur survie. La scission de TechnipFMC (Franco Américaine) aura lieu lorsque les marchés financiers seront rétablis. Face à une nouvelle baisse des cours de plus de 60% depuis le début de l'année la France qui regroupe des leaders mondiaux dans leur domaine, va avoir besoin d'une intervention de l'Etat, présent au capital de certaines d'entre elles dont TechnipFMC et Vallourec. Il s'agit d'éviter la disparition d'acteurs industriels à la pointe de la technologie en matière d'études sismiques, forages, construction de plateformes offshore, et de leurs employés. Rappelons ici que selon les données de l'UFIP (Union Française des Industries Pétrolières) les opérateurs pétroliers créent de la richesse en France et participent au dynamisme économique des régions en employant directement et indirectement environ 200000 personnes.

Rivalités géopolitiques et appréciation des risques Régions / Pays

L'échec des négociations de l'OPEP + lors du Week-End du 7 mars dernier et la guerre déclarée par l'Arabie Saoudite sur ses prix de vente marquent une rupture du cartel Opep- Russie après quatre années de stratégie pétrolière coordonnée. Dans le contexte de chute de la croissance économique provoquée par l'épidémie du COVID-19, le 9 Mars les cours du baril de brut ont subi la plus forte baisse quotidienne depuis la Guerre du golfe en 1991. La région Arabo persique, dans laquelle les Etats-Unis et la Russie n'ont pas réussi à s'implanter politiquement repose sur d'immenses ressources en hydrocarbures qui représentent la quasi totalité des revenus et l'insolente prospérité des Etats et monarchies qui la composent. Aux niveaux de production actuels, le point mort se situe autour de 83 $ le baril pour l'Arabie Saoudite et à 43 $ pour la Russie, ces deux pays étant les deux plus grands exportateurs mondiaux d'or noir (Source FMI). La stratégie de la Russie consiste à bloquer la croissance des parts de marché du gaz de schiste américain et refuse ainsi de réduire sa production, face aux sanctions américaines entravant le développement de champs offshore. Le point mort pour la production de gaz de schiste aux Etats-Unis se situe entre 35 et 40$ le baril. D'autre part le niveau d'exportation en MB/j des Etats-Unis, de la Russie et de l'Arabie Saoudite sont à peu près semblables. Aux Etats-Unis les acteurs les plus risqués sont ceux qui opèrent dans l'univers du pétrole non conventionnel, les investissements y étant financièrement plus lourds à réaliser. Ces sociétés vont-elles être rachetées à la casse par Exxon et Chevron ? La question va se poser assez rapidement.

Pour les pays émergents producteurs à couts élevés, cette guerre des prix est entièrement irréfléchie d'un point de vue économique. Le prix du pétrole nécessaire pour équilibrer le budget des Etats producteurs (point mort) dépasse les 50$ le baril en Irak, au Koweit et au Quatar, et plus de 100$ le baril au Nigéria et au Venezuela. En Amérique Latine, le Venezuela qui dispose des plus grandes réserves prouvées au monde, entre dans la septième année de contraction de son activité. L'effondrement de sa production pétrolière, couplée aux sanctions américaines qui empêchent la livraison d'une partie des barils produits a considérablement réduit la rente pétrolière qui alimentait jusqu'alors les dépenses publiques.

En Afrique l’Algérie, l'Irak, le Quatar l'Angola, le Gabon et le Nigéria risquent aussi d'être encore plus déstabilisés, rendant nécessaire la transformation de leur économie. Des cours de pétrole faibles à moyen terme pourraient dans ces pays fragiles provoquer la multiplication des troubles sociaux, l'appauvrissement d'une population jeune, obligeant les Etats à modifier leur politique économique. Sauront-ils le faire, et avec quels moyens ?

Alors que le chiffre d'affaires de l'industrie chargée d'extraire les hydrocarbures apparaît dix fois supérieur aux autres industries, à l'origine de profits considérables (Source Michel Auzanneau : Or Noir, la grande histoire du pétrole, 2015), les fluctuations hiératiques de son cours deviennent préoccupantes, conduisant à l'aggravation de la crise économique actuelle. Les rivalités géopolitiques entre pays et leurs enjeux de pouvoir devraient remettre à l'ordre du jour le thème de l’après pétrole. Mais il n'en sera rien, malgré les demandes de plus en plus pressantes des écologistes, l'objectif étant de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030.

Texas, Pétrole, Argent, Cupidité et soap opéra, Dallas

https://www.arte.tv/fr/videos/090211-000-A/dallas-ton-univers-impitoyable/



9 réactions


  • montag 27 mars 2020 14:40

    Sympa de nous aider à croire à une logique du réel, mais vous savez mieux que nous que les mouvements boursiers, organisés, provoqués ou non sont l’occasion pour les plus solides de ratisser les fonds des « amateurs » et n’ont guère de sens dans la réalité.


    • Xovkipeu2 Xovkipeu2 27 mars 2020 18:04

      @montag Les amateurs de richesse sont comblés certains quartier de France font un million d’euros de chiffre d’affaire par jour sans reverser le moindres centimes aux impots !


  • In Bruges In Bruges 27 mars 2020 15:05

    Vous n’allez tout de même pas nous faire pleurer sur le fait que sur un produit qui coute en fait 0,15 euros le litre, on ne se fait plus enfler que de1,25 Euros au lieu de 1,60....

    Et puis pleurer sur les émiraties et les petits potentats qui se la pètent à Cannes avec des call girl, non, j’ai pas assez de larmes, voyez vous.

    Les « entreprises » itou.

    Quand la PMI / pme permet à des bac moins 5 d’encaisser le pactole, tout le monde trouve ça bien.

    Quand ça va moins bien, faudrait pleurer ?

    Non.

    Priorité aux particuliers.

    Les entreprises se sont assez gavées de cadeaux fiscaux sous la droit comme la gauche...


    • Le421... Refuznik !! Le421 27 mars 2020 17:39

      @In Bruges

      Les entreprises se sont assez gavées de cadeaux fiscaux sous la droit comme la gauche...

      Sous la gauche ?
      En France ?
      Et quand ça ?
      Sous Hollande ? La gauche !!
      Ahahahahahhahahahhahhaaahhhaaahaahahahaha....
      Mort de rire.
      Hollande, le PS, la gauche...
      Sans déconner.
      Ah si, c’est vrai, quand on est à l’extrême droite, tout le monde est « à gauche ».
      J’veux pas dire, mais c’est un peu simple, non ??  smiley


  • vachefolle vachefolle 27 mars 2020 16:37

    Franchement les paradis pétroliers et la baisse du petrole...

    Si ca empeche l’emir du Qatar d’acheter Ronaldo au PSG pour 200M$

    Si ca empeche Ryad de faire une tour de 900m de haut avec un tobogan pour dauphins ....

    SI ca empeche la culture des saumons en environnement climatisé en plein désert

    Si ca empeche les povres du golf de rouler en Ferrari

    Si ca empeche les texans de polluer un maximum

    ben comment dire, ON S’EN FOUT ROYAL

    Et pour les autres pays, l’argent du petrole n’a jamais été aux populations, donc ca ne changera pas grand chose.


  • taketheeffinbus 28 mars 2020 06:59

    C’est drôle de voir que les libéraux nous causent libre concurrence du marché et non faussée, mais surtout pas sur le pétrole, lui faut absolument que les états s’entendent pour maintenir les prix au plus haut et à un niveau similaire... (OPEP & cie). D’ailleurs avec cette fameuse liberté totale des marchés, je me demande combien de gens seraient aujourd’hui contaminés par le covid-19, et de morts en plus...

    Ah, les joies de la dissonance cognitive. smiley


    • Spartacus Lequidam Spartacus 28 mars 2020 10:23

      @taketheeffinbus
      Bien au contraire....
      La fin d’un cartel c’est la fin d’un monopole et la concurrence....
      Pour tous les gens le carburant sera moins cher....
      Vive l’économie de marché...

      La dissonance cognitive c’est accepter dans pays à économie planifié étatiste qu’il soit le double du prix a cause des taxes.


  • Citoyen de base 28 mars 2020 09:13

    Pas l’autre cygne noir, le PREMIER, bien évidemment.  smiley


  • Eliane Jacquot Eliane Jacquot 31 mars 2020 13:40

    Menaces d’effondrement de certains Etats du continent Africain


    Nul n’est censé ignorer que l’Afrique est confrontée à une explosion démographique , de grandes inégalités de revenus , sur fond d’appareils d’Etat corrompus . Le continent, qui regroupe deux milliards d’habitants subit de plein fouet le dévissage du prix du baril de pétrole , tombé récemment en deçà de 25$(Brent Mer du Nord ), son cours aujourd’hui est de 23,48 $ . L’Afrique sera très vulnérable aux politiques menées par les pays riches tant qu’elle exportera ses matières premières aux cours volatiles en attendant de recevoir en retour des ressources financières aléatoires .

    Dans ce contexte , trois pays , l’Algérie, l’Angola et le Nigéria sont fortement dépendants de la production d’hydrocarbures .

    Avec une économie rentière fondée sur le pétrole qui représente 95% des exportations et plus de 60% des recettes fiscales , la marge de manœuvre de l’Etat Algérien est limitée dans un pays où la situation économique se dégrade inexorablement . Pour équilibrer son budget, le pays aurait besoin d’un baril à 116 $ , au niveau de production actuel . A cela se juxtapose une crise politique et sociale aiguë.

    En Afrique Australe , l’Angola, deuxième producteur de pétrole du continent , qui représente 40% de son PIB , peine toujours à se relever de la chute des cours de l’or noir entamée à l’été 2014 . Bien que puissance politique et militaire régionale, on y observe une grande corruption au niveau des élus et des milieux d’affaires .

    En Afrique de l’Ouest le Nigéria , première puissance et pays le plus peuplé d’Afrique peine à diversifier une économie très dépendante aux revenus pétroliers qui représentent 90% des exportations et les deux tiers des recettes fiscales . Tout en abritant plus de personnes vivant dans l’extrême pauvreté qu’aucune autre nation, une grande criminalité organisée menace le cœur de son système .

    Dans le même temps, la « ruée vers l’Afrique » pour y trouver des marchés et y contrôler les abondantes ressources naturelles est de plus en plus d’actualité . On y retrouve la France, ancienne puissance coloniale , la Russie, la Chine , le Japon, les pays du Golfe persique ...Leurs dirigeants sont-ils conscients que la guerre des prix du pétrole déclenchée par l’Arabie Saoudite lors du week end du 7 mars dernier aura des répercutions dramatiques et non quantifiables sur les pays producteurs , tant qu’elle perdurera ?



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