samedi 6 janvier 2018 - par Vecse

L’axe chiite, nouvelle bête noire des États-Unis ? Conséquence logique de la guerre en Irak

 

arc chiite

"Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes" disait Bossuet.

Depuis, quelques temps, alors que nous croyions que Trump allait enterrer l'establishment néoconservateur en s'occupant de l'"Amérique d'abord" , nous voyons ces néocons revenir à la charge. Mais faut-il encore s'étonner de ça ? Après tout, Obama, qui était censé incarner la rupture avec Bush, avait au final continué la même politique néocon que son prédécesseur, qui lui même continuait la politique néocon de son prédécesseur, qui lui même etc., etc.

Mais quelle est aujourd'hui leur nouvelle bête noire ? Elle a un nom : la République Islamique d'Iran. Bien évidemment, ça n'est pas la première fois qu'elle est sous le feu des projecteurs des néoconservateurs. Rappelons que Bush la désignait parmi la liste de l'axe du mal. Mais aujourd'hui, elle est devenue le principal ennemi de l'establishment américain.

Son mal ? Réussir à avoir créé une zone d'influence surnommée l'"arc chiite" regroupant l'Irak, la Syrie de Bachar el Assad, le Liban du Hezbollah et le Yémen des rebelles houthiste. L'Iran a connu une montée en puissance fulgurante ces dernières années qui en fait aujourd'hui une puissance incontournable au Moyen-Orient après des années d'isolement. On pourrait parler d'un nouvel empire perse, un empire qui, il est vrai, attise la crainte envers ses ennemis jurés dans la région, Israël et l'Arabie Saoudite, qui craignent désormais pour leur sécurité.

Mais comment cela a-t-il été possible ? La cause de l'ascension iranienne a un nom : la guerre en Irak. Il est assez marrant de voir aujourd'hui ceux qui ont applaudi à l'époque à la chute du régime de Saddam Hussein se plaindre aujourd'hui de la montée en puissance de l'Iran.

Car souvenons-nous que ce pays était mis dans le même sac que l'Irak de Saddam Hussein dans l'axe du mal, alors que tout opposait ces deux pays, puisqu'ils s'étaient affrontés, il n'y pas si longtemps, dans une terrible guerre qui a duré 8 ans et engendré d'immenses pertes civiles des deux côtés (guerre qui au passage fut encouragé par les États-Unis qui n'avait pas pardonné à l'ayatollah de leur avoir coupé la livraison du pétrole iranien).

Or, les Américains, sans le savoir, et sans le vouloir, ont servi indirectement les mollahs iraniens qui n'attendaient que ça afin de prendre leur revanche sur celui qui jadis avait saigné à blanc leur pays.

Car une fois Saddam Hussein renversé, les Américains, en instaurant une "démocratie" parlementaire, rendent possible l'arrivée au pouvoir de la majorité chiite qui va se mettre à persécuter les sunnites (qui eux-même les avaient persécutés auparavant sous Saddam Hussein) et mettre fin à la plupart des réformes progressistes et modernes de Saddam Hussein. Le pays se plonge dans les bras de l'Iran et se rapproche ainsi de son modèle islamique.

L'Irak étant entré dans l'axe chiite, l'Iran a ainsi pu renforcer son soutien envers le Hezbollah au Liban qui en 2006 avait lancé sa première vaste offensive contre Israël et avait ainsi démontré sa puissance.

Les pétromonarchies sunnites du Golfe, paniqués de se faire supplanter par ce géant chiite, se mettent à financer des groupes djihadistes sunnites pour tenter de mettre à mal cet arc chiite. Chose faite par les printemps arabes en 2011 (vous savez, ces mouvements qui promettaient la démocratie ^^), qui, malgré les vagues de contestations populaires aussi multiples que variées, a vu s'infiltrer ces groupes djihadistes chargés d'instaurer un chaos.

En 2014, lorsqu'émerge la bête noire de Daesh, l'Iran est parmi les premiers pays à dépêcher des troupes sur le sol irakien afin de stopper l'offensive de Daesh. En Syrie, elle réussit à sauver de justesse son allié, Bachar el Assad, grâce à l'intervention des milices chiites et du Hezbollah, alors que tout le monde avait visé sur sa chute. Elle apparaît comme le grand vainqueur de Daesh et a pu ainsi renforcer sa présence au Moyen-Orient.

En 2015, elle sort de son isolement diplomatique via l'accord sur le nucléaire et voit désormais les accords économiques se multiplier avec l'Occident.

Alors pour les 3 pays, les États-Unis, Israël et l'Arabie Saoudite, c'en est trop ! Il est temps de se débarrasser de cet acteur encombrant. Et on voit les menaces de guerre se multiplier à l'encontre de l'Iran.

Mais on dit quoi ? Merci les néocons pour cette belle situation !



22 réactions


  • Diogène diogène 6 janvier 2018 09:44

    Les nouveaux axes :


    - Russie, Syrie, Iran

    - Arabie, Israël Egypte

    - Chine, Pakistan, Afghanistan

    - Etats-Unis, Viet-Nam,, Inde

    - Japon, Corée, Taiwan

    Le Dollar n’est plus l’étalon des échanges internationaux et les USA changent de partenaires parce que c’est ce qu’ont décidé les financiers et les industriels qui préfèrent préparer l’avenir que s’empêtrer dans le passé. Les gesticulations de Trump ne sont que des écrans de fumée pour occuper les journalistes pendant que les gens sérieux font leurs affaires

    • Rincevent Rincevent 6 janvier 2018 16:32

      @diogène

      A ces axes, j’en rajouterai un autre, Chine - Russie. Formellement économique, au travers du projet OBOR (les routes de la soie), il entrainera aussi, au passage, toute l’Asie centrale. Et ça ne pourra fonctionner qu’avec des accords diplomatiques et militaires.

      Côté militaire, les Chinois ont commencé : pour protéger leur projet de route de la soie maritime, ils viennent d’installer une base militaire à Djibouti où ils côtoient désormais les Français, les Américains, les Allemands et les Japonais...


  • leypanou 6 janvier 2018 10:09

    En Syrie, elle réussit à sauver de justesse son allié, Bachar el Assad, grâce à l’intervention des milices chiites et du Hezbollah : de l’approximation.

    Tout le monde a contribué à ce renversement de situation, en particulier les Russes avec leur aviation et l’Armée Arabe Syrienne qui a fourni les soldats. Même le non fiable Erdogan y a contribué.

    En tout cas, ce ne sont ni les États-Unis et la Coalition -bien au contraire-, encore moins E Macron qui s’en félicite.


  • sirocco sirocco 6 janvier 2018 15:12

    L’axe chiite, depuis pas mal d’années, c’est surtout la bête noire d’Israël. Dans ce contexte, les USA sont les supplétifs (puissants mais supplétifs quand même) des sionistes.


    • Pere Plexe Pere Plexe 6 janvier 2018 19:12

      @sirocco
      c’est vrai que le tandem Usa Israel ressemble à un chien en laisse et son maître.


      A priori c’est le maître qui dirige.
      Mais c’est le chien qui marche devant et tire.
      D’ou une certaine confusion a savoir lequel mène l’autre.

    • Zolko Zolko 6 janvier 2018 20:08

      @Pere Plexe : « D’où une certaine confusion a savoir lequel mène l’autre. »
       
      c’est bien dit. Le chien remue-t-il la queue parce-qu’il est content, ou est-il content parce-qu’il peut remuer la queue ?


  • Rincevent Rincevent 6 janvier 2018 15:47

    La cause de l’ascension iranienne a un nom : la guerre en Irak. Hé oui, à force de vouloir déstabiliser la région pour y faire ses petites affaires, des conséquences indésirables arrivent…


    • Pere Plexe Pere Plexe 6 janvier 2018 19:17

      @Rincevent
      Conséquences largement prévisible.

      Sauf à être la pire des burnes en géopolitique...

    • Rincevent Rincevent 6 janvier 2018 21:44

      @Pere Plexe

      Ben oui et, du coup, on se demande à quoi servent les conseillers de la Maison Blanche. Il est vrai qu’avec Donald, quand ils ne sont pas virés, ils se tirent les uns après les autres…


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 6 janvier 2018 18:51

    Bonjour,
    c’est court mais assez vrai ; plus vrai en tout cas que les articles longs comme un jour sans pain pondu quotidiennement sur avox par la secte des adorateurs de Vladimir&des mollahs&de l’UPR

    quelques point de détail quand même, qui n’en sont pas :

    la citation de Bossuet est assez erronée dans ce contexte, puisque très peu de personnes (sauf à Paris) ne chérit l’invasion de l’Irak en 2003, Obama puis Trump ont convenu depuis longtemps que c’était une connerie.

    La crainte de l’arc chiite et de la nouvelle puissance iranienne ne provient pas essentiellement des dirigeants des USA (il me semble), mais des acteurs locaux, Israël et Arabie Séoudite en tête. Obama a souhaité des accords sur le nucléaire iranien, et a fortement mécontenté les deux là. Trump prend le contrepied de la politique effacée de son prédécesseur, sur la base d’un raisonnement (implicite) qui se vérifie en partie : « nos alliés se détournent de nous et nous reprochent d’avoir été trop coulant avec l’Iran. Nous n’avons rien obtenu. Je remets les USA à l’offensive car le vide ainsi crée n’accouche aucunement de la paix, mais accroit au contraire le risque d’un embrasement général du Moyen Orient » (embrasement qui a déjà lieu au Yémen)

    Enfin, la cerise sur le gâteau :
    Lier « les printemps arabes » à la politique de « containement » de l’Iran est une absurdité complète.
    Le premier « printemps arabe » a eu lieu en 2009 en Iran. La Tunisie n’a absolument rien à voir ni avec le chiisme, ni même avec le Moyen Orient.
    Mais bon on a l’habitude des approximations chez ceux qui veulent à tout prix démontrer un truc et raisonnent en commençant par leur conclusion.


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 6 janvier 2018 18:54

      Pour parler plus clairement, les plus remontés contre l’Iran, ce ne sont pas les USA, mais Israël, l’Arabie et leurs alliés de fait (Egypte par ex)

      Accuser les USA de tous les problèmes est donc une connerie de plus.


    • Pere Plexe Pere Plexe 6 janvier 2018 19:37

      @Olivier Perriet
      Obama puis Trump ont convenu depuis longtemps que c’était une connerie.

      le genre de connerie qui pour d’autres serait qualifié de crime de guerre.

      « nos alliés se détournent de nous [usa] et nous reprochent »
      En fait se sont les USA qui sous Obama commençaient à être lassé de soutenir des états racistes et criminels soutenant le terrorisme.
      Choses de plus en plus difficile à camoufler et qui contribuent a entretenir l’anti-américanisme planétaire. Et comme dans le même temps ils n’ont plus besoin du pétrole de Saoud.

      Pour le couplet de Trump motivé par la paix dans le monde je me permets de ne pas 
      répondre.
      Normalement chaque être doué de raison aura déjà son idée sur cette déclaration.

    • Olivier Perriet Olivier Perriet 7 janvier 2018 22:33

      @Pere Plexe

      Oui, je sais que c’est difficile à entendre, mais bon pour l’instant il n’a déclaré la guerre à personne. Et vous conviendrez que le retrait des USA sous Obama n’a pas forcément calmé quoi que ce soit, sinon inquiété les alliés traditionnels des USA, avec des risques d’escalade locale. C’est d’ailleurs un peu même chose avec la Corée du Nord et le Japon, si vous regardez bien.

      C’est sûr qu’il ne serait pas un homme avec de l’embonpoint, blond rougeaud, ça paraîtrait plus crédible.

      S’agissant de traduire George Bush pour crime de guerre au TPI, je vous laisse traduire ça dans la réalité tout seul.


  • Matlemat Matlemat 6 janvier 2018 19:32

    Quelqu’un peut m’éclairer ? Ou va le pétrole irakien ? Les chantiers de reconstructions en Irak ne sont il pas américains ? Les chiites au pouvoir en Irak ne coopèrent ils pas avec les américains ?


    • Vecse 6 janvier 2018 21:15

      @Matlemat

      Alors effectivement, vous avez raison, le gouvernement irakien entretient de bonnes relations avec les États-Unis, mais comme c’est désormais un gouvernement chiite, ils sont également proches de l’Iran. Ce qui fait que c’est un pays exceptionnel, parce que c’est le seul pays de l’arc chiite qui entretient de bonnes relations avec les États-Unis.

      Parce qu’effectivement, n’allez pas croire que ce sont des gens pétri de valeurs occidentales, libérales et « droit-de-l’hommistes », ce sont pour la plupart des intégristes qui ont fait de l’Irak un État confessionnel après que ce pays a été un État laïc pendant longtemps.

      C’est un gouvernement qui entretient donc à la fois de bonnes relations avec ces deux pays. Tout dépend maintenant comment la situation va évoluer. Depuis quelques temps, les États-Unis pressent l’Irak de faire partir les milices chiites iraniennes, le gouvernement irakien refuse, parce qu’il en a besoin pour faire assurer la sécurité, et demande aux Américains d’arrêter de se mêler de leurs affaires, ce qui fait que leurs relations pourraient s’envenimer.

      Mais bien évidemment, les Américains sont toujours mal vus dans l’opinion publique irakienne qui ne leur pardonne pas les ravages de leur intervention militaire en 2003, ce qui explique également leur rapprochement envers l’Iran qu’ils voient comme un protecteur dans la région face à l’impérialisme américain.


  • Zolko Zolko 6 janvier 2018 20:04

    « Alors pour les 3 pays, les États-Unis, Israël et l’Arabie Saoudite ... »
     
    bel article, merci. Mais, sans vouloir vous offenser, cette seule phrase résume l’intégralité de l’argumentation. Malheureusement, je dirais.


  • Matlemat Matlemat 7 janvier 2018 00:56

    @Vecse, oui je pense que les Irakiens n’ont pas envie que les USA ne viennent une nouvelle fois leur apporter la démocratie.


    • Vecse 7 janvier 2018 09:41

      @Matlemat

      Ne vous inquiétez pas, l’Irak n’est pas une démocratie ^^

      De plus, beaucoup d’Irakiens regrettent Saddam Hussein, y compris même ceux qui ont été victimes de son régime, ils se disent : « certes, il m’a peut-être fait emprisonner, tué des proches, etc., mais au moins, il y avait de la stabilité, les différentes communautés ne s’entretuaient pas (sauf de temps en temps selon les circonstances) et il n’y avait pas de terrorisme, car les islamistes, aussi bien chiites que sunnites, étaient traqués ».

      L’Irak est un pays qui ne peut se maintenir que par la force et une main de fer.


  • Matlemat Matlemat 7 janvier 2018 16:16

    @Vecse, diviser pour mieux régner en sorte, nous avons très peu d’informations, l’Irak n’est pas une démocratie ? Pouvez-vous préciser ? Ce dont je suis sûr c’est que les américains voulaient le pétrole ou l’argent du pétrole, pour moi leur but ne peut ne pas avoir été atteint, non ?


  • Matlemat Matlemat 7 janvier 2018 16:24

    @Vecse, sûr que pendant l’invasion de l’Irak en 2003 les iraniens ont dû bien rigoler , mais comme au billard un coup à deux bandes le résultat aujourd’hui est une augmentation des tensions dans la région et ça c’est bon pour le business de l’armement.


  • njama njama 8 janvier 2018 09:36

    L’axe chiite est une vue de l’esprit, sans réalité sur le terrain, c’est la rhétorique guerrière américaine dans le fil de l’axe du Mal ... de la propagande qui voudrait que les problèmes au Moyen-Orient prendraient leurs sources dans des oppositions confessionnelles.

    Le Hezbollah est bien davantage une milice populaire libanaise qu’une milice chiite, de même que le Hachd al-Chaabi irakien les « Unités de mobilisation populaire ». Les deux ont pour point commun d’ailleurs d’avoir une légitimité officiellement reconnue dans leur propre pays parce que ce sont des forces qui contribuent à leur sécurité respective. Il n’y a que dans la propagande occidentale sioniste qu’ils sont considérés terroristes.


    • njama njama 8 janvier 2018 10:21

      @covadonga*722

      si « l’axe chiite » combat daech et les terroristes du liwa al-tawid, du Jabhat al-Nosra et autres groupuscules salafistes ou wahhabites, vous y voyez un inconvénient ?

      deux poids deux mesures ? Les US, la France, et les pays de la coalition auraient légitimité à le faire ? quelle légitimité à la présence US dans le nord de la Syrie ?

      C’est pour ça que je dis que « l’axe chiite » est une caricature simpliste seulement digne d’un discours manichéen
      On peut opposer des intérêts économiques et stratégiques régionaux si on veut, mais de chercher à stigmatiser les chiites est un non-sens et un cache-sexe au profit d’autres acteurs régionaux qu’il ne me paraît pas utile de citer, tant l’évidence crève les yeux.

      Le prétexte de « l’axe chiite », un discours parfaitement hypocrite.


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