lundi 26 mai - par Olivier

L’Europe au défi de la politique

Sous la double pression des bouleversements géopolitiques et de l’urgence climatique, l’Union européenne voit les limites de son modèle fondé sur la régulation et le compromis technocratique. Face à des citoyens de plus en plus sceptiques et à des défis qui exigent des choix politiques forts, il faut plaident pour une Europe plus démocratique, plus lisible, et surtout plus politique.

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L’Union européenne est aujourd’hui face à une double impasse : une pression économique accrue dans un monde où les rapports de force ont supplanté les règles, et une trajectoire écologique de plus en plus intenable à l’échelle planétaire. Si elle a multiplié les textes réglementaires et les engagements vertueux, ces derniers ne suffisent plus. La question n’est plus de savoir ce que l’Europe fait, mais comment et surtout, avec qui. Car le vrai défi pourrait bien être celui de la démocratisation des décisions à l’échelle européenne.

D’un côté, l’agressivité commerciale des États-Unis et la menace russe imposent à l’Union une reconfiguration de son modèle économique et stratégique. Jean Pisani-Ferry souligne combien l’Europe, fondée sur le droit et la norme, peine à s’adapter à un monde où la puissance s’exerce de manière frontale. Exemple frappant : le « Net-Zero Industry Act », conçu pour soutenir la transition industrielle bas-carbone, peine à concurrencer l’Inflation Reduction Act américain, qui offre des subventions massives à l’industrie verte. Faute d’un véritable budget fédéral ou d’un consensus politique fort, les États membres se replient souvent sur des mesures nationales, limitant l’impact des politiques européennes.

Dans le domaine de la défense, la guerre en Ukraine a révélé les failles d’un système trop dépendant des États-Unis et sans autonomie stratégique claire. Les tentatives de mutualisation, comme la Facilité européenne pour la paix ou les projets communs d’achat de munitions, avancent lentement, plombées par la fragmentation industrielle et les divergences de stratégie entre États. Là encore, l’absence d’un débat démocratique à l’échelle européenne rend ces décisions lointaines pour les citoyens, alors qu’elles touchent à des enjeux vitaux de sécurité.

Côté environnement, la directive sur la performance énergétique des bâtiments – qui vise à rénover massivement le parc immobilier – a suscité une levée de boucliers dans plusieurs pays. Ce rejet montre que des décisions, pourtant nécessaires, deviennent inaudibles sans un accompagnement social et un espace de débat citoyen. L’exemple du Pacte vert européen illustre cette tension : ambitieux sur le plan réglementaire, il est de plus en plus contesté dès qu’il entre dans la vie quotidienne des Européens, faute d’appropriation démocratique.

Le modèle technocratique touche donc ses limites. Il produit des normes, des règles, des rapports. Mais il peine à embarquer les sociétés européennes dans une vision commune. La fabrique du consensus repose trop souvent sur des compromis d’experts, loin du débat citoyen, et trop facilement instrumentalisés par les populismes.

Pour sortir de cette impasse, un changement de paradigme s’impose. Il ne s’agit pas d’abandonner l’expertise ou la régulation, mais de politiser davantage les choix européens. Cela signifie une implication plus forte des citoyens dans la définition des priorités (via des conventions citoyennes européennes, par exemple), une mise en débat ouverte des orientations stratégiques (notamment budgétaires), et une transparence accrue des arbitrages.

Une Union politique, capable de décider vite, mais aussi de rendre compte et de mobiliser, est désormais la condition de sa survie. Face aux chocs à venir – économiques, climatiques, géopolitiques – l’Europe doit cesser de se penser comme une administration de la norme. Elle doit devenir une démocratie de la transformation.



3 réactions


  • Doume65 26 mai 15:30

    Il est question de l’Europe dans le titre parle, mais l’article porte en fait sur l’UE.

    Cela dit la confusion est entretenue dans des tas d’autres domaines.

    deux exemples :

    l’injection anti-covid. Ceux qui n’y voient qu’une arnaque sont considérés comme antivax, alors qu’ils auraient aimé avoir un vrai vaccin.

    La définition des capteurs photo ou des téléviseurs appelée résolution (à la suite des publicitaires), alors que la résolution, c’est autre chose. J’avoue ne pas comprendre dans quel intérêt.


  • V_Parlier V_Parlier 26 mai 18:32

    Politiser (encore !) davantage les choix européens... Eh bien, qu’est-ce que ça va donner, tel que c’est parti ! Heureusement, finalement, que l’UE se débrouille mal.


  • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 27 mai 20:17

    l’Union européenne voit les limites de son modèle fondé sur la régulation et le compromis technocratique.  

    Le modèle européen est le même que les nations : REPRESENTATION en partis

    Mêmes causes, mêmes effets. Pas de bras, pas de chocolat.


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