jeudi 26 juin - par Sylvain Rakotoarison

La Charte des Nations Unies est une grand-mère de 80 ans !

« NOUS, PEUPLES DES NATIONS UNIES, RÉSOLUS à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances (…). » (Préambule de la Charte des Nations Unies, 26 juin 1945).

Ce jeudi 26 juin 2025, les Nations Unies fêtent le 80e anniversaire de la signature de leur Charte. Inspirée de la Société Des Nations (SDN) et des conférences internationales entre alliés pendant la Seconde Guerre mondiale (en particulier la Conférence de Téhéran en décembre 1943, la Conférence de Dumbarton Oaks en octobre 1944 et la Conférence de Yalta en février 1945), la Charte des Nations Unies a été signée à la fin de la Conférence de San Francisco qui s'est tenue du 25 avril au 26 juin 1945 (on peut la lire dans son intégralité à ce lien).

Rédigée en six langues originales, l'anglais, le français, l'espagnol, le russe, le mandarin et l'arabe, cette charte décrit le fonctionnement des différentes institutions de la future Organisation des Nations Unies (ONU) dont le siège a été fixé à New York, en particulier le Secrétariat Général de l'ONU (chapitre XV), la Cour internationale de Justice (chapitre XIV) et le Conseil de Sécurité de l'ONU (chapitre V). Ce texte est entré en vigueur le 24 octobre 1945 et l'est toujours, pour 193 États membres. À l'origine, le 26 juin 1945, 51 États l'ont signé (en fait, seulement 50, car le 51e État, la Pologne, était alors sans gouvernement).
 

On aurait pu appeler ce texte Traité de San Francisco, mais cette appellation n'aurait pas apporté cette note de morale, de mental, d'esprit, de contexte : c'est à la fois une sorte de Constitution d'un gouvernement mondial (c'est le cas avec le Conseil de Sécurité) et une déclaration d'intention des droits humains.

L'article 103 établit sans ambiguïté la priorité hiérarchique de la Charte sur les autres textes internationaux : « En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. ».
 

La Charte commence avec une force inattendue pour un texte juridique, un préambule court et clair, qui énonce la finalité des Nations Unies :

« 1. Préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances,
2. Proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,
3. Créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,
4. Favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».

Et les moyens pour y parvenir :

« 1. Pratiquer la tolérance, à vivre en paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage,
2. Unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
3. Accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun,
4. Recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples ».


Dès l'article premier, on y lit les quatre buts des Nations Unies :

« 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ;
2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ;
3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ;
4. Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes ».

En lisant ces lignes et avec le recul de quatre-vingts années de fonctionnement, ou de non-fonctionnement, on mesure le niveau d'enthousiasme mais aussi d'utopie dont les diplomates du monde entier avaient fait preuve en rédigeant ce texte.
 

S'il fallait résumer d'un seul mot l'idée générale de l'ONU, son mot d'ordre, c'est la paix. La PAIX !

Mais le ver était dans le fruit dès son mûrissement, car c'était la grande différence avec la SDN : le vote est à la majorité avec le droit de veto accordé aux cinq grandes puissances qui ont gagné la Seconde Guerre mondiale : les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni. Ce veto donné aux grandes puissances a souvent engendré une grande ...impuissance dans les conflits régionaux.

Le principal organe des Nations Unies est le Conseil de Sécurité dont la mission est indiquée dans l'article 24 de la Charte : « Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de Sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom. ».

Cela signifie d'une part le vote de résolutions pour éviter, prévenir ou arrêter une guerre, difficilement adoptées en raison des droits de veto et, le cas échéant, lorsqu'elles sont adoptées, souvent restées lettres mortes. Le Conseil de Sécurité peut alors voter l'envoi de troupes des Nations Unies (les Casques bleus) pour faire des opérations de maintien de la paix, elles-mêmes souvent impuissantes en raison de leur interdiction de se défendre en cas d'agression. Ce sont alors des « forces armées, l'assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales » définies dans l'article 43.
 

Deux chapitres sont importants dans la Charte.

Le chapitre VI y traite du règlement pacifique des différends : « Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix. » (article 33).

Le chapitre VII y traite de l'action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression. Il évoque toutes les gradations d'action contre les éventuels États belligérants, comme dans l'article 41 : « Le Conseil de Sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. ».

Le droit international peut globalement se résumer à ceci, en plus de tous les traités internationaux : tous les actions visant à maintenir ou retrouver la paix doivent être acceptées par le Conseil de Sécurité de l'ONU.



C'est ce qu'avait cherché et que n'avait pas obtenu le Président américain George W. Bush pour envahir l'Irak. Ce dernier concevait qu'une telle invasion devait se faire dans les formes juridiques du droit international, mais le rejet par l'ONU de sa demande ne l'a pas empêché d'envahir l'Irak avec toutes les conséquences que nous payons encore aujourd'hui.
 

Aujourd'hui, son lointain successeur Donald Trump n'a pas ces pudeurs de gazelle : pour lui, une intervention militaire dans un pays tiers n'a pas la nécessité d'obtenir l'accord de l'ONU, il suffit qu'elle soit considérée par les États-Unis comme nécessaire pour la paix mondiale. Leur intervention du 22 juin 2025 en Iran est allée dans ce sens et les humoristes et caricaturistes ont de quoi faire pour fustiger son mépris du droit international. C'est la fin, j'espère provisoire, du multilatéralisme.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 juin 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La Charte des Nations Unies est une grand-mère de 80 ans !
La Charte des Nations Unies (texte intégral).
Kofi Annan.
Antonio Guterres.
Les candidats au Secrétariat Général de l'ONU.
Ban Ki-Moon.
Boutros Boutros-Ghali.
Kurt Waldheim.
La COP21.

 

 



2 réactions


  • njama njama 26 juin 11:23

    Israël a-t’il respecté le droit international en bombardant l’Iran... ?


  • njama njama 26 juin 11:29

    Israël vs États-Unis, même méthode !

    Au mépris du droit. 1947-2009 : une impunité qui perdure, février 2009
    Résolutions de l’ONU non respectées par Israël
    https://www.monde-diplomatique.fr/2009/02/A/16775

    L’AG de l’ONU adopte 6 nouvelles résolutions condamnant Israël
    Par i24news Publié : 01/12/2016

    Une des résolutions, consacrée à Jérusalem, présente le Mont du Temple (esplanade des Mosquées pour les musulmans) comme un lieu saint pour les seuls musulmans. Sur les 193 États membres des Nations Unies, 147 ont voté pour ce texte, sept ont voté contre et huit se sont abstenus.

    Une résolution sur « Le Golan syrien » a été adoptée par 103 voix pour, 6 voix contre (Canada, États-Unis, Îles Marshall, Israël, Micronésie et Palaos) et 56 abstentions. Dans ce texte, l’Assemblée générale estime « une fois de plus que le maintien de l’occupation du Golan syrien et son annexion de facto font obstacle à l’instauration d’une paix globale, juste et durable dans la région ».

    http://www.i24news.tv/fr/actu/israel/diplomatie-defense/131469-161201-l-ag-de-l-onu-adopte-6-nouvelles-resolutions-condamnant-israel


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