La « grande coalition » allemande : immobilisme ou changement ?
Nous lisons toujours ce qui se passe chez les autres à travers le prisme de nos habitudes et de nos faiblesses, le plus souvent pour manifester notre scepticisme au lieu, plus humblement, d’essayer d’en tirer une leçon profitable.
Les deux grands partis allemands se sont mis d’accord pour prendre à bras-le-corps la question du déficit de leurs finances publiques et sociales et faire du vice une vertu, c’est-à-dire utiliser une évidence politique incontournable, celle de la nécessité de bâtir une grande coalition, pour mettre en oeuvre les mesures douloureuses indispensables, en évitant ainsi d’en faire l’objet d’un affrontement destructeur.
Ainsi, entre autres, le taux de TVA sera relevé de trois points, l’imposition des hauts revenus sera renforcée, l’âge de la retraite passera de 65 à 67 ans, les cotisations vieillesse seront relevées, le temps de travail des fonctionnaires sera augmenté d’une heure, la période pendant laquelle les nouveaux embauchés ne bénéficieront pas de la protection contre les licenciements passe de six mois à deux ans. Excusez du peu !
S’agit-il, dès lors, comme l’écrit Le Monde dans son éditorial d’aujourd’hui, d’une "occasion manquée", ou au contraire d’une nouvelle manifestation du solide réalisme dont nos voisins savent faire preuve dans des circonstances essentielles ?
Contrairement à nos partis politiques qui se dispersent dans des programmes sous forme de patchwork, aussi chatoyants que privés de toute perspective réelle de mise en oeuvre efficace, les deux grands partis allemands ont identifié le problème prioritaire, et ce problème seul, que leur pays doit impérativement et de toute urgence traiter, celui du déficit de leurs finances publiques et sociales, et traiter ensemble, rééditant, ce faisant, la démarche de 1969 qui leur avait été économiquement très profitable.
Croyons-nous, nous, Français, que nous saurons traiter en profondeur, à travers nos alternances successives, les problèmes que notre société accumule, ou ne faudra-t-il pas qu’un jour ou l’autre, comme en 1958-59, nous trouvions le moyen, pendant un instant de raison, de rassembler la grande majorité d’entre nous pour faire ce qui doit être fait pour le bien de tous ?
PS : A travers un commentaire à cette note, Koz m’a fait découvrir son candide "appel" à l’unité que vous trouverez sur son blog. Je souscris sans hésitation à son point de vue. S’il est un sujet qui justifie, toutes affaires cessantes, une approche multipartisane, faute de pouvoir écrire bipatisane, compte tenu du caractère éclaté et segmenté de notre système démocratique, c’est bien celui de la crise que révèlent les violences urbaines, que vit actuellement notre pays.