vendredi 30 mars 2007 - par Sylvain Rakotoarison

La situation catastrophique de la Guinée : un début de solution politique

Un nouveau gouvernement de consensus vient d’être nommé en Guinée pour redresser un pays en ruine sombrant dans la contestation sociale et la répression policière. Le réel problème est le maintien d’un tyran malade et vieillissant.

Le Président guinéen Lansana Conté vient de nommer le 28 mars 2007 un gouvernement de consensus dirigé par le Premier Ministre Lansana Kouyaté (56 ans) en accord avec les syndicats qui réclamaient sa démission.

Le pays se trouve actuellement dans un chaos complet, pauvreté extrême, chômage généralisé, corruption importante, qui a engendré une grève générale lancée le 10 janvier 2007, cause de nombreux désordres sociaux et d’une répression très ferme de la police.

Dans ce nouveau gouvernement (1), Ousame Dore, représentant du FMI au Sénégal et en Guinée-Bissau, devient Ministre de l’Économie, des Finances et du Plan et Ahmed Kante, haut responsable de la Banque centrale, Ministre des Mines et de la Géologie, alors que le pays possède le tiers des réserves mondiales de bauxite (le minerai pour fabriquer l’aluminium).

Il y a quatre mois, avant ce mouvement de contestation, le journal Le Monde (1er décembre 2006) interviewait le Président de la Guinée Conakry, Lansana Conté (2).

Cet homme est vieux (73 ans), il dirige son pays depuis vingt-deux ans, à la suite d’un coup d’État consécutif à la mort de Sékou Touré, et surtout, il est malade de la leucémie. Il ne vit pas dans la capitale, mais à deux heures de route, dans son petit village de Wawa. Il s’accroche à son mandat, déterminé à le finir jusqu’en fin 2010.

Toute son astuce consiste à se montrer au milieu de ses poules et de ses champs. Le pays est pourtant riche en ressources naturelles, mais plus de la moitié des habitants est très en dessous du seuil de pauvreté. La corruption gangrène le pays qui est véritablement coupé en deux, les pauvres et les voleurs. Voisine du Libéria, du Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire, la Guinée semble épargnée par la guerre mais jusqu’à quand ?

Des proches de Lansana Conté sont ainsi lâchés, pour mieux montrer la lutte contre la corruption.

Par exemple, Mamadou Sylla, patron d’une compagnie aérienne, d’un importateur de voitures, de munitions etc., s’est enrichi grâce à sa proximité du pouvoir, en échange de livraisons d’armes à l’armée guinéenne quand le pays était agressé par ses voisins.

Disgracié par son protecteur, ce dernier explique « Les dix premières tonnes de riz qu’il a vendues, c’est moi qui lui ai offertes. (...) Je lui ai dit : "Si tu as volé, tu rembourses" ». Sylla sera bientôt jugé, mais bien d’autres, anciens ministres, se font dorer la pilule en Europe, bénéficiant de la clémence présidentielle : « Je n’aime pas mettre les gens en prison. Les ministres qui volent, je les écarte ».

J’ai l’impression ainsi d’avoir affaire à un vieux sage pacifique qui, lui, n’écarte pas ses oligarques avec du polonium 210.

Et pourtant, Lansana Conté est un rétrograde qui fait tout pour ne pas enrichir sa population.

Il ne croit qu’à l’agriculture et qu’aux résultats de la récolte des terres. Il refuse l’exploitation des nombreux gisements miniers de la Guinée : aluminium, fer, or, diamant et même pétrole... avec cette philosophie complètement dépassée : « Les mines ne m’intéressent pas. Ce qu’on trouve par hasard ne m’intéresse pas. Personne ne peut profiter d’une mine comme on le fait avec un champs, ou alors cette personne vole son pays ».

Il estime en effet que les mines, ce sont plus les Guinéens qui volent le pays que les Occidentaux, en revanche, il est reconnaissant envers la présence des Chinois qui, eux, travaillent : « Je leur ai confié une terre fatiguée, vous devriez voir ce qu’ils en ont fait ! Les Chinois sont incomparables. ».

Bref, un vieux dictateur malade et éloigné du pouvoir, incapable d’arrêter la corruption, refusant de s’appuyer sur les richesses du pays pour favoriser son développement, arc-bouté sur des pensées d’arrière-garde...

Le 19 janvier 2007, rencontrant des responsables syndicaux après dix jours de grève générale, Lansana Conté les menace ainsi : « Je vais vous tuer tous, tant que vous êtes. Je suis militaire, j’ai déjà tué des gens. » (3).

Le 24 janvier 2007, alors qu’il y avait déjà 59 morts par la répression, Conté accepte à transférer ses pouvoirs à un Premier Ministre qui nomme finalement le 26 février sous la pression de la rue (4).

Lansana Kouyaté, haut diplomate très apprécié de l’ONU et de la France entre autres, aura-t-il avec son gouvernement les mains libres pour redresser la Guinée et lui apporter une vision moderne de l’économie face à l’un des plus anciens tyrans du monde ?

Cette évolution semble donner un peu d’optimisme.

(1) Nomination d’un gouvernement de consensus.
(2) Interview de Lansana Conté au journal Le Monde.
(3) Lansana Conté sur wikipédia.
(4) Nomination de Lansana Kouyaté.




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