La Tunisie paie le prix du sang
La Tunisie commence à payer le prix du sang face aux terroristes infiltrés sur son territoire, proche de la frontière avec l’Algérie. Deux de ses militaires ont été tués, jeudi matin, dans l’explosion de leur véhicule détruit par une mine anti-personnel à la porte d’un village proche de la ville de Kasserine. Tous deux faisaient partie de forces de sécurité engagées depuis plusieurs semaines sur les pentes du mont Jebel Châami, dans la lutte contre un groupuscule armé, composé de tunisiens, algériens et libyens qui s’y est réfugié, protégeant sa cache par plusieurs mines anti-personnel.
Le lieu de l’explosion dans une zone habitée, à quelques kilomètres d’une ville, laisse supposer aux responsables de l’armée, cités par la presse tunisienne vendredi, que les terroristes bénéficiaient de complicités et soutiens logistiques dans la région.
Toujours selon la même source, le groupe encerclé depuis le début des opérations appartiendrait à la mouvance salafiste tunisienne d’Ansar al Charia dirigé par Abou Iyadh actuellement en fuite après avoir été impliqué dans l’attaque de l’ambassade des Etats Unis d’Amérique à Tunis, voilà plusieurs mois, qui s’était soldée par quatre morts parmi les assaillants. Un second groupe armé serait poursuivi également dans la même région frontalière, entre les cités du Kef et de Jendouba. Ce groupe ferait partie de l’armée d’Okba Ibn Naafa qui aurait opéré au Mali. Hormis les deux morts de jeudi, les forces de sécurité auraient à déplorer, depuis le début de la traque, une vingtaine de blessés, tous touchés lors d’explosions de mines anti-personnel, alors qu’aucun des terroristes combattus n’a pu être jusqu’à ce jour délogé.
A ce sujet, un expert militaire tunisien interrogé par le quotidien La Presse, journal d’expression française et plus fort tirage du pays, a déclaré « que les forces armées du pays étaient confrontées à une lutte pour laquelle elles n’avaient pas été formées et que ses moyens en matériel étaient insuffisants, ajoutant qu’en outre le pays n’abritait pas de services de renseignements anti-terroristes adéquats. »
Le premier ministre turc, Recep Erdogan, présent à Tunis les 5 et 6 juin dernier à l’issue d’une visite d’Etat effectuée en Afrique du Nord, a promis au gouvernement local toute l’aide nécessaire justement dans cette lutte contre le terrorisme. Tout comme une importante aide financière sous la forme de prêts et d’investissements dans le pays où les hommes d’affaires turcs sont déjà impliqués.
De son côté le chef du Gouvernement (provisoire) tunisien, issu de la mouvance islamiste du parti Ennahdha qui contrôle le pays, a fait preuve d’une soudaine modération dans un entretien avec le même journal, déclarant notamment « …chez les musulmans, il n’y a pas d’Etat religieux et nul ne peut gouverner au nom de Dieu. » Cette déclaration atteste d’un changement de cap du parti religieux, entamée voilà quelques jours par l’attitude d’un autre de ces leaders qui avait pris ses distances avec le chef emblématique du parti Rached Ghannouchi soutien des salafistes dès son retour d’exil à Londres. Coïncidant en outre avec la présence du Président turc, tout laisse supposer que les islamistes locaux soudain redevenus « modérés » ont subitement optés pour un régime à la turque, à savoir une démocratie laïque…et religieuse à la fois. Alors que la Tunisie n’est pas encore dotée d’un e nouvelle Constitution.
Tour ceci prend l’allure de Grandes Manœuvres dès lors que la publication vendredi, toujours par le journal La Presse, dans son éditorial, l’auteur, après avoir fait l’historique et les fautes commises par le parti religieux Ennahdha, issu des Frères Musulmans, et longtemps pourchassé depuis une trentaine d’années en Tunisie, demande à celui-ci « de choisir une fois pour toutes entre le prêche et l’action politique en se disant défenseur d’un islamisme républicain…à la turque. »
Tiens, tiens, l’ancien empire ottoman serait-il de retour sur les rives Sud de la Méditerranée sous l’impulsion de la Turquie ? Irons nous, par exemple en Tunisie, vers un régime de la fin du 19° siècle, avec la bénédiction de la dynastie des…beys ? Ou alors est-ce que se prépare la mise en place d’un Moyen Orient allié de l’Occident, tel que le voulait l’ancien Président des Etats Unis d’Amérique, avec l’appui de la Turquie, « ami d’Israël » de surcroit, plus que celui de l’Union Européenne, alors que le Président français Hollande est attendu à Tunis au mois de juillet ? Mon petit doigt a la réponse. Il dit oui. D’accord, mais que faire alors des Arabie Saoudite et Qatar, principaux bailleurs de fonds de la Tunisie jusque là et surtout « gros exportateurs d’un islamisme radical avec le wahhabisme » ? Il faudra leur dire de s’écarter tout simplement puisqu’ils demeurent des suzerains fidèles et… utiles à l’oncle Sam.