vendredi 18 juin 2010 - par AJ

Le conflit au Kirghizistan en 5 questions/réponses

Quelques semaines après le coup d’état populaire qui a renversé le président Bakiev, la petite république d’Asie centrale, qui vit le jour du fait de la dislocation de l’URSS, fait à nouveau la une des journaux. Le Kirghizistan doit en effet faire face à une véritable guerre civile selon les propres dires de son ministre de l’intérieur, entre kizikhs et la minorité ouzbek, qui se concentre dans la dépression du Ferghana. Tentative d’éclaircissement en cinq questions/réponses.

Quand et où ont démarré les affrontements ? Le Kirghizistan, une petite république d’Asie centrale de 5 millions d’habitants est le théâtre depuis jeudi dernier de violents affrontements entre des hommes armés kirghiz et la minorité ouzbek, au sud-est du pays, qui constitue 15% de la population. Och, la capitale de la région à dominance ouzbek, où cette minorité constitue 40% de la population, est la cible des conflits et la ville en feu, ne serait plus qu’un ramassis de ruines.

Quelles sont les conséquences humanitaires ? Près de 80 000 Ouzbeks ont déjà fui en direction de leur pays d’origine mais la frontière fermée, ce sont quelques 15 000 réfugiés qui seraient en attente d’une aide humanitaire. Nous allons cesser d’accepter des réfugiés du Kirghizstan car nous ne pouvons pas les loger mais si nous avons les capacités de les accueillir et les aider, nous rouvrirons la frontière a annoncé lundi le vice-premier ministre ouzbek. Les affrontements auraient déjà fait près de 138 morts et 1800 blessés. Des chiffres qui seraient largement sous-évalués, d’autres sources parlent en effet d’un ou plusieurs milliers de victimes. Les grandes puissances, elles, cherchent à apporter une réponse internationale coordonnée dixit les Etats-Unis. La Russie a déjà envoyé une aide humanitaire sur place ainsi que le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés.

Existe-t-il une rivalité géopolitique ? La question de la dépression du Ferghana est évidemment au centre des évènements. Au coeur d’une région très montagneuse et peu peuplée, cette dépression de 45 000 km2 compte près de 10 millions d’habitants, soit une densité dix-huit fois supérieure à celle du Kirghizistan ! Partagée entre trois états, l’Ouzbékistan, le Tadijikistan et donc le Kirghizistan, elle est, depuis la dislocation de l’URSS, une source de conflit. Terre fertile, c’est ici que se déversent toute l’eau des montagnes aux alentours. Or, les trois états qui se partagent la vallée rivalisent pour l’irrigation, et les zones en aval se plaignent de la consommation intensive des zones en amont. D’ou résultent certaines tensions...

Kourmanbek Bakiev tire-t-il les ficelles ? Kourmanbek Bakiev, l’ancien président kirghiz, arrivé au pouvoir en 2005 à la suite d’un coup d’état qui a été renversé au mois de février dernier par une révolte menée par l’opposition, n’est pas étranger aux évènements actuels. L’opposition désormais au pouvoir a en effet organisé un référendum pour le 27 juillet prochain appelant les électeurs à se prononcer sur la future constitution du pays. Hors, Bakiev, originaire du sud du pays, aurait instrumentalisé les tensions inter-ethniques et soutenu les groupes de kirghiz qui saccagent les maisons ouzbeks pour installer le chaos dans le pays et suspendre le référendum. Autoritaire, l’ancien président espère également profiter de la situation hors de contrôlé pour s’imposer comme le seul capable de mettre fin aux affrontements et rétablir l’ordre. Et accessoirement, revenir au pouvoir.

La Russie et les Etats-Unis jouent-ils un rôle ? Pour les deux états, la situation au Kirghizistan est d’une importance capitale. Les deux se disputent le soutien de ce pays stratégique, et Bakiev, tout au long de son mandat, aura tenu à bénéficier au maximum de la rivalité entre les deux anciennes super puissances. Les Etats-Unis, qui disposent d’une base stratégique pour le conflit afghan, la base de Manas, sont plutôt favorables à Bakiev qui malgré deux menaces de fermeture, a conforté la présence militaire américaine. A l’inverse, les russes, qui ont tenté en vain de préserver leur cercle d’influence en Asie centrale, ont vu d’un très mauvais oeil la prolongement du bail américain sur la base de Manas alors que malgré la détermination de Dmitri Medvedev, ils peinent à faire avaliser l’ouverture d’une seconde base militaire russe. Le Kremlin serait donc plutôt favorable au maintien au pouvoir de l’opposition de Bakiev, et verrait donc d’un très mauvais oeil les évènements qui perturbent le sud est du pays. 

 
 
 


12 réactions


  • LeGus LeGus 18 juin 2010 11:20

    Pour faire court, ceci est épisode de la politique d’endiguement de la Russie énoncée par Zbigniew Brzeziński dans « le grand échiquier », via une révolution colorée...
    Un très bon film sur les révolution colorées :

    Les Révolutions des Couleurs
    Regarder cette vidéo sur video.google.fr

    Les États-Unis à la Conquête de l’Est : Techniques modernes de manipulation de l’opinion et déstabilisation des Étatshttp://video.google.fr/videoplay?docid=2248625849494744048#
    Optor, Soros, la CIA...la totale.

    Donc le collabo-atlantiste Bakiev, fomente des émeutes pour complaire à ses maitres et retarder l’inéluctable reprise en main de son étranger proche par la Russie.


  • Salsabil 18 juin 2010 11:44

    Bonjour Alex,

    Pas tout à fait d’accord avec votre présentation des évènements.

    Le fait de masquer derrière l’unique et seule excuse du conflit inter-éthnique, (excuse reprise systématiquement par tous les médias), une action de groupes maffieux affiliés à l’ex président Bakiev et ses sbires, est un peu trop généraliste !

    Les snipers qui se sont postés sur les toits de Osh puis de Djalal-Abad ne sont rien d’autres que des mercenaires payés pour cela. Ils tirent dans le tas au hasard sur tout ce qui bouge. Les gens sont littéralement assiégés, l’aide humanitaire arrive au compte-goutte et les soins sont délicats.

    S’il y a bien des bases à une rivalité historique entre özbek et kirghiz, il n’en reste pas moins qu’il a été plus que simple de raviver les tensions là où il n’y en avait pas forcément au quotidien.
    Aujourd’hui, on arrive effectivement à un véritable massacre des populations özbek qui n’ont pas eu la chance de fuir.

    C’est une situation dramatique et la nécessité de faire intervenir d’une part des ONG et d’autre part une force de paix devient urgente.

    Pour plus de détails, je vous invite à la lecture de cet excellent article :

    http://sylvielasserre.blog.lemonde.fr/2010/06/15/kirghizistan-radiographie-un-groupe-de-mercenaires-est-arrive-a-osh-et-a-place-des-snipers-sur-les-toits-des-maisons/

    De même qu’à la lecture générale des nombreux articles de ce même blog : http://sylvielasserre.blog.lemonde.fr/ ,
    où vous trouverez toutes les informations nécessaires et actuellement accessibles.


    • LeGus LeGus 18 juin 2010 12:06

      Bonjour Salsabil,

      Permettez moi ces questions en aparté :
      Êtes-vous Gul ?
      Êtes-vous turque ?
      Avez-vous été vilipendée par vos anciens camarades zozos suite à l’assaut sur le Mavi marmara ?
      Ne pensez vous pas que l’intérêt de la Turquie est plus dans OCS plutôt que dans l’OTAN ?

      Merci de me répondre.


    • Salsabil 18 juin 2010 12:33

      @ Le Gus,

      Bonjour,

      Ce sera tout pour vous servir ?? smiley

      Oui, je suis Gül, ce n’est un secret pour personne, et non, je ne suis pas turque.

      Je passe sur la question « zozos », aucun intérêt.

      Quant à la Turquie, et son avenir international, c’est une question délicate. Etant donné les développements économiques actuels, je finis par penser qu’elle aurait peut-être intérêt à se tourner vers l’est. Ceci dit ses relations avec l’occident sont anciennes et sans doute importantes à être gardées dans le sens où, je crois qu’elle a un rôle primordial à jouer dans la région, en particulier dans un souci de pacification et d’équité.
      J’ai la sensation cependant que se creuse de plus en plus un fossé avec les pays membres de l’OTAN, sans doute du aux prises de positions d’Erdogan et de l’AKP.
      C’est difficile de vous répondre sur ce sujet tant les avantages et inconvénients d’un choix ou de l’autre sont sur la tangente.


    • LeGus LeGus 18 juin 2010 13:00

      @Salsabil,

      Je vous remercie d’avoir pris la peine de me répondre, n’ayant pas souvent été du même bord je salue votre aptitude au dialogue par dessus les oppositions.

      Bien à vous.


    • amipb amipb 19 juin 2010 05:15

      Blog très intéressant, merci Salsabil.


  • Nicolas-royaliste 18 juin 2010 14:57

    On parle souvent du « cercle d’influence de la Russie »
    Lors de ces évènements, la minorité ouzbek avait demandé l’intervention militaire de la Russie pour les protéger, mais les Russes avaient refusé et envoyé de l’aide humanitaire.
    les médias me font rire avec le cercle d’influence de la Russie. C’est une réalité, autant que les Américains ont leur cercle d’influence, ainsi que les Chinois. Mais récemment un type avait dit à la télé que les Russes voulaient reconquérir leur puissance perdue.
    Quoi ? Et les Russes, pays de 17,075 millions de km2, veulent reconquérir leur puissance perdue en Ossétie du sud, région de 3000 km2 ????
    Messieurs les journalistes, arrêtons la fumette !


    • Traroth Traroth 18 juin 2010 16:57

      Ce n’est pas seulement une question de surface. Il y a d’autres facteurs bien plus important : la position géographique, les richesses du sous-sol, les ressources en eau, etc.

      Concernant l’Ossétie du Sud, il s’agit d’une zone située entre la mer Caspienne (et son pétrole) et le débouché maritime constitué par la mer Noire. C’est extrêmement stratégique !
      L’enjeu des conflits géorgiens, c’est de savoir qui va contrôler le pétrole de la Caspienne, de son extraction à son acheminement vers les pays consommateurs. Les chiffres en jeu ont la taille d’un numéro de téléphone !


    • VivreenRussie VivreenRussie 18 juin 2010 18:11

      @ Traroth : Concernant l’Ossétie du Sud, il s’agit d’une zone située entre la mer Caspienne (et son pétrole) et le débouché maritime constitué par la mer Noire. C’est extrêmement stratégique !
      -------------------------------------
      Il y a eu un glissement de terrain en Georgie ?
      Depuis quand l’Ossetie se trouve sur le bord de la mer noire ?

      Quand bien meme vous vouliez parler de l’Abkhazie du moins je l’espere (...), La facade maritime russe sur la mer noire est « suffisante » et la Russie n’a nul besoin de celle de l’Abkhazie.
      Concernant le petrole en provenance de la caspienne, vous devriez regarder d’un peu plus pres les cartes des pipelines de la region, en voici un exemple avec le trace du Caspian Pipeline Consortium
      http://www.cpc.ru/portal/alias !press/lang !en-us/tabID !3357/DesktopDefault.aspx
      (sans oublier le fait que Chevron soit un des actionnaires)


    • Traroth Traroth 20 juin 2010 23:29

      Faut apprendre à lire, hein !


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